La révision de la directive sur la fiscalité de l’épargne a été un sujet clé de la réunion des ministres des Finances de l’UE du 15 novembre 2013. En amont de la réunion, le ministre des Finances du Luxembourg, Luc Frieden, avait exprimé son étonnement que la discussion sur la refonte de la directive sur la "fiscalité de l’épargne" figurât de nouveau à l’ordre du jour du Conseil, et ce dans le but affiché d’obtenir l’accord de tous les Etats membres pour une extension de son champ d’application. Pour mémoire : La révision de la directive sur la fiscalité de l'épargne, défendue par la Commission européenne, doit permettre d'élargir son champ d'application pour étendre l'échange automatique d'informations fiscales aux versements effectués via des trusts ou des fondations.
Depuis qu’en avril 2013, il a annoncé sa volonté d’appliquer, à partir de 2015 et comme tous ses partenaires dans l’UE, l’échange automatique d’informations pour les paiements d'intérêts au sein de l’UE, le Luxembourg insiste aussi sur la nécessité d’accompagner ce nouveau développement par l’introduction de mesures équivalentes dans les pays tiers, notamment la Suisse.
En mai 2013, le Conseil européen avait repris cette dernière condition, fait valoir le ministère luxembourgeois des Finances. Or, comme les négociations menées par la Commission européenne avec la Suisse n’ont encore pas apporté de résultats connus, la discussion ne devrait pas figurer à l’ordre du jour, a expliqué Luc Frieden avant la réunion, qui a rappelé que l’enjeu de la directive devait aussi être "d’éviter une fuite de capitaux hors de l’UE et de préserver la capacité de l’UE d'investir pour relancer l'économie et la croissance". Pour le ministre, cette approche est à la fois "européenne" et "réaliste".
Le Luxembourg et son allié dans ce dossier, l'Autriche, ont donc maintenu sans surprise leur opposition à l'adoption, à ce stade, de la directive révisée sur la fiscalité de l'épargne lors de la réunion du Conseil, faisant face aux autres 26 Etats membres délégations qui ont apporté leur soutien au texte et face aussi à la demande du Conseil européen de mai 2013 qui a demandé que la directive révisée soit adoptée d'ici fin 2013.
Luc Frieden a expliqué son opposition par le fait que les conclusions du Conseil européen de mai 2013 demandent l'adoption de la directive par le Conseil d'ici à fin 2013 "en tenant compte" de progrès substantiels dans les négociations avec cinq pays tiers (Suisse, Andorre, Liechtenstein, Monaco et Saint-Marin) censées déboucher sur l'application par ces derniers de mesures équivalentes à celles prévues dans la nouvelle directive (taxation de tous les revenus et produits d'épargne qui génèrent des intérêts ou des revenus similaires et échange automatique d'informations). Or, la Commission n’a pas encore pu faire état de tels progrès.
"Nous devrons par conséquent attendre le résultat des négociations avec les pays tiers et nous pourrons conclure sur cette directive uniquement au terme de ces négociations", a déclaré Luc Frieden. Le Luxembourg attend entre autres que ces pays tiers prennent des engagements très clairs et qu’un calendrier pour la mise en œuvre des mesures soit soumis.
Cela n’affecte en rien l’acceptation par le Luxembourg des normes de l’OCDE en matière d’échange automatique de l’information et des recommandations du G20 pour une plus grande transparence fiscale. Le Luxembourg n’est pas non plus contre un échange d’informations au niveau mondial, qui sera, selon Luc Frieden, la norme mondiale à terme. Le ministre espère "que dans les prochaines années des progrès soient accomplis sur cette question", et c’est pour lui l'OCDE qui est "le forum adéquat" pour arriver à cet objectif. L’ambition du Luxembourg est de "faire en sorte que la lutte contre la fraude fiscale soit efficace et qu'il y ait les mêmes règles du jeu au niveau global". Le Luxembourg respectera par ailleurs ses engagements et mettra en œuvre l'échange automatique d'informations entre administrations fiscales à partir du 1er janvier 2015 dans la cadre du champ d’application de la directive "fiscalité de l’épargne" actuellement en vigueur.
Vu l'impasse au Conseil, le texte sera soumis à une prochaine réunion du Conseil Ecofin pour être approuvé avant la fin de l’année 2013. Mais Luc Frieden est pessimiste de ce côté-là, car il voit mal comment la Commission pourrait d’ici décembre parvenir à des avancées substantielles avec la Suisse, Andorre, le Liechtenstein, Monaco et Saint-Marin. "C'est à cause de l'attitude de ces pays et de la Commission que nous n'avons pas été en mesure de parvenir à un accord politique aujourd'hui, et je pense que ce ne sera pas possible avant la fin de l'année", a déclaré Luc Frieden, au cours de sa conférence de presse.
Le Conseil Ecofin a adopté une déclaration sur les filets de sécurité dans le cadre de l'analyse en cours de la solidité du secteur bancaire.
Cette déclaration réitère l'ordre dans lequel une recapitalisation bancaire devra avoir lieu si cette analyse pilotée par la Banque centrale européenne avec le soutien de l'Autorité bancaire européenne (EBA) lancée début novembre 2013 révèle une capitalisation insuffisante de certaines banques européennes, à l'automne 2014.
Par capitalisation insuffisante il faut distinguer, comme la rappelé le commissaire en charge du dossier, Michel Barnier, entre les besoins de fonds propres identifiés à chaque fois qu'une banque est en dessous ou proche des minima de capital règlementaire du fait de la revue de la qualité de ses actifs et de son bilan, et là, il s'agit de besoins devant être nécessairement et rapidement comblés, et les besoins identifiés dans le cadre de stress-tests qui reposent non sur une situation ordinaire mais sur des circonstances sinon improbables en tout cas exceptionnelles, ce qui doit conduire à des recapitalisations préventives.
Les États membres devront s'assurer que les banques auront élaboré des stratégies « spécifiques et ambitieuses » de restructuration qui privilégieront la mise à contribution du secteur privé.
Si des cas de besoins en capital devaient se présenter, le processus de recapitalisation se déroulerait en trois étapes de vérification et de recours aux moyens adéquats qui seraient:
L'injection d'argent public dans le capital de banques défaillantes sera soumise aux règles sur les aides d'État révisées en été 2013 qui introduisent une forme de renflouement interne ('bail-in') allégée par rapport aux dispositions de la directive 'BRRD' harmonisant les régimes nationaux de résolution bancaire, qui est, elle aussi, en cours de finalisation.
L'injection de fonds publics bénéficiera par ailleurs d'un traitement spécial au regard du Pacte de stabilité et de croissance et n'alimentera pas le déficit public, dans la mesure où son objectif est la stabilité financière.
Le Conseil a finalement demandé à la Commission européenne d'analyser l'état d'avancement des États membres dans la mise en place des 'backstops' nationaux et de lui faire régulièrement rapport, la première fois à partir de décembre 2013.
Le Conseil a fait le point sur l'avancement des travaux sur le projet de directive relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, ce sur demande de la France, de l'Allemagne et de l'Italie, "dans le but de bien montrer que la lutte contre le blanchiment de capitaux est une priorité absolue" et pour discuter des questions qui restent en suspens.
La directive proposée, qui va de pair avec un projet de règlement sur les informations accompagnant les virements de fonds, vise à aligner la réglementation anti-blanchiment de l'UE sur la stratégie suivie au niveau international. Ces textes mettraient en œuvre les recommandations émises en février 2012 par le groupe d'action financière internationale (GAFI), un organisme réunissant 37 membres, créé par le G7 et considéré comme la référence mondiale dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Sur certains points, la proposition va plus loin que ce que demande le GAFI et prévoit des garanties supplémentaires.
La directive 2005/60/CE, qui est la troisième directive anti-blanchiment de l'UE, fixe un cadre pour la protection du système financier, et couvre la plupart des 40 recommandations du GAFI et quelques-unes de ses recommandations spéciales.
Les principales modifications envisagées sont les suivantes:
La Commission a présenté ses propositions de directive et de règlement en février 2013. Le Conseil européen du mois de mai a demandé que la directive soit adoptée avant la fin de cette année.
La présidence a donc scindé ce dossier en deux et s'est concentrée sur le projet de directive.
L'objectif est que le Conseil puisse rapidement se mettre d'accord sur une orientation générale, afin qu'un accord puisse être trouvé avec le Parlement européen avant la fin de la législature (mai 2014).
Si un accord se profile désormais sur la plupart des dispositions, il reste plusieurs questions à régler. Il existe notamment des divergences sur les points suivants:
L'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne requiert que la directive soit adoptée par le Conseil à la majorité qualifiée, en accord avec le Parlement européen
La France, l’Autriche et les Pays-Bas ont plaidé pour l'obligation de créer des registres centraux accessibles au public et notamment aux banques sur les bénéficiaires effectifs en incluant tant les entreprises que les trusts.
La France et l’Autriche veulent que la Commission joue un rôle important en ce qui concerne l’évaluation des risques, qu’elle puisse émettre des recommandations contraignantes aux États membres et prendre des actes délégués dans ce contexte. Mais d’autres pays refusent cette solution ou pensent que l'évaluation par la Commission ne doit pas exclure celle des Etats membres et leur être complémentaire.
Le Royaume Uni, la Grèce, le Luxembourg et les Pays-Bas se sont exprimés contre une surveillance par la Commission de l'efficacité des dispositifs de lutte contre le blanchiment. Ils sont aussi contre un mécanisme de surveillance par les pairs. Ils considèrent que la surveillance exercée par le GAFI est suffisante.
Enfin, en ce qui concerne "l’équivalence des régimes de pays tiers", les délégations étaient partagées sur l’idée d'une "liste noire" européenne de juridictions non coopératives de certains pays tiers.