Le Conseil Affaires étrangères de l'UE a examiné le 14 avril 2014 l'évolution de la situation en Ukraine. Il a pris deux mesures faisant partie d'un ensemble de propositions qui ont pour objectif d’apporter un soutien économique et financier à l'Ukraine. Il a également renforcé les sanctions de l'UE qui portent sur le gel et la récupération de fonds détournés appartenant à l'État ukrainien. Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, convaincu que "c’est une erreur de se barricader dans des hypothèses négatives", a donné une conférence de presse après la réunion du Conseil, au cours de laquelle il a commenté plusieurs aspects de la crise : l’énergie, les sanctions, les agissements des milices dans l’Est de l’Ukraine, la mission EULEX de l’UE, la réunion de Genève du 17 avril entre les ministres des Affaires étrangères de la Russie, de l’Ukraine, des USA et de l’UE, la démocratie en Ukraine et sa vision des intentions russes.
Le Conseil a décidé d’allouer une assistance macro-financière d'un montant maximal d'1 milliard d'euros à l'Ukraine afin de soutenir la stabilisation de son économie et l'exécution de son programme de réformes structurelles, en complément des ressources mises à disposition au titre d'un accord financier avec le FMI. Cette aide vient s'ajouter à l'assistance macro-financière de 610 millions d'euros, déjà approuvée, mais pas encore versée. Cette aide est assortie de conditions, qui sont la lutte contre la corruption et l’ouverture des marchés publics.
Le Conseil a également adopté un règlement accordant des préférences commerciales unilatérales à l'Ukraine, prévoyant à partir du 23 avril 2014 la réduction ou l'élimination temporaire des droits de douane conformément à la liste de concessions figurant dans une annexe de l'accord d'association entre l'UE et l'Ukraine. Ces mesures sont destinées à anticiper l'application de certaines dispositions de l'accord d'association, qui prévoit l'instauration d'une zone de libre-échange approfondi et complet. Le Parlement européen a déjà approuvé ces mesures.
Selon la Commission, la zone de libre-échange à part entière, telle qu'elle est envisagée dans l'accord, permettrait aux exportateurs ukrainiens d'économiser près de 500 millions d'euros de droits de douane par an. L'UE représente environ un tiers du commerce extérieur de l'Ukraine. En 2012, la valeur des importations ukrainiennes en provenance de l'UE s'élevait à 23,8 milliards d'euros, tandis que celle des exportations représentait 14,6 milliards, selon l'UE.
Ce train de mesures d'aide avait déjà été annoncé par la Commission européenne le 5 mars 2014, en réaction aux évènements sans précédent qu'a connus l'Ukraine. Il est destiné à aider le pays dans sa transition politique et à encourager la mise en œuvre de réformes politiques et économiques. Il avait déjà ensuite approuvé par le Conseil européen le 6 mars.
Aucune décision n’a par contre été prise sur la libéralisation du régime de visas pour les Ukrainiens.
Une autre mesure du Conseil a été de renforcer les sanctions de l'UE portant principalement sur le gel et la récupération de fonds détournés appartenant à l'État ukrainien. Cette décision ajoute quatre noms à la liste des personnes identifiées comme étant responsables du détournement de ces fonds et dont les avoirs seront désormais gelés sur le territoire de l'Union européenne. Cela porte à 22 le nombre total de personnes faisant l'objet du gel des avoirs institué par l'UE en liaison avec le détournement de fonds publics ukrainiens.
Les actes juridiques, y compris la liste des personnes frappées par des sanctions, seront publiés dans l'édition du 15 avril 2014 du Journal officiel de l'Union européenne. Ces personnes ne font pas l'objet d'une interdiction de visa sur le territoire de l'UE.
L'UE veut, selon ses propres dires, continuer de jouer un rôle de premier plan dans les efforts déployés pour faciliter et mener un véritable dialogue associant l'Ukraine et la Russie, en vue de trouver une solution politique. A cet effet, la Haute Représentante de l'UE, Catherine Ashton, devrait rencontrer le 17 avril 2014, les ministres des affaires étrangères de l'Ukraine, de la Russie et des Etats-Unis.
Le Conseil a réaffirmé par la même occasion son soutien à l'égard de la Géorgie et de la Moldavie. Les accords d'association avec la Moldavie et la Géorgie ont été paraphés lors du sommet du Partenariat oriental, qui s'est tenu en novembre 2013 à Vilnius. Leur signature sera accélérée de façon à ce qu'elle ait lieu avant fin juin 2014.
Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a donné une conférence de presse, après la réunion du Conseil, au cours de laquelle il a commenté plusieurs aspects de la crise : l’énergie, les sanctions, les agissements des milices dans l’Est de l’Ukraine, la mission EULEX de l’UE, la réunion de Genève du 17 avril entre les ministres des Affaires étrangères de la Russie, de l’Ukraine, des USA et de l’UE, la démocratie en Ukraine et sa vision des intentions russes.
La lettre adressée par le président russe, Vladimir Poutine, à 18 chefs d’Etat européens, dont 13 membres de l'UE, dans laquelle il a menacé de cesser de livrer du gaz à l'Ukraine si ce pays ne réglait pas sa dette, ce qui mettrait en danger l'approvisionnement de ces pays comme en 2009, avait suscité une vive réaction du président de la Commission européenne, José manuel Barroso. Il avait recommandé dès le 11 avril que cette question soit discutée par les ministres des Affaires étrangères et, au cours d'une conférence téléphonique, entre le commissaire à l'Énergie, Gunther Oettinger, et les ministres de l'Énergie. Il avait écrit que, "sur la base des résultats de ces discussions, la Commission européenne est disposée à rechercher une approche commune pour répondre à la Russie".
Jean Asselborn a évoqué la dette de 2,2 milliards de dollars de l’Ukraine avancée par la Russie, pour le paiement de laquelle "l’UE prendra ses responsabilités". Répondant à une question si l’UE ne s’apprêtait pas ainsi à payer des milliards à Gazprom, le ministre lui a répondu en disant que "vous n’êtes pas loin de la vérité", mais que la somme en jeu est entretemps en-deçà des "demi-douzaines de milliards exigés avant".
Sur ce point, Jean Asselborn a insisté sur le fait que l’on se trouvait toujours, en référence au plan par étapes de sanctions décidé lors du Conseil européen extraordinaire du 6 mars 2014, dans la phase 2 de ces sanctions, une phase qui permet une extension de la liste des personnes touchées par des interdictions de voyager dans l’UE.
Pour le ministre luxembourgeois, les milices pro-russes agissant dans l’Est de l’Ukraine mènent "des actions délibérées de déstabilisation". Par rapport à ces milices, il est "sur la même ligne que Vladimir Poutine, puisque ce dernier a déclaré que la Russie n’avait aucun intérêt à ce que l’Ukraine soit déstabilisée".
Il a aussi souligné le fait que la situation à l’Est de l’Ukraine n’est pas un "déjà-vu" qui ressemble à ce qui s’est passé en Crimée. La Russie n’a pas demandé de référendum dans ces régions. Une partie des Russophones veut clairement que cette partie du pays aille à la Russie, d’autres par contre veulent, selon Jean Asselborn, vivre comme Russes, mais en Ukraine.
Il n’y a, selon lui, aucune preuve que la Russie soit à l’origine des troubles dans les régions de l’Est, sans parler du fait que ce n’est pas dans son intérêt, comme elle le dit elle-même. "Je n’accepte pas l’idée que la Russie veuille déstabiliser l’Ukraine parce qu’elle ne pourrait tolérer une Ukraine démocratique et moderne", a-t-il déclaré. Son homologue français, Laurent Fabius, a par contre déclaré qu’ "il faut agir" après "les actions d'une grande violence" organisées dans l'Est de l'Ukraine depuis le 10 avril. Pour lui, "il apparait évident que la Russie porte une responsabilité dans ces violences".
La réunion de Genève du 17 avril entre les ministres des Affaires étrangères de la Russie, de l’Ukraine, des USA et la Haute représentante de l’UE, sera, pour Jean Asselborn "un élément déterminant", ce pourquoi cette réunion "doit avoir lieu". Il dépend, selon lui, de l’issue de cette réunion pour que l’on sache si un Conseil extraordinaire, voire un sommet européen extraordinaire, doit de nouveau être convoqué. Pour que cette réunion ait lieu, les ministres ont, selon lui, évité de trop parler de sanctions. Lui-même est convaincu que "la Russie s'est déjà sanctionnée elle-même, du point de vue des investissements, de la fuite des capitaux et de la baisse de la monnaie, des sanctions de fait qui sont très importantes". S’y ajoute que sa crédibilité est entamée, même auprès de la Chine et du Belarus. Finalement, Jean Asselborn est convaincu que la question de l’énergie va "jouer un rôle déterminant" à Genève, notamment la hausse des tarifs gaziers annoncés par la Russie tout comme les avances qu’elle veut dorénavant demander.
Jean Asselborn a également évoqué les mesures que l’UE entend prendre pour aider politiquement l’Ukraine dans la mise en place d’un Etat de droit démocratique qui soit doté d’une "légitimité sans faille".
Une mission de type EULEX sera mise sur pied pour aider l’Ukraine à renforcer son appareil judiciaire et policier dans le respect des normes européennes. Il faut également aider l’Ukraine à tenir ses élections présidentielles le 25 mai, ensuite des élections législatives en automne 2014 et à veiller à ce qu’un débat soit mené dans le pays sur une nouvelle Constitution. Même si, selon le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, l’UE n’a pas le droit d’imposer à l’Ukraine ses vues, elle peut transmettre des exemples utiles sur les différentes manières dont on a réussi dans les Etats membres à faire vivre ensemble des citoyens parlant différentes langues dans un seul pays, ou comment l’on peut être membre de l’UE sans être membre de l’OTAN, comme l’Autriche ou la Finlande, sans pour autant se sentir menacé.
Tout cela a été dit par un Jean Asselborn qui est convaincu que "c’est une erreur de se barricader dans des hypothèses négatives".