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Emploi et politique sociale
Détachement des travailleurs - Le Parlement européen a voté la révision de la directive
16-04-2014


ouvrier-inspecte-toit-source-ueLe 16 avril 2014, le Parlement européen a voté par 474 voix pour, 158 voix contre et 39 abstentions en faveur de la directive révisée sur le détachement des travailleurs, et cela suite à l’accord en trilogue qui avait été trouvé fin février 2014.

Selon un communiqué du Parlement européen, ce dernier "a renforcé le texte afin de mieux faire la différence entre les réelles situations de détachement et les tentatives visant à contourner la loi. Dans le secteur de la construction, l'entreprise contractante et sous-traitante seront tenues responsables si le travailleur détaché n'est pas correctement rémunéré." Le texte donne également aux États membres davantage de marge de manœuvre dans la mise en œuvre de contrôles.

Les nouvelles dispositions ont pour objectif d’améliorer la mise en œuvre de la directive de 1996 relative aux conditions des travailleurs détachés dans un autre pays de l’UE pour fournir des services pendant une période limitée.

"Le texte final parvient à un équilibre entre la liberté de prestation de services et la protection des travailleurs. Il pallie à l'incertitude juridique et améliore la situation des travailleurs détachés qui sont plus d'un million dans l'UE", a déclaré le rapporteur Danuta Jazlowiecka (PPE, PL).

"Cette directive est un pas en avant vers une meilleure protection des travailleurs détachés. Elle améliore la coopération entre États membres et s'attaque aux abus tels que les faux-indépendants et les sociétés boîtes aux lettres", a affirmé la présidente de la commission de l'emploi et des affaires sociales, Pervenche Berès (S&D, FR).

Mais loin de faire l‘unanimité, le compromis voté en plénière a suscité de fortes critiques chez des députés que la question des abus sociaux préoccupe. La député européenne allemande social-démocrate Jutta Steinrück a parlé d’un texte qui "n’est que pur maquillage". Pour elle, l’UE ne pourra pas, avec ce texte, combattre "les salaires de misère, les bandes qui pratiquent la traite humaine et les logements indignes pour les personnes humaines". La députée européenne libérale Nadja Hirsch a regretté que le texte offre "trop d’échappatoires" aux fraudeurs.

Le commissaire européen en charge des Affaires sociales, Laszlo Andor a par contre salué le vote. "Cela envoie un signal clair, à la veille du scrutin européen, que l'Europe ne tolère pas la fraude et les abus aux dépens de travailleurs détachés", écrit-il dans un communiqué.

Mieux identifier les véritables situations de détachement et prévenir les abus

Le texte clarifie les dispositions juridiques en fournissant aux États membres une liste non exhaustive de critères leur permettant d'identifier si le détachement est avéré ou s’il constitue une tentative de contourner la législation, par exemple via la création de sociétés boîtes aux lettres dans des pays où les contributions sociales sont moins élevées qu'ailleurs dans l'UE.

Le Parlement introduit également une définition des faux indépendants, un type d'abus qui exploite le fait que les indépendants ne sont pas soumis aux mêmes législations relatives aux conditions de travail. Cette disposition a été retenue après les critiques des syndicats.

Des contrôles renforcés

Pour veiller à ce que la directive de 1996 soit correctement appliquée, l'accord prévoit une liste de mesures de contrôle nationales, que les pays d'accueil pourront néanmoins compléter. Les États membres devront communiquer les nouvelles mesures de contrôles à la Commission européenne, mais comme a précisé le Parlement, cela ne constitue pas une autorisation préalable, et laisse une certaine marge de manœuvre aux États membres pour effectuer leurs contrôles.

Responsabilité conjointe et solidaire                                       

Dans les chaînes de sous-traitance, non seulement l'entreprise sous-traitante mais également l'entreprise contractante pourront être tenues responsables en cas de non-respect de la rémunération des travailleurs détachés. Dans le secteur de la construction, un tel système ou des mesures équivalentes seront obligatoires. Les États membres peuvent également introduire des dispositions plus strictes et inclure d'autres secteurs.

Une meilleure information des entreprises et des travailleurs détachés

La directive d'application améliore également l'accès à l'information, à la fois pour les États membres et pour les prestataires de services.

Le Parlement a ajouté des amendements pour s'assurer que l’information sera transparente, gratuite, dans un format accessible et sur un site officiel unique, en plusieurs langues, en tenant compte des demandes du marché du travail du pays d’accueil. Sur le site internet, les informations décriront les conditions de travail et sociales applicables aux travailleurs détachés, ainsi que les procédures pour pouvoir porter plainte en cas d’abus.

Prochaines étapes

L'accord doit encore être formellement approuvé par le Conseil des ministres.

La réaction de la Confédération européenne des syndicats (CES) 

Le logo de la Confédération européenne des syndicats (CES / ETUC)La secrétaire générale de la CES a commenté dans l'heure le résultat du vote sur la directive détachement révisée. Elle constate que "les eurodéputés ont rejeté tous les amendements destinés à en renforcer les modalités d’exécution". Et elle continue: "Au mieux, le Parlement européen a échoué à renforcer l’application de ce qui sont des droits minimum et bien faibles pour ceux et celles qui travaillent temporairement dans d’autres États membres. Au pire, il a compromis la capacité des États membres qui essaient vraiment d’appliquer cette Directive de le faire à l’avenir."

Pour la CES, c'est surtout l'application de la directive à la sous-traitance qui va être difficile. "Il existe dans huit États membres des lois nationales rendant potentiellement responsables toutes les entreprises impliquées dans la chaîne de sous-traitance en cas de violations de contrat telles que le non-paiement des salaires (dont le Luxembourg, ndlr). La Directive d’application adoptée par le Parlement autorise de telles lois pour autant qu’elles soient 'proportionnées', donnant ainsi la possibilité à la Commission européenne d’examiner une telle législation à la lumière d’objectifs du marché intérieur prétendument plus importants."

Et Bernadette Ségol d’ajouter : "Au lieu de ne pas renforcer l’application d’une directive médiocre, les eurodéputés devraient exiger une Directive sur le détachement des travailleurs plus robuste et confirmer la reconnaissance par l’UE du fait que le marché intérieur n’est pas plus important que les droits des travailleurs."