Le 7 avril 2014, le député Franz Fayot (LSAP) adressait au ministre des Finances deux questions parlementaires portant sur le projet d’Union bancaire, qui, ainsi qu’il le rappelait, doit reposer sur quatre piliers, à savoir un mécanisme de surveillance unique (SSM ou MSU), un mécanisme de résolution unique (SRM ou MRU) pour les banques de la zone euro, la directive "redressement et résolution des banques" (DRRB) et un système unique de garantie des dépôts (SDGS).
Les questions du député portaient sur les différents piliers de l’Union bancaire. Dans sa réponse transmise le 7 mai 2014, le ministre, Pierre Gramegna, répond point par point aux questions posées. Europaforum.lu les publie dans leur intégralité.
"En septembre, le Parlement européen et le Conseil se sont accordés sur la réalisation du SSM. D'ici la fin de l'année, la Banque centrale européenne (BCE) prendra en charge la surveillance des banques de la zone euro, et exercera une autorité directe sur les 130 établissements les plus systémiques, qui disposent à eux seuls de plus de 85 % des actifs bancaires", rappelait Franz Fayot dans sa question parlementaire.
Le député se référait au rapport annuel 2012 de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF), dans lequel cette commission estimait que le projet de règlement européen sur le SSM "prévoit le transfert d'un nombre important de compétences en matière de surveillance prudentielle des autorités nationales vers la BCE, dont l'autorisation et le retrait d'autorisation des banques, l'autorisation des actionnaires qualifiés, le contrôle des dispositions légales en matière de fonds propres, de grands risques et de liquidité, le contrôle de la gouvernance, du contrôle interne et de la gestion des risques, l'autorisation des dirigeants et le processus de revue prudentielle". "Il s'agit là des attributions exercées actuellement par la CSSF, qui n'aura, dans le nouveau dispositif, plus qu'un rôle d'assistant local de la BCE", commentait Franz Fayot.
Seules les banques "de moindre importance" continueront à être surveillées par la CSSF, étant précisé toutefois que même pour ces banques-là, les décisions en matière "d'autorisation, de retrait d'autorisation, de l'autorisation des actionnaires qualifiés et de l'exercice de la surveillance complémentaire pour les conglomérats financiers" seront prises par la BCE et au vu des critères - alternatifs - retenus pour définir les banques de "moindre importance", et notamment le critère de la taille relative, il resterait, selon les estimations de la CSSF, environ 70 banques qui continueraient à être surveillées par l'autorité luxembourgeoise - celles, par contre, dont la somme des bilans dépassera 8 milliards d'euro, soit 20 % du PIB, seront supervisées par la BCE.
La BCE est compétente pour exercer la surveillance prudentielle sur l'ensemble des établissements de crédit établis dans les Etats membres participant au mécanisme de surveillance unique («MSU» ci-après). Elle exercera directement la surveillance prudentielle à l'égard des banques dites importantes. La BCE peut décider, dans certains cas spécifiques, d'exercer également une surveillance directe à l'égard de banques moins importantes.
Aux fins de déterminer l'échantillon des banques appelées à participer à l'exercice de l'évaluation complète («comprehensive assessment»), la BCE a procédé à une identification liminaire des banques importantes. La liste des banques sujettes à l'évaluation complète a été publiée en octobre 2013 et confirmée par une décision de la BCE du 4 février 2014.
Les quelques 130 groupes et entités figurant sur la liste représentent près de 85 % de l'ensemble des actifs bancaires de la zone euro. Figurent sur cette liste six entités luxembourgeoises, à savoir : Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat, Luxembourg ; Précision Capital S.A. (Holding de Banque Internationale à Luxembourg S.A. et KBL European Private Bankers S.A.) ; State Street Bank Luxembourg S.A. ; RBC Investor Services Bank S.A. ; Clearstream Banking S.A. et UBS (Luxembourg) S.A.
En outre, environ 65 banques luxembourgeoises (filiales et succursales) font partie d'un des 130 groupes figurant sur la liste provisoire publiée par la BCE et tomberont également sous la surveillance exercée par la BCE. L'ensemble des banques concernées représentent plus de 80 % du total des actifs bancaires de la place financière.
La liste définitive des banques qui seront soumises directement à la surveillance de la BCE est en voie d'élaboration; elle sera établie sur base des données financières au 31 décembre 2013. La BCE informera les banques qui seront soumises à sa surveillance directe au moins deux mois avant la date de mise en œuvre du MSU, en l'occurrence le 4 novembre 2014.
La BCE sera chargée de veiller au fonctionnement efficace et cohérent du MSU au sein duquel la BCE et les autorités nationales sont tenues à un devoir de coopération loyale. Le règlement-cadre relatif au MSU définit en détail les modalités de la coopération entre la BCE, les superviseurs nationaux et les autorités macro-prudentielles nationales.
La BCE sera seule compétente pour accorder et retirer les agréments bancaires et pour autoriser les prises de participations qualifiées, qu'il s'agisse d'une banque Importante ou d'une banque moins importante. Les superviseurs nationaux assisteront la BCE dans l'exercice de ces tâches. Les requérants adresseront leurs demandes d'agrément et d'acquisition de participations qualifiées aux superviseurs nationaux, qui les apprécieront au regard du droit national et soumettront un projet/une proposition de décision à la BCE. La décision finale d'accorder l'agrément bancaire ou d'autoriser la prise de participation qualifiée appartiendra à la BCE.
La BCE exercera une surveillance directe sur les banques Importantes établies dans les Etats membres participant au MSU. Les superviseurs nationaux prêteront assistance à la BCE. Ils prépareront des projets de décision et participeront à des missions portant notamment sur la surveillance journalière des exigences légales de fonds propres, de la liquidité ou encore des grands risques, sur la vérification de l'honorabilité et des compétences des membres des directions ou des conseils d'administration. Les superviseurs nationaux participeront aux équipes de surveillance prudentielle conjointes ("Joint Supervlsory Teams") et assisteront la BCE dans l'exécution des décisions prises.
Les superviseurs nationaux exerceront la surveillance prudentielle à l'égard des banques moins importantes suivant les modalités arrêtées dans le règlement-cadre relatif au MSU. La BCE est habilitée à communiquer aux superviseurs nationaux des règlements, des orientations ou des instructions générales sur la manière dont ils doivent s'acquitter de leur mission de surveillance prudentielle.
Les autorités nationales resteront seules compétentes en matière de protection des consommateurs et de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme.
La surveillance macro-prudentielle restera de la compétence des autorités nationales désignées à cet effet. La BCE pourra néanmoins, si elle le juge nécessaire, imposer aux établissements de crédit des exigences plus strictes que les exigences minimales définies dans le droit de l'Union.
Fin 2013 la BCE a engagé un vaste chantier visant à détecter les risques dans les bilans des banques importantes et, le cas échéant, à obliger les banques à ajuster le niveau de leurs fonds propres aux risques encourus. L'exercice, connu sous la dénomination d'évaluation complète ("comprehensive assessment"), a pour objectif d'assurer que les banques importantes seront adéquatement capitalisées à la date d'application du MSU.
La BCE est en charge de l'exercice d'évaluation globale, depuis de sa conception jusqu'au suivi de son exécution en passant par les considérations stratégiques et méthodologiques et l'assurance qualité. La BCE a choisi de recourir aux services du cabinet international de conseil Oliver Wyman pour l'assister dans la coordination et la gestion du projet, ainsi que pour lui fournir des services de conseil financier.
Le suivi de l'exécution du projet se fait en étroite coopération avec les superviseurs nationaux de manière à tirer avantage des connaissances et expertises locales. Dans un souci de garantir la cohérence de l'exercice d'un pays et d'une banque à l’autre, la BCE a offert la possibilité aux superviseurs nationaux de se faire également assister par Oliver Wyman. A l'instar de bon nombre d'autres superviseurs concernés, la CSSF a fait usage de cette possibilité dans le respect du droit national régissant les marchés publics.
L'exécution de l'évaluation complète implique pour les banques luxembourgeoises la mobilisation à brève échéance et pour un intervalle de temps limité d'un nombre important de ressources humaines hautement qualifiées et spécialisées en raison du calendrier très serré de l'exercice et de son ampleur et de la complexité de la méthodologie à appliquer.
La CSSF a dès lors décidé de recourir pour l'évaluation des bilans à des sociétés spécialisées dans l'évaluation de portefeuilles de crédit et de marché et les a sélectionnées sur base d'une procédure de marché public négocié avec publication préalable d'avis de marché. A l'issue de la procédure, la CSSF a retenu, sur la base des prix et de la qualité des offres remises et en respectant les exigences de la BCE visant à éviter d'éventuels conflits d'intérêts, les offres de KPMG Luxembourg, PricewaterhouseCoopers, Deloitte Audit, ainsi que Ernst & Young Luxembourg.
Les mandats ont été attribués aux sociétés susvisées sur base de l'article 54, paragraphe 2 de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier, qui habilite la CSSF à nommer un réviseur d'entreprises agréé pour effectuer un contrôle portant sur un ou plusieurs aspects déterminés de l'activité et du fonctionnement d'un professionnel financier. Conformément à cet article, les coûts déterminés sur base des heures effectivement prestées sont à supporter par les banques concernées.
L'évaluation complète a pour objet d'identifier d'éventuels risques dans les bilans des banques, d'améliorer la transparence au niveau des bilans et de rétablir la situation financière des banques en les obligeant le cas échéant à se procurer de nouveaux capitaux propres sur les marchés financiers. L'objectif ultime est de restaurer la confiance du public dans le secteur bancaire, d'asseoir ce dernier sur une base financière solide en vue de la mise en œuvre de l'Union bancaire, d'assurer la stabilité financière dans l'UE et in fine la stabilité de l'euro. Dans la mesure où l'exercice d'évaluation complète permet d'atteindre cet objectif ultime, les coûts liés à cet exercice paraissent justifiés.
"Le 20 mars 2014 est intervenu un accord politique entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne quant au futur mécanisme de résolution unique (SRM) des banques européennes relevant du mécanisme de supervision unique (SSM)", rappelait Franz Fayot dans une seconde question parlementaire.
Le député soulignait que la proposition concernant le SRM repose sur deux éléments principaux.
D'une part, l'institution d'un "single resolution board" comprenant des membres permanents, mais aussi des représentants de la Commission, du Conseil, de la Banque centrale européenne et des autorités nationales, qui pourra décider de la restructuration d'une banque, soit en composition plénière pour des restructurations dépassant 5 milliards d'euro, soit en composition exécutive pour des restructurations en deçà de ce seuil.
D'autre part, la création d'un fonds de résolution unique alimenté par les contributions des banques elles-mêmes.
L'accord du 20 mars 2014 sur le mécanisme de résolution unique ("MRU" ci-après) constitue une étape importante dans la réalisation de l'Union bancaire. Le MRU apportera une réponse paneuropéenne à la résolution de groupes bancaires à activités transfrontalières. Les mécanismes de gouvernance et de prise de décisions du Conseil de résolution ("Single Resolution Board") reflètent cette dimension paneuropéenne.
C'est ainsi que les décisions de résolution seront prises par le Conseil de résolution dans sa forme exécutive, qui est composé d'un Président et de 4 membres Indépendants disposant du droit de vote ainsi que de la Banque centrale européenne et de la Commission européenne, qui ont le statut d'observateur et ne disposent pas du droit de vote. Les autorités de résolution nationales ne sont pas membres du Conseil de résolution dans sa forme exécutive, mais seront entendues par le Conseil de résolution pour les décisions les concernant. Ce mode de prise de décision vise à soustraire la prise de décision des Influences nationales ou politiques et présente des sauvegardes pour les petits Etats membres.
Les décisions impliquant un recours au Fonds européen de résolution dépassant certains seuils relèvent de la compétence du Conseil de résolution dans sa forme plénière. Dans cette formation les décisions se prennent selon un mécanisme de double vote: d'une part, chaque autorité de résolution nationale disposera d'une voix et d'autre part, les voix des autorités nationales seront pondérées en fonction de l'importance des contributions versées par le secteur bancaire national. Ce mode de prise de décision présente un juste équilibre entre les intérêts en jeu et offre des sauvegardes à la fois pour les petits et grands Etats membres.
Le niveau cible du Fonds européen de résolution ("Fonds" ci-après) sera de 1 % des dépôts garantis (soit environ 55 milliards d'euros d'après les estimations). Le Fonds sera alimenté par des contributions à verser par l'ensemble des établissements agréés dans les Etats membres participant au Mécanisme de surveillance unique.
Les contributions à verser par les secteurs bancaires nationaux au Fonds varieront fortement selon la méthode de calcul des contributions et plus particulièrement selon que les contributions seront déterminées sur une base nationale ou sur une base paneuropéenne. Force est de constater que la méthodologie pour calculer les contributions n'est pas connue à ce stade. Elle ne sera définie que par la suite dans des actes délégués et des actes d'exécution de la Commission européenne et du Conseil respectivement. Il ne s'avère dès lors pas possible de fournir des informations chiffrées fiables sur le coût du MRU pour le secteur bancaire luxembourgeois.
Toujours est-il que le coût risque d'être substantiellement plus élevé si la méthode de calcul des contributions devait se fonder sur une approche paneuropéenne. Ceci s'explique au regard de l'importance relative du centre financier luxembourgeois par rapport aux systèmes bancaires des autres Etats membres participant au Mécanisme de surveillance unique. Le coût résultant de la constitution du Fonds est estimé à ce stade à 55 milliards.
Le versement des contributions au Fonds est étalé sur une période maximale de 8 ans de manière à répartir le coût à charge des banques dans le temps. Le Fonds sera donc doté progressivement de moyens financiers sur une période de 8 ans. Tout recours au Fonds est subordonné à l'application préalable des règles de renflouement interne. Les pertes seront dès lors absorbées dans un premier temps par les actionnaires de la banque en difficulté et, dans certaines limites, par les créanciers. Ainsi bon nombre de résolutions bancaires pourront se faire sans un recours au Fonds. En cas d'insuffisance de moyens financiers à disposition du Fonds, ce qui risque d'être le cas surtout durant les premières années de l'existence du Fonds, il pourra être fait appel à des contributions ex post à verser par les banques. Le montant de ces contributions extraordinaires est limité à 3 fois le montant des contributions ex ante annuelles. Le Fonds pourra bénéficier en outre de prêts de la part des banques ou de tiers ou encore des fonds de résolution nationaux des Etats membres ne participant pas au Mécanisme de surveillance unique. Il pourra également se refinancer sur les marchés financiers.
La mutualisation des risques est l'objectif même de l'Union bancaire et plus particulièrement du MRU. Les décisions relatives à la surveillance prudentielle des banques seront dorénavant prises au niveau européen par la Banque centrale européenne. Le corollaire en est que les coûts liés à la résolution d'un groupe bancaire seront également absorbés au niveau européen. Si le MRU implique une participation des établissements luxembourgeois (via les contributions versées au Fonds) aux coûts de résolution d'une banque située dans un autre Etat membre en cas de recours au Fonds, il implique aussi que les coûts liés à la résolution d'une banque luxembourgeoise seront répartis sur un nombre plus Important de contributeurs et pèseront dès lors moins sur les établissements de la place. Etant donné que la grande majorité des établissements luxembourgeois font partie de groupes bancaires internationaux, le principe de la mutualisation des risques à la base du MRU présente un intérêt certain pour la place financière du Luxembourg.
Le député avait enfin une question portant sur les deux derniers piliers de l’Union bancaire.
Le règlement (UE) portant création du MRU se fonde sur la directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement ("Directive" ci-après). La Directive fait l'objet d'un accord entre les colégislateurs européens et sera publiée sous peu dans le Journal officiel de l'UE. Elle sera d'application à partir du 1er janvier 2015, sauf pour ce qui est des dispositions relatives au renflouement interne qui n'entreront en vigueur que le 1er janvier 2016. La Directive s'appliquera donc avant que le MRU ne devienne pleinement opérationnel et quelques semaines après la mise en œuvre du Mécanisme de surveillance unique fixée au 4 novembre 2014.
A l'instar de la Directive, la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts (refonte) fait également l'objet d'un accord entre co-législateurs et sera publiée sous peu au Joumal officiel de l'UE. La date d'application de cette directive dépendra de sa date de publication au Journal officiel de l'UE; elle se situera selon toute vraisemblance vers la mi-2015. La directive révisée sur les systèmes de garantie des dépôts vise une harmonisation maximale des régimes nationaux de protection des dépôts, ce qui a mené la Commission européenne à considérer que l'établissement d'un fonds commun de protection des dépôts ne serait pas indispensable au bon fonctionnement de l'Union bancaire.