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Economie, finances et monnaie - Fiscalité
Dans une interview donnée au Tageblatt, le directeur de l’ABBL, Serge de Cillia dresse le tableau de l’avenir de la place financière de Luxembourg dans l’UE et la zone euro marquées par l’échange automatique d’informations et l’Union bancaire
20-06-2014


tageblattDans une interview qu’il a donnée au journaliste du Tageblatt, Christian Muller, le nouveau directeur de l’ABBL, Serge de Cillia donne un large aperçu du redéploiement sur la place financière dans le contexte des changements qui sont intervenus ou qui sont en train d’intervenir dans le domaine règlementaire de l’UE ou de la zone euro: échange informatique d’informations (EAI), mécanisme de surveillance unique (MSU) et mécanisme de résolution unique (MRU) dans le cadre de l’Union bancaire, etc.

Un premier constat de Serge de Cillia est que le nombre des banques diminue à cause des fusions, mais que de nouvelles banques s’installent sur le marché européen et luxembourgeois, des banques russes, chinoises, brésiliennes ou des pays du Golfe. L’intérêt est grand pour la Suisse d’offrir ses services à partir de Luxembourg. Il parle d’ "arguments de vente traditionnels" : le Luxembourg membre de l’UE et de la zone euro, la stabilité politique et juridique, le savoir-faire dans les opérations financières transfrontalières, etc. Toute cette règlementation "propre et ordonnée", le Luxembourg la doit actuellement à l’Union bancaire.

Serge de Cillia marque au cours de l’interview son désaccord avec l’étude du Statec qui date d’avril 2014 sur l’impact macro-économique de l'échange automatique d'informations en matière de produits financiers sur la place financière de Luxembourg.

Pour rappel : le STATEC avait estimé que quelques 800 postes disparaîtraient dans le secteur bancaire par la seule hausse des frais administratifs liés à l'EAI. Il avait prévu le départ de quelques 15 milliards d’euros d'actifs sous gestion, soit quelque 5 % du total ; une baisse de la valeur ajoutée de 5 à 10 % de l'ensemble du secteur financier, de même une baisse par ricochet de l'emploi du secteur financier de légèrement plus de 1000 personnes et, par effets induits, une baisse de l'emploi dans le reste de l'économie de 500 à 1000 personnes (entre 0.25 % et 0.5 % du total de l’économie). Bref, entre 2300 et 3000 emplois pourraient disparaître. Mais en cas d’extension de l’EAI à d’autres avoirs, il ne faudrait "probablement pas s'attendre à un impact beaucoup plus sévère", avait estimé le STATEC.

de-cillia-serge-abblPour Serge de Cillia, le Statec a omis d’envisager l’arrivée de nouvelles banques avec de nouvelles activités, de nouveaux clients et de nouveaux emplois. Pour le directeur de l’ABBL, l’EAI "rend tout transparent", ce qui ouvre de nouvelles possibilités : la vente par les banques de crédits et de leasing par exemple, ou le cross-selling ou vente additionnelle, une activité adaptée à des clients qui "n’ont rien à cacher". D’ici à la fin de 2014, tous les fonds investis au Luxembourg seront selon Serge de Cillia "propres et conformes au droit fiscal" en vue de l’échange d’informations  qui commence en 2015 et de l’EAI qui commence en 2016. Les banques aident leurs clients à régulariser leur situation dans leur pays d’origine. L’évasion fiscale est devenu e plus difficile depuis que Singapour, Hongkong et la Suisse se sont engagés à se conformer à l’EAI. Seuls la Floride et le Delaware constituent encore des échappatoires. Ce qui importe maintenant à la profession, c’est que le Luxembourg ne se mette pas à augmenter les impôts en 2016 dans le cadre de la réforme fiscale annoncée, car cela risquerait de dissuader les personnes intéressées, donc les grandes fortunes, à venir s’installer au Luxembourg pour au moins 180 jours par an, ce qui leur permettra de continuer de profiter du secret bancaire.

ABBLLes niches qui montent sont selon Serge de Cillia les "payment providers" ou "prestataire de service de paiement" - "très importants pour la place financière", les monnaies virtuelles, alors que la CSSF a été la première autorité de surveillance européenne à s’accorder sur une définition de ces monnaies, le  "crowdfunding" ou "finance participative", une activité qui n’est pas encore réglementée à Luxembourg, l’art, "mais le Luxembourg n’est pas encore arrivé à se forger une renommée dans ce domaine" et l’Etat a raté le coche de se constituer une collection d’art de grande valeur, la finance islamique, où il existe des fonds islamiques, mais pas de crédits - la Grande-Bretagne est leader en crédits islamiques -, mais des demandes de créer des banques islamiques ont été faites,  et le renminbi, où le Luxembourg a raté le coche du clearing au bénéfice de Londres et Francfort, mais où il est leader pour le commerce transfrontalier dans la zone euro et les dépôts et crédits en devise chinoise.

Quant à l’Union bancaire, elle se décline pour le Luxembourg selon Serge de Cillia en trois volets :

  • le mécanisme de surveillance unique (MSU), qui sera initié en juin 2014 par des stress-tests "qu’aucune banque luxembourgeoise ne ratera" et qui placera 70 filiales de grandes banques installées au Luxembourg sous le contrôle direct de la BCE et 80 banques sous la surveillance de la CSSF ;
  • le mécanisme de résolution unique (MRU) à mettre encore en œuvre et le fonds de résolution unique (FRU) qui devra être alimenté par 55 milliards d’euros provenant des banques endéans 8 ans ; et selon la clé de répartition des charges qui sera retenu, le secteur bancaire luxembourgeois s’attend à devoir verser entre 300 millions et un milliard d’euros à ce fonds      
  • la garantie de dépôt harmonisée qui n’est pas encore décidée.

La conclusion de Serge de Cillia: "Le Luxembourg est très positif à l’égard de l’Union bancaire. Elle nous évite que les cinq grands Etats membres de l’UE la dominent totalement. La BCE est indépendante, le MSU également, et en ce qui concerne la garantie de dépôts, il faudra encore patienter."