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Environnement
Conseil Environnement – Le Luxembourg s’abstient sur le compromis qui permet aux Etats membres de restreindre ou d’interdire sur leur territoire la culture des OGM
12-06-2014


dieschbourg-conseil-envi-140612L'accord politique sur la proposition de "culture à la carte" des OGM dans l'Union européenne a été le fait principal du Conseil Environnement qui s’est tenu le 12 juin 2014 à Luxembourg. S’il reconnaît les avancées dans le texte dues à la présidence grecque, le Luxembourg, représenté par sa ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, s’est toutefois abstenu lors du vote, tout comme la Belgique. Pour la délégation luxembourgeoise, la proposition ne conduit pas à une évaluation plus sévère des risques liés à de nouvelles plantes transgéniques, elle donne trop de poids aux entreprises qui travaillent dans le domaine des technologies génétiques et affaiblit la position des petits Etats membres.   

L’accord sur les OGM

L’accord politique sur les OGM porte sur projet de directive de la Commission européenne qui date déjà de 2010 et qui modifie la directive 2001/18/CE en ce qui concerne la possibilité pour les États membres de restreindre ou d'interdire, sur leur territoire, la culture d'organismes génétiquement modifiés. Cette proposition vise à faciliter les procédures d'autorisation des OGM en prévoyant, dans le cadre réglementaire de l'UE en la matière, une base juridique permettant aux États membres de limiter ou d'interdire, sur tout ou partie de leur territoire, la culture d'organismes génétiquement modifiés (OGM) qui ont été autorisés au niveau de l'UE.

Après l’affaire de l’échec du 11 février 2014 au Conseil Affaires générales d’un accord sur le maïs transgénique 1507 que 19 Etats membres et une majorité du Parlement européen étaient d’accord pour interdire, et qui devrait finalement être autorisé par la Commission, la question de la possibilité pour les États membres de restreindre ou d'interdire, sur leur territoire, la culture d'organismes génétiquement modifiés a été relancée. Le Conseil a repris un texte qui avait déjà été bloqué au Conseil en mars 2012. Mais lors de la réunion du Conseil "Environnement" du 3 mars 2014, les États membres avaient confirmé leur volonté de discuter de nouveau sur cette proposition législative, cette fois-ci sur la base d’un texte de compromis de la Présidence grecque.

Entre la réunion du Conseil "Environnement" de mars 2014 et celle du 12 juin 2014, plusieurs réunions du groupe ad hoc sur les OGM avaient été convoquées par la Présidence grecque, qui avaient montré qu'une nouvelle proposition révisée pourrait recueillir un large soutien.

Le texte approuvé le 12 juin 2014 se décline ainsi :

  • il établit un lien entre la première phase (demande d'autorisation pour une OGM au niveau de l'UE introduite par une entreprise au niveau de l'UE) et la seconde phase (demande nationale dans chaque État membre où la culture est prévue);
  • "si l'Autorité européenne de sécurité des aliments EFSA et la Commission disent non à une culture, ce sera non pour toute l’UE, et si la Commission et l’EFSA disent oui, ce ne sera pas un oui pour tout le monde", selon le mot du commissaire européen à la Santé, Tonio Borg;
  • au cours de la première phase, la demande d'un État membre visant à modifier la portée géographique passera exclusivement par l'intermédiaire de la Commission et, en l'absence de réponse dans les délais des entreprises qui demandent l’autorisation, une réponse à délivrer via la Commission, la demande sera considérée comme tacitement acceptée;
  • pour la deuxième phase, l’autorisation dans un Etat membre, dans le cas où une entreprise a refusé l’exception géographique, le texte contient, une liste non exhaustive des motifs possibles que peuvent invoquer les États membres pour restreindre ou interdire les autorisations ; cette liste comprend notamment des raisons environnementales, des raisons socio‑économiques, l'affectation des sols et l'aménagement du territoire, des objectifs de politique agricole et des considérations liées à l'action des pouvoirs publics, etc.;
  • des modifications ont été apportées afin de définir l'ensemble des délais et des responsabilités applicables aux décisions relatives à la modification de la portée géographique de l'autorisation, y compris une possibilité supplémentaire de dérogation en raison de circonstances nouvelles et objectives;
  • au plus tard quatre ans après l'entrée en vigueur de la directive, la Commission présentera au Parlement européen et au Conseil un rapport concernant le recours à cette directive et l'efficacité de ses dispositions, y compris en ce qui concerne l'évaluation des risques pour l'environnement.

Chose importante, la nouvelle directive n'a pas d'incidence sur le processus d'évaluation relatif aux OGM mené par l'Autorité européenne de sécurité des aliments EFSA au titre de la directive 2001/18/CE et du règlement (CE) n° 1829/2003. Cela veut dire qu’un Etat membre qui veut un opt-out doit invoquer des raisons qui ne doivent pas être en conflit avec l'évaluation des risques sanitaires et environnementaux réalisée par l'EFSA.

L'accord politique doit être suivi de l'adoption formelle de la position du Conseil en première lecture. Au début de l'automne 2014, la présidence italienne devrait engager les négociations (en deuxième lecture) avec le Parlement européen nouvellement élu.

La position du Luxembourg

Dans son intervention devant le Conseil, Carole Dieschbourg a salué quelques éléments nouveaux dans le texte : la mise en place par les Etats membres de mesures de coexistence dans les zones frontalières, sachant, comme elle l’a précisé au cours de sa conférence de presse, que "les pollens d’OGM ne s’arrêtent pas aux frontières" ; le fait que "les Etats membres peuvent faire valoir des considérations d’ordre public" et "le renforcement des lignes directrices à suivre par l’EFSA dans le cadre de l’analyse des risques".    

Mais la position de la ministre issue du parti des Verts, qui s’inscrit sur le dossier des OGM explicitement "dans la lignée de ses prédécesseurs" et invoque le programme de son gouvernement qui veut promouvoir une agriculture durable sans OGM, est double : les Etats membres doivent avoir le droit de dire non à la culture de plantes OGM sur leur territoire et pouvoir en même temps pouvoir participer à des décisions au niveau européen sur un renforcement des critères d’évaluation et des règles qui mènent à une autorisation de la culture d’OGM.

Or,  le compromis du 12 juin 2014 risque selon elle d’instaurer un rapport de force entre petits Etats membres dotés de petites administrations et entreprises de biotechnologie qui pourrait se développer en défaveur des petits Etats membres, de sorte que ceux qui n’arrivent pas à maîtriser les exigences bureaucratiques pourraient se retrouver dans une situation où ce seraient les entreprises qui décideraient si un OGM est cultivé ou non dans un tel pays. "La proposition de directive ne protège pas nos citoyens des OGM", a-t-elle dû admettre, d’autant plus que rien n’a été clarifié en ce qui concerne l’étiquetage des OGM et leur présence dans la chaîne alimentaire.

Si un Etat membre se voit accorder l’exception géographique – et selon des sources diplomatiques fiables c’est l’engagement du lobby des OGM à ne pas s’opposer aux exceptions géographiques demandées par les Etats membres de taille moyenne ou petite qui a rendu possible le compromis – il se placera selon la ministre Dieschbourg dans une situation où ses possibilités de participer au processus d’autorisation de nouveaux OGM pour toute l’UE sera de facto restreinte. Elle a souligné que plusieurs Etats membres avaient déclaré pendant la session du Conseil que l’autorisation d’OGM sera désormais "plus facile" et "plus rapide", tandis qu’elle-même se demandait "si la proposition ne mènera pas à une vague d’autorisations de cultures d’OGM ", évoquant treize demandes en attente d’une décision.    

Partant de là, le Luxembourg s’est vu dans une position où il n’a "pas été en mesure de soutenir intégralement la proposition de compromis et se voit partant dans l’obligation de s’abstenir du vote".