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Parlement européen - Traités et Affaires institutionnelles
Une majorité d’eurodéputés a appelé au changement, lors d’un débat très politique au Parlement européen sur les résultats du Conseil européen
02-07-2014


pe-debat-pleniereC’est un débat très politique qui a eu lieu le 2 juillet 2014 au Parlement européen après les rapports que le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, ont présentés sur les grandes décisions du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014, que ce soient les cinq priorités pour l’UE entre 2014, et 2019, la désignation de Jean-Claude Juncker comme président de la Commission européenne, les décisions sur l’Ukraine et la signature des accords d’association avec la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine. Un des messages principaux était que les décideurs politiques de l'UE doivent tenir compte de l'appel au changement lancé lors des élections européennes. Maroš Šefčovič, le vice-Président de la Commission européenne en charge des relations interinstitutionnelles et de l’administration, a parlé d’un "débat très politique" qui indiquait "une nouvelle tendance" au Parlement européen qui exigeait que les pro-européens travaillent désormais ensemble.

Le président du groupe PPE, l’Allemand Manfred Weber a mis en exergue le taux de participation aux élections européennes qui est resté stable (43 %, ndlr) et que ces élections ont été un vote pour l’Europe et la cohabitation dans l’Europe. Il a remercié le Président du Conseil européen pour la désignation de Jean-Claude Juncker qui avait été, a-t-il précisé, le candidat de son parti politique européen, le PPE. Des batailles interinstitutionnelles ont ainsi pu être évitées. L’on a accepté la nouvelle force qui s’impose dans l’UE, qui aura de nombreuses décisions à prendre, mais aussi des tâches à remplir, comme celle de faire revenir la croissance, le respect des institutions politiques du niveau national et la fin de la crise des dettes souveraines. Pour Manfred Weber, l’UE doit être ouverte aux réformes et à changer.

Gianni Pitella (S&D) a placé un peu différemment les accents au nom des sociaux-démocrates. Jean-Claude Juncker devra encore convaincre ses alliés par son programme et son équipe. Il s’agira d’assouplir le pacte de stabilité et de croissance, une chose qui aurait dû être faite plus tôt, afin que les citoyens puissent respirer. Le groupe S&D ne signera pas un chèque en blanc, mais demandera un plan pour l’emploi et pour la croissance, des investissements par le biais de project bonds dans les infrastructures et un meilleur financement du budget européen. Il faudra aussi plus de solidarité contre les inégalités et la pauvreté qui augmentent. Un salaire minimal, une ouverture du Conseil sur de nouvelles voies pour l’immigration légale, plus d’attention donné au Sud de l’UE et à la Méditerranée ont été mentionnés par Gianni Pitella. 

Le député européen  britannique Syed Kamall qui préside les conservateurs des ECR a insisté sur le fait que son groupe est le 3e groupe le plus important du PE. Il a prôné le changement dans l’UE et regretté qu’elle se tourne trop vers des politiques du passé, avec un Jean-Claude Juncker dont la désignation a renforcé les préoccupations des conservateurs envers le processus qui l’a désigné. Mais s’il est élu par le Parlement européen, les conservateurs travailleront avec lui, tournés vers le futur pour un agenda qui doit faire face à la désindustrialisation et aux défis du changement climatique d’ici 2050. L’Europe du futur que souhaite le groupe ECR est celle du libre-échange, des marchés ouverts, de la sécurité énergétique et de la réduction de la bureaucratie.     

pe-debat-verhofstadt-140702Le Belge Guy Verhofstadt (ALDE), candidat des libéraux au poste du président de la Commission, a vivement défendu le mode d’élection de Jean-Claude Juncker, président désigné de la Commission. "Je ne comprends pas les voix critiques qui disent que ce n’était pas un vote démocratique", a-t-il lancé, soulignant que la nomination du Luxembourgeois n’était en rien différente de la nomination de David Cameron par le Parlement britannique. "Je reconnais que la démocratie britannique est une vraie démocratie et il est temps de reconnaître que ce Parlement européen représente la vraie démocratie européenne du continent", a-t-il affirmé. L’élection de Jean-Claude Juncker représente pour lui une "victoire pour la démocratie européenne et ses citoyens". Guy Verhofstadt a vivement critiqué les eurosceptiques. "Ils demandent de quitter l’euro, de quitter Schengen, ils veulent moins d’intégration et abandonner les politiques communes. Ce n’est pas du changement, c’est une régression !", a-t-il dénoncé, en reprochant aux conservateurs de vouloir maintenir le statu quo.

L’Allemande Gabriele Zimmer (GUE) a appelé à tenir compte des résultats des élections européennes et de la montée des eurosceptiques, en exigeant une politique plus responsable, solidaire et écologique. Elle a critiqué que la politique d’austérité soit toujours à l’ordre du jour alors que les élections auraient clairement montré que les électeurs ne veulent pas une politique de "coupes drastiques". Elle a salué le fait que son groupe qui a gagné 17 sièges aux élections européennes s’est élargi.  "C’est un plus de démocratie si on réussit à faire entendre la voix de ceux qui ont le plus souffert sous la crise. Le Conseil et la Commission sont dans l’obligation de faire une politique différente". Elle s’est félicitée du fait que son groupe parlementaire soit le seul à avoir le même nombre de femmes que d’hommes.  

L’Allemande Rebecca Harms, co-présidente du groupe Verts/ALE, a critiqué le caractère contradictoire de la politique de l’UE dans ses relations avec l’Ukraine et la Russie, cette dernière voulant selon elle déstabiliser cette politique. Elle a appelé à renforcer les sanctions économiques contre Moscou et demandé que les positions de l’UE soient plus fermes, tout en excluant le recours aux moyens militaires comme solution au conflit. L’élection de Martin Schulz à la présidence du Parlement européen a pour elle le bémol qu’elle pourrait reconduire Günther Oettinger comme commissaire à l’énergie ( la CDU, le parti d’Angela Merkel avait soutenu Martin Schulz à la condition que Günther Oettinger soit proposé à nouveau comme commissaire). Rebecca Harms a reproché à l’Allemand d’avoir bloqué le projet d’une Union de l’énergie qui "aurait pu être un projet d’innovation". 

pe-debat-farage-140702Nigel Farage, leader des eurosceptiques de l’EFDD et du parti britannique UKIP, a demandé un "changement fondamental des traités", faute de quoi les Britanniques voteraient pour une sortie du Royaume-Uni de l’UE puisque "près de 80 % demandent qu’on reprend en main le contrôle des frontières". "Allez-vous aider le Royaume-Uni à mettre fin à la liberté de circulation ? Je ne pense pas !", a-t-il lancé, prévenant que Londres est "plus proche de la sortie que jamais". Il a reproché au Conseil européen d’"obéir" à la chancelière allemande Angela Merkel et de ne pas tenir compte de la montée des eurosceptiques qui sont pour lui "les vrais progressistes". "Nous sommes ceux qui veulent la démocratie, des Etats-nations et un avenir mondial pour nos Etats. On ne veut pas être piégé dans ce vieux musée", a-t-il conclu.

Marine Le Pen, présidente du parti d’extrême droite français Front national s’est exprimé au nom des non-inscrits. "Un vent nouveau souffle sur cet hémicycle et ce n’est pas grâce à vous, Monsieur Schulz", a-t-elle dit. Elle a salué un "vent de liberté, de fraîcheur et de fronde contre une Union européenne de plus en plus inefficace, antidémocratique, brutale, déconnectée et plus contestée que jamais par les peuples européens". Elle a dénoncé des "manœuvres politiques fomentées dans de los des électeurs" qui ont été "floués une fois de plus", en allusion à l’accord entre les trois groupes politiques PPE, S&D et ALDE, en déplorant que le vote de Martin Schulz se soit effectué en secret. "Ce mandat ne sera pas pour les eurobéats un long fleuve tranquille", a-t-elle averti.

L’Allemand Herbert Reul (PPE) a pour sa part dénoncé des "insultes" et "diffamations", en allusion aux discours de Nigel Farage et Marine Le Pen. "Les citoyens ne nous ont pas élu pour que nous nous insultions, mais pour qu’on fasse notre boulot, qu’on s’occupe de la croissance et de l’emploi. La plupart des citoyens ont élu des partis qui disent oui à l’Europe. Ils ont une grande majorité", a-t-il affirmé.

pe-debat-lamassoureLe Français Alain Lamassoure (PPE) a qualifié d’"historique" l’élection de Jean-Claude Juncker. Avec la nomination du Luxembourgeois, le Conseil européen n’a pas cédé à un "soi-disant putsch évoqué par certains", mais "au vote des citoyens" ce qui est "la grande innovation du traité de Lisbonne". "Ce n’est pas une bataille entre les institutions, le Parlement n’est qu’un reflet du vote des citoyens" qui ont le droit d’élire "ceux qui font les lois car c’est ça, la démocratie", a-t-il affirmé. Avec cinq candidats désignés par leurs groupes politiques, il y aurait eu "pour la première fois une campagne à l’échelle européenne", a-t-il souligné.

Parmi les interventions qui ont suivi, il y a eu celle de la députée européenne travailliste britannique Glenis Willmot, qui a dressé l’inventaire des déconvenues des conservateurs britanniques. Ils ont quitté le PPE en 2009, créé l’ECR, subi une défaite le 25 mai et récupéré les députés allemands de l’AFD que Willmot a qualifiés "d’équivalent allemand de l’UKIP". Ils ne veulent pas changer l’UE, mais apaiser les adversaires de l’UE. Elle a l’espoir que Jean-Claude Juncker entreprendra les réformes dont l’UE a besoin, tandis qu’elle estime que David Cameron a agi au détriment du peuple britannique.

Le député portugais Paulo Rangel (PPE) s’est demandé quelle aurait été la réaction dans l’UE si Jean-Claude Juncker n’avait pas été désigné par le Conseil européen. Sa désignation a selon lui seulement été critiquée par ceux qui critiquent maintenant aussi le processus en cours.

Le député espagnol Enrique Guerrero Salom (S&D) a demandé plus de précisions sur les priorités du Conseil européen. Il s’est interrogé sur la nature profonde de la croissance prônée dans les conclusions, car elle devrait résoudre le problème des 26 millions de chômeurs dans l’UE, de la pauvreté et de l’exclusion qui s’accentuent et permettre à l’UE de renouer avec son modèle social.

Le Suédois Gunnar Hökmark (PPE) a remercié les députés de l’extrême droite de s’être exprimés, parce qu’ils ont ainsi montré qu’ils regardent, eux, vers le passé, alors que les autres députés regardent vers l’avenir.

La socialiste française Pervenche Berès a mise en avant les passages des conclusions du Conseil européens qui marquent le désenchantement des citoyens par rapport à leur situation économique. Pour elle, la feuille de route avec les cinq priorités doit aller plus loin et utiliser toutes les marges de flexibilité pour développer un nouveau modèle économique pour l’UE qui mise sur la transition écologique, des investissement massifs public et privés dans les infrastructures, sachant que le cadre réglementaire de l’UE ne permet pas vraiment cela.

Maroš Šefčovič, le vice-Président de la Commission européenne en charge des relations interinstitutionnelles et de l’administration, a pris la parole au nom de la Commission pour parler d’un "débat très politique" auquel il avait assisté et qui indiquait "une nouvelle tendance" au Parlement européen qui exigeait que les pro-européens travaillent désormais ensemble. Pour le commissaire, le soutien à l’UE dépend de la manière dont on l’explique dans les Etats membres, ce qui a pour conséquence que les dirigeants nationaux ont une responsabilité vis-à-vis de l’UE.

La crise a créé des frustrations en Europe, a-t-il admis, "car nous avons mis longtemps pour trouver les bons moyens pour la surmonter". Mais Maroš Šefčovič estime que maintenant, l’UE, avec sa nouvelle gouvernance économique, a prouvé qu’elle peut éviter de puiser dans la poche des citoyens pour lutter contre la crise. 

La nomination de Jean-Claude Juncker est "une grande réussite du Conseil européen". Les dirigeants européens ont ainsi respecté la volonté des électeurs et permis la création  d’un nouveau cadre de coopération entre les institutions de l’UE, grâce surtout aux nouvelles orientations stratégiques qui ont été retenues et qui permettront à l’UE de décider et d’agir plus vite. Reste que le plus grand problème reste la mise en œuvre des décisions de l’UE, "de nos décisions".

Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a insisté sur le fait que les dirigeants de l’UE et les eurodéputés seront jugés, après leurs décisions, sur leurs résultats. Le fait que le Conseil européen a décidé de fixer cinq priorités à l’UE est une première, car avant, jamais il n’a adressé un programme pour la période législative à venir aux autres institutions. S’y ajoute que ce papier va au-delà des généralités, qu’il a été décidé à l’unanimité, qu’il y a donc consensus sur son contenu entre les chefs d’Etat et de gouvernement qui représentent par ailleurs 70 partis politiques nationaux, et finalement que le président de la Commission désigné et qui sera élu par le Parlement européen est d’accord avec les cinq priorités et sera donc en phase avec ces décisions qu’il faudra exécuter au cours des cinq années à venir qui seront "cruciales" pour l’UE.

Herman Van Rompuy a encore évoqué les accords d’association avec la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine, des pays pour qui "cela est un moment historique car depuis des siècles, ils veulent faire partie de la grande famille européenne". Rappelant que "des dizaines de gens sont morts à Kiev parce que l’on ne voulait pas signer cet accord d’association", Herman Van Rompuy  est convaincu que le lien qui vient d’être établi sera "un lien pour toujours".

Le prochain sommet, qui aura lieu les 23 et 24 octobre, traitera de l’Union de l’énergie et de la politique climatique, donc des domaines où la crise prend une "dimension géopolitique" dont il faudra "profiter pour faire pas en avant". Par ailleurs, les autres nouveaux leaders européens seront désignés.