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Télécommunications
Pascal Lamy a présenté un rapport sur l’utilisation optimale du spectre radioélectrique en tentant d’arbitrer entre les besoins des radiodiffuseurs et des opérateurs de téléphonie mobile
01-09-2014


Si la radiodiffusion et le haut débit sans fil sont des secteurs vitaux pour l’avenir numérique de l'Europe et sa prospérité économique, ce sont également de grands consommateurs de fréquences radioélectriques. Or, il s’agit là d’une ressource limitée.

Pascal Lamy, ancien commissaire européen au commerce extérieur et ancien directeur de l’OMC, a été chargé par Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne chargée des télécommunications et des nouvelles technologies, de rédiger un rapport sur l’utilisation optimale de la bande UHF (ultra haute fréquence), c'est-à-dire la bande de 700 mégahertz (MHz), au cours des prochaines décennies. En Europe, cette bande est actuellement utilisée par les réseaux de radiodiffusion hertzienne, alors que les services de téléphonie mobile y ont de plus en plus accès dans le reste du monde et qu’elle offre aux technologies du haut débit sans fil d’importantes perspectives. Or, à l’heure actuelle, les deux types de réseaux ne peuvent coexister sur cette même fréquence.Pascal Lamy présentant à la presse son rapport sur l’utilisation optimale de la bande UHF le 1er septembre 2014 © European Union, 2014

Si l'Europe "ne donne pas à ses opérateurs le parcours nécessaire pour qu'ils investissent dans leurs infrastructures et s'ajustent aux transitions nécessaires, on mettra les opérateurs européens en position de faiblesse", estime Pascal Lamy qui ne perd pas de vue que l'Europe est en retard car "les Américains, les Coréens, les Chinois bougent plus vite".

Son objectif était donc de parvenir à un compromis avec les représentants de ces deux secteurs au sujet de l’allocation des ressources hertziennes entre télévision et haut débit sans fil pour les années à venir. L’enjeu étant de libérer des fréquences pour internet et les services mobiles en général sans pour autant trop léser les opérateurs de télévision numérique terrestre qui occupaient jusqu’ici seuls cette portion du spectre.

Au terme de six mois de difficiles discussions avec plusieurs hauts responsables de sociétés européennes du secteur de la radiodiffusion, des réseaux et de la téléphonie mobile ainsi que d'organismes chargés des aspects techniques sur la façon d’utiliser la bande de fréquences UHF à moyen ou à long terme, Pascal Lamy a remis son rapport à la Commission européenne le 1er septembre 2014. En remettant son rapport, il a résumé son travail comme "une sorte de mission de maintien de la paix entre deux communautés".

S’il n’a pu parvenir à dégager un compromis satisfaisant totalement tous les opérateurs, Pascal Lamy a soumis à la Commission une "approche unifiée pour permettre à l'Europe d'aller de l'avant et de prospérer au siècle numérique". "Le rapport établit une trajectoire permettant de créer des capacités pour généraliser le haut débit sans fil et d'assurer un avenir stable et prévisible à la radiodiffusion hertzienne, tout en laissant aux États membres qui le désirent la possibilité de progresser plus rapidement. Il devrait également garantir une coexistence durable entre ces deux secteurs qui tendent à se focaliser toujours davantage sur les services de médias de pointe" a salué Neelie Kroes.

Le rapport devrait servir à la prochaine Commission pour établir une feuille de route pour organiser à long terme l'avenir des services à haut débit, de la radiodiffusion et des autres services sans fil en Europe. En attendant, Neelie Kroes a annoncé de nouvelles règles sur l'harmonisation des bandes de fréquences utilisées par les microphones sans fil, qui utilisent également la bande UHF, afin que les activités des utilisateurs de ces dispositifs ne soient pas empêchées par le réaménagement à l'intérieur de cette bande. La Commission a également mis sur la table un premier rapport d'inventaire sur la manière dont les États membres utilisent actuellement leurs radiofréquences et sur les enjeux futurs. Un rapport qui montre notamment qu'il ne sera possible de répondre à la demande croissante de fréquences que par une utilisation plus rationnelle, par exemple en pratiquant davantage le partage du spectre entre utilisateurs ou en poursuivant une harmonisation propice à l'investissement dans des technologies plus performantes.

Les propositions de Pascal Lamy

Le groupe à haut niveau que présidait Pascal Lamy s'est accordé sur le rôle essentiel que la télévision hertzienne doit continuer de jouer en restant une plate-forme de distribution majeure à court et moyen terme. Pour cela, elle a besoin de conditions sûres et d'un avenir prévisible lui garantissant l’utilisation de la bande de fréquences 470-694 MHz.

Le groupe s'est également accordé sur le fait que les services mobiles à haut débit sont en pleine expansion et ont besoin de plus d’espace, y compris dans la gamme de fréquences UHF, mais pas dans l'immédiat.

En revanche, le groupe n’est pas parvenu à un consensus sur les modalités et le calendrier précis de réaffectation de la bande de 700 MHz au haut débit sans fil. Cette question est étroitement liée aux conditions du maintien de la télévision hertzienne dans les fréquences inférieures à 700 MHz et à la position à adopter par l’Europe lors de la conférence mondiale des radiocommunications de l’année prochaine et au-delà.

Pascal Lamy propose donc une formule "2020-2030-2025" pour la réalisation des objectifs de la stratégie numérique pour l'Europe en matière de haut débit, un processus en trois étapes accompagné de perspectives précises pour la radiodiffusion, de manière à favoriser les investissements et le développement du secteur:

La bande de 700 MHz (694-790 MHz), qui est actuellement exploitée par les réseaux de radiodiffusion hertzienne et les microphones sans fil, devrait être réaffectée au haut débit sans fil, moyennant toutefois un délai suffisant pour assurer une transition qui soit la moins coûteuse possible pour les utilisateurs du spectre et les citoyens et pour tenir compte de la diversité des niveaux de pénétration de la radiodiffusion hertzienne en Europe. L'échéance se situerait aux alentours de 2020, avec une tolérance de 2 ans.  Cela ferait perdre aux radiodiffuseurs 30 % du spectre dont ils disposent et les obligerait à investir dans des technologies de compression et de transmission plus efficaces.

En contrepartie, les radiodiffuseurs devraient se voir garantir la stabilité réglementaire pour que la radiodiffusion puisse se poursuivre, comme c'est le cas actuellement, dans la bande 470-694 MHz jusqu’en 2030. Cela suppose des mesures à l'échelon national, de l’UE et international. En conséquence, lors de la conférence mondiale des radiocommunications de 2015 qui réexaminera et révisera les règles internationales d'utilisation du spectre, l'Europe devrait rejeter tout projet d'attribution à titre primaire aux services mobiles de la bande 470-694 MHz qui est déjà attribuée actuellement à titre primaire à la radiodiffusion. Une certaine souplesse pourrait néanmoins être assurée grâce au développement de technologies de transmission en "liaison descendante uniquement" réservant la priorité aux réseaux primaires de radiodiffusion.

Afin de tenir compte de l'évolution de la demande des consommateurs ainsi que des nouvelles technologies, telles que les réseaux convergents ou le déploiement de la fibre optique à grande échelle, un bilan de l’utilisation du spectre UHF devrait être réalisé d’ici à 2025. L'Europe pourrait ainsi faire le point de la situation et éviter une sclérose réglementaire au regard l’évolution rapide des technologies et du comportement des consommateurs.