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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Traités et Affaires institutionnelles
Audition des commissaires désignés au Parlement européen – Frans Timmermans, premier vice-président de la future Commission, a convaincu une large majorité de députés avec ses propos d’une UE à l’écoute de ses citoyens et légiférant mieux
07-10-2014


timmermans-frans-audition-pe-141007-2-source-peLe 7 octobre 2014, Frans Timmermans, qui est censé devenir le premier vice-président de la Commission européenne, ou comme le disent communément les médias,"le bras droit de Jean-Claude Juncker", a passé son audition devant le Parlement européen, une audition qui s’est bien passée. Le portefeuille de Frans Timmermans couvrira l'amélioration de la réglementation, le contrôle du respect de la Charte des droits fondamentaux, de la subsidiarité ou encore les relations avec les autres institutions.

Frans Timmermans, qui est âgé de 53 ans, a commencé sa carrière en 1987 comme fonctionnaire au ministère des affaires étrangères néerlandais. En poste à Moscou, il rejoint en 1990 l’équipe du commissaire européen Hans van den Broek, puis devient ensuite conseiller et secrétaire particulier de Max van der Stoel, haut commissaire pour les minorités nationales de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). À partir de 1998, il siège à la Chambre des représentants en tant que membre du parti travailliste (PvdA), affilié au Parlement européen au groupe S&D. En cette qualité, il s’occupe essentiellement des affaires étrangères. Il préside la commission permanente des affaires économiques et représente la Chambre des représentants au sein de la Convention européenne. Dans le quatrième gouvernement Balkenende, de février 2007 à février 2010, M. Timmermans occupe le poste de ministre des affaires européennes. Après la chute de ce gouvernement, il réintègre la Chambre en tant que porte-parole du PvdA en matière de politique étrangère. Le 5 novembre 2012, Frans Timmermans est nommé ministre des affaires étrangères dans le gouvernement Rutte-Asscher.

Dans sa réponse écrite aux questions des députés, il décrit de manière nuancée son engagement pour l’Europe et l’UE :"Le "non" retentissant au référendum organisé au Pays-Bas a provoqué un choc immense et a été, pour moi, une déception. Cela a été le pire moment de ma carrière politique, mais j'en ai également tiré une précieuse leçon. Aussi louables soient nos intentions, sans le soutien des électeurs, notre Union est privée de l'appui de la population. Or, la population forme avec les États membres la double essence de la souveraineté de l'Union." Et il dit aussi :"Nous ne pouvons pas ignorer les critiques exprimées par la population et nous borner à multiplier les brochures et les sites web d'information. Nous devons parler aux gens et être à l'écoute de leurs préoccupations réelles si nous voulons vraiment qu'un jour ils nous entendent. Et si nous nous enlisons dans un débat sur la seule question du "pour ou contre l'Europe", nous serons tous perdants."   

Dans sa lettre de mission, Jean-Claude Juncker lui demande de se concentrer sur les questions suivantes:

  • coordonner le travail pour une meilleure réglementation au sein de la Commission et diriger le travail du programme REFIT – pour"Regulatory Fitness and Performance Programme" ;
  • coopérer avec le Parlement européen pour faire la part des projets législatifs à poursuivre ou à interrompre en fonction des principes de subsidiarité et d de proportionnalité et aussi de discontinuité politique ;
  • veiller à ce qu’il y ait plus de contacts entre les commissaires et les parlements nationaux et mettre en place un nouveau partenariat avec eux;
  • veiller à ce que toutes les initiatives de la Commission soient en accord avec la Charte des droits fondamentaux ;
  • mener un dialogue transparent et régulier avec les Eglises, les communautés religieuses et les organisations philosophiques et non-confessionnelles ;
  • mener à bien le processus d’adhésion de l’UE à la Convention européenne des droits de l’homme du Conseil de l’Europe ;
  • coordonner le travail de la Commission sur l’Etat de droit et sur le mécanisme de coopération et de vérification pour la Bulgarie et la Roumanie ;
  • coordonner les travaux sur la transparence et préparer une proposition pour un accord interinstitutionnel sur la création d’un registre obligatoire pour les lobbies qui couvrent la Commission, le parlement européen et le Conseil.

Frans Timmermans a prôné lors de son audition une"culture du légiférer" qui serait au service de la compétitivité des PME et le renforcement du lien avec les Parlements nationaux, qui devront être pleinement entendus s'ils adressaient un carton jaune à la Commission. Il pense proposer"une liste de projets en suspens qui doivent être retirés" et dans les 12 mois après son entrée en fonction"un plan pour une meilleure régulation, avec l'espoir de conclure d'ici fin 2015 un accord interinstitutionnel pour mieux légiférer".

Mais "la meilleure régulation n'est pas la dérégulation (...), elle échouera si elle attaque les droits sociaux et la protection de l'environnement", a souligné l'ancien ministre travailliste, cité par l’AFP. Pour y arriver, Frans Timmermans veut améliorer les évaluations d'impact et associer le Parlement européen en amont. De même, il veut renforcer les services d'audit et de contrôle de la législation de la Commission, qui seront plus indépendants des directions générales. Son credo :"Le but n'est pas d'adopter moins de règles, mais surtout d'adopter des règles qui soient meilleures et plus légitimes."

Dans ses réponses écrites au Parlement européen, il approfondit aussi la relation entre l’UE et les parlements nationaux. Il dit ainsi que"si la Commission reçoit plusieurs avis motivés, mais en nombre insuffisant pour déclencher la procédure dite de "carton jaune", les traités ne l'obligent pas à revoir la proposition et le processus législatif suit généralement son cours habituel." Mais il entend"néanmoins veiller à ce que tous les parlements nationaux reçoivent des réponses individuelles à leurs avis motivés" et  encourager"un dialogue étroit sur les dossiers en cause avec les parlements nationaux intéressés". D’un autre côté,"si le seuil de déclenchement d'une procédure dite de "carton jaune" ou "orange" est atteint, la Commission est tenue de réexaminer sa proposition et de décider de la maintenir, de la modifier ou de la retirer. Cette décision doit être prise au cas par cas, au terme d'un examen attentif des arguments avancés et des avis exprimés."

Interrogé sur la Hongrie et le respect des droits fondamentaux dans ce pays qui fait débat depuis 2011, Frans Timmermans a dit préférer le dialogue et les actions préventives aux sanctions, mais il n’a pas exclu le recours à l’article 7 du TUE ans qui, dans les situations extrêmes, permet la suspension des droits de vote en cas de "violation grave et persistante" des valeurs de l'UE par un État membre. Ceci dit, il est convaincu"qu’aucun pays n'échappe aux violations de droits fondamentaux".

Dans ses réponses écrites, Frans Timmermans aborde également les interrogations au Royaume Uni sur la question de rester ou non dans l’UE. Pour le vice-président désigné,"il est dans l’intérêt même de l’UE que le Royaume-Uni fasse partie de l’UE", mais"il appartient bien entendu au peuple britannique d'évaluer le pour et le contre, et de prendre une décision". Voulant faire tout ce qui est dans son pouvoir"pour maintenir le Royaume-Uni dans l'Union, dans des conditions considérées comme équitables tant pour les citoyens du Royaume-Uni que pour le reste de l’Union", Frans Timmermans pense"qu’il est possible de trouver des solutions pragmatiques à certaines des préoccupations exprimées".

Les réactions des députés

Pour le PPE, Frans Timmermans semble être"la personne qu’il faut" pour son portefeuille. Il est jugé"convaincant" par Esteban Gonzáles Pons, le vice-président du groupe PPE au Parlement, qui a loué l’emphase mise sur la proportionnalité et la subsidiarité.

Issu des rangs du S&D, Frans Timmermans a reçu le soutien de ce groupe. Pour son vice-président, Enrique Guerrero, il apportera “un nouveau dynamisme dans les institutions", avec une nouvelle culture du travail qui bousculera"l’inertie bureaucratique" et une meilleure coopération avec le Parlement.

Peter van Dalen, du groupe des Conservateurs et Réformistes européens (ECR) trouve que Frans Timmermans a fait"bonne impression" avec sa volonté de mieux légiférer qui découle d’une perception concrète de l’effet"irritant" de certaines législations sur les entreprises. Le député conservateur salue également son engagement à travailler avec les parlements nationaux et son soutien aux"valeurs européennes traditionnelles".

Le député vert Philippe Lamberts a publié un communiqué positif sur le commissaire désigné social-démocrate, mais s’interroge toutefois :"Vient-il à Bruxelles pour affaiblir, au nom de la simplification administrative et de la subsidiarité, la capacité de l'Union Européenne d'imposer sa loi aux marchés et aux multinationales ? Nous y serons extrêmement attentifs".