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Audiovisuel et médias
La commissaire en charge de la stratégie numérique, Neelie Kroes, dénonce une nouvelle taxe imposée sur les médias en Hongrie qu’elle juge être une attaque contre la démocratie
28-07-2014


Neelie Kroes présentant à la presse la communication de la Commission européenne sur la gouvernance de l'Internet le 12 février 2014 © European Union, 2014La commissaire européenne en charge de la stratégie numérique et des médias, Neelie Kroes, a dénoncé, le 28 juillet 2014, une nouvelle taxe sur les médias instaurée en Hongrie, estimant qu'elle constituait une grave menace contre le pluralisme des médias pourtant qualifié de "fondement d'une société libre" et de "garantie de la tradition démocratique".

Ce n’est pas la première fois que la Hongrie soulève ce type d’inquiétudes de la part de la Commission européenne. Pour mémoire, Neelie Kroes s'était déjà élevée, en 2010, contre la législation sur le contrôle des médias passée par le Fidesz, le parti du Premier ministre au pouvoir, Viktor Orban, et avait obtenu  sa modification.

Une taxe sur la publicité en apparence qui affecte en réalité une seule société de médias

Dans un texte publié sur son blog ainsi que dans le quotidien hongrois de centre-gauche Nepszabadsag, la commissaire se veut particulièrement critique face à cette nouvelle taxe, également dénoncée par les médias hongrois comme une mainmise du gouvernement sur le secteur, et qui s'inscrit dans la lignée d'une série de lourdes charges fiscales visant des secteurs économiques souvent dominés par des sociétés étrangères, rapportent les agences de presse. La nouvelle taxe a par ailleurs été présentée au Parlement hongrois "en seulement quelques jours, sans débat ni consultation significative", s’inquiète Neelie Kroes.

S’il s’agit en apparence d’une "taxe sur la publicité" destinée à générer des recettes supplémentaires, dans les faits "elle affecte de manière disproportionnée une seule société de médias, à savoir RTL", dénonce la commissaire. Le groupe luxembourgeois de média RTL Group serait en effet le premier touché par cette taxe qui lui imposerait "des pertes importantes et mettrait en péril sa capacité à fonctionner".

Selon Neelie Kroes, "la conclusion est donc évidente : RTL est l'une des rares chaînes en Hongrie qui fait autre chose que simplement promouvoir la ligne du parti Fidesz […] Le gouvernement ne veut pas en Hongrie d'un radiodiffuseur neutre, aux mains d'un propriétaire étranger ; il se sert d'une taxe injuste pour faire disparaître les garde-fous démocratiques et faire disparaître une menace pour son pouvoir".

Une tendance générale "très inquiétante"

La commissaire, qui rappelle que la liberté d'établissement est un principe fondamental du marché unique, estime que cette dernière décision fait partie d'un modèle "très inquiétant" et  contraire aux valeurs de l'UE. "La fiscalité ne peut pas être un instrument de discrimination, et la politique fiscale ne doit pas être une arme politique", écrit-elle.

Et de mentionner : la nouvelle loi sur les médias introduite en 2010 qui avait déjà donné "d'énormes pouvoirs" sur les médias hongrois "à un organe soumis à l'ingérence politique" ce qui représentait tant une violation de la Constitution hongroise que du droit de l'UE ; la station de radio de l'opposition Klubrádió qui avait perdu sa licence en 2012 avant de la récupérer "après un combat complexe et coûteux" qui avait révélé des pratiques d'appel d'offres "partiales et opaques" ; de nouvelles lois ayant imposé des restrictions sur la publicité politique en 2013 ; ou encore le renvoi en juin 2014 de l'éditeur du journal en ligne ORIGO après la mise au jour d’un scandale politique.

La commissaire cite également un récent rapport de l'OSCE qui a constaté que, "dans la perspective des élections récentes, la majorité des chaînes de télévision contrôlées a montré "un biais important" en faveur du parti au pouvoir Fidesz, RTL étant une exception". Ce rapport met par ailleurs en évidence un "nombre croissant de points de vente détenus directement par des hommes d'affaires associés au Fidesz". Pour Neelie Kroes, l'image qu'il dépeint est celui d'un secteur des médias qui est (au mieux) incertain et qui pratique l'auto-censure, et au pire partisan sinon contrôlé par le gouvernement.

"Une couverture équitable et impartiale est une fonction principale d'une presse libre et pluraliste. Saper cela, et tenter de faire taire le dynamisme du débat, est une attaque contre la démocratie hongroise", estime encore la commissaire.

La Hongrie n'est d’ailleurs pas le seul pays de l'UE où existent de telles préoccupations et débats : ce sont aussi des questions soulevées, dans des contextes et à des niveaux différents, en Bulgarie, en Italie, et au Royaume-Uni notamment, relève Neelie Kroes. "L'Europe a besoin de balayer devant sa porte afin de garantir une presse libre et plurielle. Il y a beaucoup de propositions sur la manière d'atteindre ce résultat –  y compris celles qui sont énoncées dans le rapport du groupe de haut niveau présidé par Vaira Vike-Freiberga. Il est temps de commencer à prendre ces idées au sérieux, pour le bien de notre liberté et des valeurs démocratiques."

Répondant aux questions des journalistes lors du point presse quotidien de la Commission européenne le 28 juillet 2014, Ryan Heath, porte-parole de la Commission, a confirmé que Neelie Kroes s’exprimait bien en tant que commissaire en charge de la liberté de la presse dans la tribune publiée le même jour. "Cela ne préjuge aucunement des mesures que la Commission européenne pourrait prendre ou ne pas prendre en relation avec la taxe récemment mise en place mais cela met en évidence un modèle de comportement en Hongrie qui pose des difficultés aux journalistes pour exercer leur métier librement et Mme Kroes s’est sentie obligée d’attirer l’attention du public sur ce sujet", a-t-il dit. Il ne s’agit pas d’une tentative d’étendre les pouvoirs "très restreints" de la Commission en matière de liberté des médias, a-t-il encore précisé.