Le 23 octobre 2014, en amont du Conseil européen, s’est tenu le sommet social qui réunit deux fois par an syndicats, organisations patronales et institutions de l’UE, dont le président sortant de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et le président sortant du Conseil européen, Herman Van Rompuy. Les organisations présentes étaient la Confédération européenne des syndicats (CES), l’UEAPME (Union européenne de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises), l’organisation patronale européenne Businesseurope et le Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d’intérêt économique général (CEEP). Les participants se sont accordés sur "l’urgence" d’une relance des investissements et de la création de plus d’emplois, conformément aux objectifs de la stratégie Europe 2020, selon le communiqué.
La Confédération européenne des syndicats (CES) a mis en garde les dirigeants européens contre le risque de déflation en Europe. "Si elle n’est pas inversée d’urgence, cette tendance déflationniste aura des conséquences dévastatrices pour l’économie de la zone euro et singulièrement pour les pays fortement endettés qui verront l’importante charge de leur dette encore s’aggraver", note la CES dans un communiqué, qui pointe également du doigt une croissance en recul et le nombre de chômeurs élevé. Selon la CES, un travailleur sur cinq occupait en 2013 un poste à temps partiel, "trois millions de plus qu’en 2008, ce qui montre que la demande globale de main-d’œuvre a diminué davantage que ne l’indiquent les chiffres de l’emploi", dénonce l’organisation. Bernadette Ségol, secrétaire générale de la CES, a appelé à "un programme d’investissement majeur". Elle estime que le paquet investissement de 300 milliards annoncé par le futur président de la Commission européenne "doit prévoir un apport considérable d’argent public frais" pour avoir un impact.
L’organisation patronale européenne Businesseurope a jugé qu’il faut de "meilleures conditions" pour les investissements privés, notamment un meilleur accès aux financements, qui sont des "facteurs essentiels" pour la création d’emploi. Businesseurope plaide pour une augmentation des investissements publics sans pour autant augmenter les dépenses et propose de réduire les dépenses dans des domaines non productifs pour les "réorienter" vers des domaines productifs. L’organisation estime que la stratégie Europe 2020 doit être "refocalisé sur la croissance et l’emploi" et qu’il faut plus d’efforts pour assurer une mise en œuvre au niveau national des recommandations spécifiques par pays, que la Commission européenne adresse aux Etats membres dans le cadre du semestre européen – une position également soutenue par le Parlement européen.
Gunilla Almgren, présidente de l’UEAPME (Union européenne de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises) a appelé les dirigeants européens à améliorer l’accès au financement pour les PME et encourager les Etats membres à entamer des réformes structurelles pour rendre le marché de travail plus compétitif. L’organisation a critiqué des conditions de prêts "trop strictes" auprès des banques. Quant au plan de climat 2030, visant une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport à 1990, elle craint que ce plan ait un "impact crucial" sur la compétitivité des PME et pourrait s’avérer négatif si les PME devaient en porter seul la charge.
Joachim Reck, le président du CEEP, a demandé que les Etats membres investissent davantage dans les entreprises, l’éducation et l’infrastructure. Il plaide pour un "changement de paradigme", à savoir une complémentarité accrue entre investissements publics et privés.
Les discussions lors du sommet ont porté sur le bilan de la stratégie Europe 2020 ainsi que sur l’examen à mi-parcours du semestre européen, des sujets déjà abordés lors du Conseil EPSCO le 16 octobre 2014. José Manuel Barroso a appelé les Etats membres à "réformer leurs économies pour être concurrentiels sur le plan mondial et attirer des entreprises prêtes à investir", notant qu’il faut "de vraies réformes" pour atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020 et stimuler des investissements privés. Lors d’une conférence de presse, il a évoqué plusieurs "bonnes nouvelles" au niveau économique, notamment la sortie de l’aide financière de l’Irlande, de l’Espagne et du Portugal qui "ont regagné la croissance". Il a également noté l’excédent commercial de la zone euro qui s’élève selon lui à neuf milliards d’euros et ajouté que les déficits publics ont été divisés par deux depuis la crise en 2008 et sont ainsi moins élevés que ceux des Etats-Unis ou du Japon.
Le commissaire sortant à l’emploi, aux affaires sociales et à l’inclusion, László Andor, a affirmé que les partenaires sociaux "doivent être pleinement associés aux efforts déployés" dans le cadre de cette stratégie. Herman Van Rompuy a mis en garde contre le risque d’une "génération perdue", en référence au chômage des jeunes, et noté que "le chômage reste à un niveau inacceptable". Il a également évoqué le risque de déflation et constaté une demande intérieure et une croissance en recul. Il a énuméré plusieurs mesures pour lutter contre le chômage : diminuer la charge fiscale pesant sur le travail, améliorer les règles régissant le marché de travail en lui donnant plus de flexibilité et lutter contre les inégalités en formant la main-d’œuvre non-qualifiée. Il a salué le paquet investissement de 300 milliards d’euros qui devait être "spécifié" et être la priorité de la future Commission, en notant que "l’Europe a besoin de plus d’investissements".
Le ministre luxembourgeois du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire, Nicolas Schmit, a insisté sur la nécessité d’investir dans le capital humain, la création d’emplois durables et de qualité dans les secteurs d’avenir, notamment de l’économie digitale et verte, ainsi que dans les petites et moyennes entreprises, selon un communiqué.