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Migration et asile - Justice, liberté, sécurité et immigration
L’UE lance l’opération "Triton" en Méditerranée pour renforcer les frontières extérieures et venir en aide à l’Italie pour faire face à l’afflux de migrants sur ses côtes, tandis que Rome annonce la fin de "Mare Nostrum"
01-11-2014


Frontex est l'Agence européenne pour la surveillance des frontières extérieures de l’UEL'Union européenne a lancé le 1er novembre 2014 l'opération Triton pour patrouiller en Méditerranée et venir en aide à l’Italie pour faire face à l'afflux des migrants sur ses côtes.

Annoncée le 27 août 2014, l’opération que l’UE avait d’abord été nommée "Frontex plus", puis baptisée "Triton". Cette opération sera placée sous commandement italien et coordonnée par l'Agence européenne pour la surveillance des frontières extérieures de l’UE Frontex qui  travaillera en étroite coordination avec la Guardia di Finanza, la Garde côtière et la Marine italienne.

L’opération est censée renforcer les frontières extérieures de l’Union européenne et venir en aide à l’Italie pour faire face à l’afflux des migrants sur ses côtes. "Triton" couvrira les zones d'opération d'Hermès (au sud de la Sicile et près des îles de Lampedusa et Pantelleria) et d’Aeneas (sur les côtes de la Calabre et de l’Apulie).

Le coût de l’opération Triton s’élève à 2,9 millions d’euros par mois. 21 Etats membres participent à l'opération en fournissant des moyens humains (65 agents invités au total) et techniques (4 avions, 1 hélicoptère, 4 patrouilleurs de haute mer, 1 navire de patrouille côtière, 2 patrouilleurs côtiers ). Selon un communiqué de la Commission du 31 octobre 2014, d'autres Etats devraient se joindre à l'opération dans les prochains mois. Le Foreign Office de la Grande-Bretagne a déclaré le 28 octobre 2014 qu’elle ne soutiendra pas les opérations prévues en Méditerranée.

L’Italie met fin à l’opération "Mare Nostrum"

frontex-eurosur-source-frontexLancée suite au naufrage au large de l’île de Lampedusa qui a coûté la vie à 366 migrants, l'Opération Mare Nostrum est une opération militaire et humanitaire menée par la Marine militaire italienne depuis le 18 octobre 2013. Elle vise à secourir en mer les immigrés clandestins. Son périmètre d’action s’étend jusqu’aux côtes libyennes.

Selon la marine militaire, 32 navires ont au total participé, à tour de rôle, à cette opération avec le soutien de deux sous-marins ainsi que des avions et des hélicoptères. En moyenne, 900 soldats ont été mobilisés chaque jour. "En un an, nous avons fait 558 interventions, nous avons sauvé 100 250 personnes et nous avons arrêté 728 trafiquants ", a expliqué le ministre de l’Intérieur italien Angelino Alfano dans une conférence de presse le 31 octobre 2014.

Le gouvernement italien a annoncé le 31 octobre 2014 la fin de l’opération "Mare Nostrum". Angelino Alfano a expliqué que l’Italie "a fait son devoir", et qu’elle se fie à présent à l’opération "Triton". "Dorénavant, nous ferons en mer ce que nous avons toujours fait: respecter les obligations découlant des lois de la mer", a-t-il conclu.

Selon le ministre de l’Intérieur, l’Italie n’amenuisera pas ses efforts en Méditerranée. "Mare Nostrum" est mise en "phasing out" pendant deux mois pour "accompagner" l’opération "Triton". "Cette transition nous coûtera un tiers de ce que coûtait Mare Nostrum", a indiqué Angelino Alfano.

C’est aussi ce qu’avaient laissé entendre les Conclusions du Conseil Justice et Affaires intérieures du 10 octobre 2014. Le Conseil avait indiqué que, "dès son lancement, l’opération Triton sera coordonnée avec Mare Nostrum, afin de faciliter l’abandon progressif de cette dernière".

En Italie, l’opération Mare Nostrum avait de plus en plus fait l’objet de critiques. Nombreux sont les députés italiens qui avaient estimé que l’Italie ne pouvait à elle seule "porter tout le fardeau de la Méditerranée". L’opération coûtait plus de 9 millions d'euros par mois, 3 fois plus que l’opération Triton alors que le pays est en récession. Ils avaient souligné la nécessité d’une action européenne, sachant que "la Méditerranée est européenne", et que par ailleurs, malgré les moyens mis en place par Mare Nostrum, en 2014, plus de 3 300 migrants ont trouvé la mort en Méditerranée.

Rome estime que "Triton" est un passage de relais, tandis que l’agence Frontex indique que l'opération ne saurait remplacer "Mare Nostrum"

Nombreuses sont les divergences de vues quant à la manière dont Triton et Mare Nostrum s’agencent. Du côté du gouvernement italien, l’opération Mare Nostrum était "dès le départ, une opération d'urgence et à durée limitée, déterminée en urgence par le gouvernement, après les 366 morts de Lampedusa, afin de prévenir d'autres catastrophes de telle ampleur dans la mer Méditerranée. De là, c'est-à-dire l'urgence et son caractère ponctuel, naît son incapacité à affronter les flux migratoires de manière structurelle".

La Commissaire européenne aux affaires intérieures Cecilia Malström avait également déclaré lors d’une conférence de presse le 27 août 2014 que "Frontex plus" devait remplacer à court terme l’opération italienne Mare Nostrum. Mais, le 31 octobre 2014, elle a déclaré dans un communiqué de la Commission que "Triton" "n'affectera pas les responsabilités italiennes dans le contrôle de sa partie des frontières extérieures de l'UE et dans la recherche et le sauvetage en mer, conformément à ses obligations européennes et internationales".

Pour mémoire, ces deux opérations n’ont pas le même champ d’action, ce qui explique pourquoi d’aucuns estiment que l’opération Triton n’a pas vocation à remplacer "Mare Nostrum".

Le périmètre d’action de l’opération "Triton" sera plus réduit que celui de Mare Nostrum, qui s’étendait jusqu’aux côtes africaines.  En outre, Triton vise d'abord le contrôle des frontières tandis que Mare Nostrum est avant tout une mission de sauvetage.

Selon directeur exécutif de Frontex, Gil Arias Fernandez, "Triton sera lancée indépendamment du destin de Mare Nostrum", et il incombe aux italiens de la clôturer ou de baisser de régime. Selon lui, Triton "ne répond pas aux besoins de milliers de migrants et de réfugiés, y compris ceux qui sont forcés de fuir les guerres et les persécutions au Moyen-Orient et en Afrique. L’idée qu’elle puisse remplacer Mare Nostrum pourrait avoir des conséquences catastrophiques et mortelles en Méditerranée".

C’est aussi la position que tient Amnesty International. "L’opération Triton n’a pas pour vocation de répondre aux besoins de milliers de migrants et de réfugiés, et en particulier de ceux qui fuient la guerre et les persécutions au Moyen-Orient et en Afrique", a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International, dans un communiqué du 17 octobre 2014. "Penser que cette opération de Frontex pourrait remplacer Mare Nostrum risque d’avoir des conséquences catastrophiques en Méditerranée", a-t-il ajouté. Amnesty International incite l’Italie à poursuivre Mare Nostrum "jusqu’à qu’il y ait un autre dispositif européen soutenu par d’autres pays européens et mieux équipé que Triton".

Le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a exprimé le 23 octobre 2014 dans un communiqué sa "vive préoccupation" face à la fin de l'opération militaire et maritime italienne. De nombreuses organisations ont plaidé pour que l’Italie poursuive l’opération.

Dans un communiqué de presse du 31 octobre 2014, le groupe des Verts/ALE au Parlement européen ont estimé que le remplacement de l'opération Mare Nostrum "équivaut à une condamnation à mort des réfugiés".