Devant la Chambre des députés, le 5 novembre 2014, le ministre luxembourgeois de la Coopération et de l’Action humanitaire, Romain Schneider, a prononcé la traditionnelle déclaration sur la politique de coopération au développement du gouvernement, alors que l’année 2015 s’annonce pleine de défis en la matière, selon le ministre.
Entre la rédaction des nouveaux objectifs du développement durable pour l’après 2015 censés prendre le relais des Objectifs du millénaire pour le Développement de l’an 2000 (OMD), l’Année européenne du Développement ou encore la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union européenne (UE) lors de son second semestre, l’année 2015 s’annonce ainsi "certainement une période très active pour la Coopération luxembourgeoise", a dit le ministre. Cela tant à l’échelon national qu’européen.
Alors que le gouvernement luxembourgeois était récemment épinglé dans le baromètre 2014 de la cohérence des politiques réalisé par le Cercle de Coopération des ONG de développement, Romain Schneider a insisté sur l’importance, outre de l’efficacité des politiques, "d’avoir une cohérence aussi grande que possible" des autres politiques pour le développement .
Pour mémoire, le principe de cohérence des politiques par rapport au développement est une obligation légale prévue dans le traité de Lisbonne : L’article 208 TFUE stipule en effet que "l’Union tient compte des objectifs de la coopération au développement dans la mise en œuvre des politiques qui sont susceptibles d‘affecter les pays en développement".
Au Luxembourg, cette cohérence fait partie des ambitions gouvernementales, ainsi qu’en témoignent la loi modifiée sur la coopération au développement du 9 mai 2012 et le programme gouvernemental 2013-2018. Or, dans son baromètre publié en octobre 2014, le Cercle avait relevé que depuis 2012, date à laquelle il s’était livré pour la première fois à l’exercice, à une exception près, "il n’y a pas eu d’amélioration significative" : si la prise de conscience a légèrement augmenté, le niveau de l’action du gouvernement en faveur de la cohérence des politiques pour le développement ne s’est pas amélioré, expliquaient ses auteurs.
Selon le ministre, "on ne peut pas prendre d’une main ce qui a été donné d’une autre", mais celui-ci juge que la mise en œuvre de ce principe n’est "toutefois pas aussi simple, puisqu’il faut faire des arbitrages difficiles entre intérêts à court et long terme, nationaux et globaux". Romain Schneider a rappelé dans ce contexte que depuis la fin 2012 le comité interministériel pour le développement traite du thème de la cohérence pour le développement, ce comité ayant déjà effectué un premier examen de la politique luxembourgeoise en matière de biocarburants. "Après de longues discussions le groupe a pu se mettre d’accord par consensus sur une méthode d’analyse d’autres sujets, et à quels résultats ou avis il pourrait aboutir", a annoncé le ministre, qui souligne que cette méthode est "bien sûr publique". "Désormais il faudra fixer une liste de sujets à examiner pour 2014/15", a-t-il dit.
Le ministre estime par ailleurs "important" de promouvoir une telle cohérence lors de la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE au second semestre 2015 et que "nous illustrions cette approche à travers des exemples". Romain Schneider a expliqué avoir adressé un courrier à ses collègues ministres "pour les encourager à examiner un de leurs thèmes sous l’angle du développement et de la cohérence" notamment dans le cadre des formations du Conseil dans lesquelles ils siègent. "Une partie a déjà répondu positivement et [ils]traiteront de la migration et du développement, mais aussi de la culture, des technologies de l’information et de la communication ou de l’agriculture" sous l’angle du développement.
Pour ce qui est du budget consacré à l’aide publique au développement (APD), auquel le Luxembourg consacre 1 % de son RNB, soit au-delà des 0,7 % convenus par les pays développés dans les OMD, le ministre a précisé que le gouvernement actuel a retenu dans son programme "qu’un pourcent du RNB sera mis à disposition de l’aide publique au développement. C’est la base du budget 2014 et pour les années de 2015 à 2018".
Le ministre a en outre souligné que la révision du RNB de 2015 aurait eu comme conséquence que l’APD de l’année prochaine baisse par rapport à 2014. "Afin d’éviter ce cas de figure, le gouvernement a fixé un seuil minimal de 323 millions d’euros en-dessous duquel le budget ne pourra descendre, ni en 2015 ni à l’avenir. En cette période financière difficile, cela montre que le gouvernement tient parole", a affirmé le ministre.
Enfin, selon Romain Schneider, "après de longues années de double croissance, la coopération est arrivée dans une phase où le pourcentage du RNB pour le développement est stable et où le Luxembourg n’a malheureusement plus la croissance économique susceptible de renforcer le RNB. C’est pourquoi, ce qui nous est garanti comme budget stable, doit être planifié avec plus de précision. C’est un pas supplémentaire dans notre démarche pour rechercher la plus grande efficacité possible", a-t-il encore assuré.
Dans son discours devant les députés, Romain Schneider a par ailleurs rappelé que développement et développement durable sont traités "à juste titre" de manière globale au sein des Nations Unies. Si "beaucoup a été réalisé" grâce aux OMD – réduction de presque de moitié au cours des 20 dernières années du taux de mortalité des enfants en-dessous de 5 ans et réduction de 45 % du taux de mortalité maternelle notamment –, "ces résultats positifs varient significativement par région et beaucoup reste à faire", a considéré le ministre.
En 2012, la Conférence des Nations Unies sur le développement durable de Rio+20 a décidé de se donner de nouveaux objectifs de développement durable pour l’après 2015. "Ceux-ci devraient se placer dans la continuité des OMD mais en même temps intégrer les trois dimensions du développement durable, à savoir économique, sociale et environnementale, et, être universellement applicables", a souligné le ministre, selon lequel la communauté internationale s’est ainsi donné "une mission extrêmement ambitieuse" qui devra être conclue d’ici le Sommet de septembre 2015 organisé à New-York.
Au sein de l’UE, ce sujet est discuté tant entre les ministres de la Coopération qu’entre ceux de l’Environnement, a rappelé Romain Schneider qui assure que ses services travaillent en étroite collaboration avec ceux du Ministère du Développement durable. "Mais les ambitions de ce processus vont bien au-delà de ce cadre et concernent tous les secteurs de notre politique. Il ne s’agit ici pas uniquement de l’éradication de la pauvreté et des effets dus aux changements climatiques, il y a bien d’autres enjeux thématiques aussi, par exemple le travail décent, l’accès universel aux services et soins de santé, à l’eau et à l’énergie, tout comme les droits de l’Homme, la paix et la sécurité. Tout cela, et plus encore, contribue à un développement durable", a-t-il dit.
Dans ce contexte, d’ici la fin de l’année 2014, le Secrétaire général des Nations Unies présentera sa proposition qui servira de base pour les négociations "longues et intenses" qui auront lieu jusqu’en septembre 2015. "Nous devrons prendre position sur les objectifs de développement durable, les résultats potentiels que nous souhaitons obtenir, ainsi que sur les indicateurs qui sont nécessaires pour mesurer les progrès", a expliqué Romain Schneider qui note que ces prises de position devront se faire "tant à New York, qu’en tant qu’Etat membre de l’UE".
"Dans ce vaste exercice, il revient à la Coopération de veiller à ce que les intérêts des pays les plus pauvres et des populations et communautés les plus vulnérables ne soient pas perdus de vue. Ils ont moins de capacités que d’autres pour faire entendre leurs voix et ont souvent des besoins très spécifiques qu’il ne faut pas oublier", a encore affirmé le ministre luxembourgeois.
En ce qui concerne plus particulièrement la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE au second semestre 2015, Romain Schneider a souligné qu’elle serait certainement marquée par les deux grandes conférences dont la première portera sur le financement du développement en juillet à Addis Abeba et le sommet à New York en septembre avec l’adoption du cadre pour les objectifs du développement durable pour l’après-2015.
Entre les 28 Etats membres de l’UE devra aussi débuter pendant cette période le débat sur l’avenir des relations privilégiées entre l’UE et les 79 pays ACP, de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. "Comment maintenir cette relation particulièrement étroite en modernisant néanmoins le tout ?", s’est interrogé le ministre.
La Présidence luxembourgeoise sera par ailleurs "le moment propice pour préparer le Sommet humanitaire mondial qui aura lieu au printemps 2016", Romain Schneider rappelant que "partout dans le monde, les crises humanitaires deviennent de plus en plus complexes, perdurent puis tombent dans l’oubli malgré le fait qu’elles continuent à sévir". "Sous notre présidence, le Luxembourg ensemble avec ECHO [la Direction générale de l'aide humanitaire de la Commission européenne] définira les orientations futures. Nous sommes également d’avis que ce sujet devra se voir accorder toute l’attention requise au niveau du Conseil", a-t-il dit.
Pour ce qui est de l’Année européenne pour le Développement, Romain Schneider s’est réjoui d’avoir la chance de la mettre en œuvre avec la Présidence lettone de l’UE et la Commission européenne. "C’est une bonne chose qu’un Etat membre plus jeune et un autre plus ancien, la Lettonie et le Luxembourg, se retrouvent ici et échangent leurs expériences", a-t-il estimé.
"Notre objectif est naturellement d’informer le public sur notre travail dans la coopération au développement et donc de sensibiliser les gens. De nouveaux publics cibles seront visés, qui ne sont normalement pas si proches de la coopération au développement", a dit le ministre.
L’Année européenne pour le développement sera enfin "le fil conducteur tout au long de notre présidence, et s’introduira, je l’espère aussi dans d’autres formations du Conseil, dans l’esprit de la cohérence des politiques", a estimé Romain Schneider. Et le ministre de souligner encore que les négociations à Paris sur le climat qui auront également lieu fin 2015 "peuvent être décisives pour la survie des pays en voie de développement, aussi bien pour les petits pays insulaires de développement, que pour d’autres qui sont touchés par des inondations, de graves sécheresses ou des tempêtes tropicales".