Principaux portails publics  |     | 

Commerce extérieur - Développement et aide humanitaire - Economie, finances et monnaie - Énergie - Environnement
Dans son nouveau baromètre sur la cohérence des politiques par rapport au développement, le Cercle continue d’épingler quelques incohérences en lien avec des dossiers européens
10-10-2014


Le Cercle de Coopération des ONG de développement, "le Cercle", a publié en octobre 2014 son deuxième baromètre de la cohérence des politiques par rapport au développement, une publication qui fait le point sur des sujets qui ne sont pas sans lien avec les politiques et l’actualité européenne.Le Cercle de coopération des ONG de développement a publié en octobre 2014 la 2ème édition de son Baromètre de la cohérence des politiques luxembourgeoises pour le développement équitable et durable

La cohérence des politiques par rapport au développement est une obligation légale qui figure dans le Traité de Lisbonne ; les Etats membres de l’Union européenne s’y sont engagés à respecter cette cohérence des politiques, non pas en faveur des intérêts (économiques et autres) des Etats membres, mais en faveur du développement des pays et populations vulnérables. L’article 208 TFUE stipule en effet que "l’Union tient compte des objectifs de la coopération au développement dans la mise en œuvre des politiques qui sont susceptibles d‘affecter les pays en développement".

Au Luxembourg, la cohérence des politiques pour le développement fait partie des ambitions gouvernementales luxembourgeoises, ainsi qu’en témoigne le programme gouvernemental 2013-2018, et se retrouve confirmée dans la loi modifiée sur la coopération au développement du 9 mai 2012.

Pourtant, depuis 2012, date à laquelle le Cercle s’est livré pour la première fois à l’exercice, à une exception près, "il n’y a pas eu d’amélioration significative" : si la prise de conscience a légèrement augmenté, le niveau de l’action du gouvernement en faveur de la cohérence des politiques pour le développement ne s’est pas amélioré, constatent les auteurs du rapport.

Le Cercle des ONG mise toutefois sur 2015 qui sera à la fois "Année européenne pour le développement" et au cours de laquelle le Luxembourg assumera, au deuxième semestre, la présidence tournante du Conseil de l’UE: les ONG luxembourgeoises attendent du Luxembourg qu’il fasse avancer la cohérence des politiques pour le développement également au niveau européen.

Le rapport 2014 va même plus loin encore, en suggérant en guise de conclusion que "la cohérence peut sauver l’Europe" de la crise de confiance qu’elle traverse. "Pourquoi les citoyens européens n’adhèrent-ils plus à cette Europe ? Peut-être parce que l’Europe s’est montrée incapable de lutter contre les inégalités croissantes, ici et ailleurs", proposent Seamus Jeffreson et Blandine Bouniol (Concord). Politique agricole, politique de la pêche, politique fiscale mais aussi commerciale sont épinglées pour leur incohérence et leur injustice et c’est la future Commission Juncker qui est interpelée pour "apporter des réponses courageuses", de façon à ce que l’Europe face ce qu’elle dit et agisse à la hauteur de ses responsabilités.

Politique climatique

En ce qui concerne la politique climatique, sujet sur lequel le Luxembourg s’était déjà fait épingler en 2012 lors du précédent rapport sur la cohérence des politiques pour le développement, le jugement de Dietmar Mirkes (Action Solidarité Tiers Monde) est pour le moins sévère, notamment à l’égard de l’ancien gouvernement luxembourgeois.

Dietmar Mirkes se réfère en effet au "Rapport spécial concernant la mise en application du Protocole de Kyoto" présenté par la Cour des comptes du Grand-Duché́ en Commission parlementaire de contrôle de l’exécution budgétaire en février 2014. "La conclusion de la Cour des comptes est impitoyable, constatant un "échec", surtout dû au "recours excessif aux mécanismes flexibles", "très coûteux et très critiquables d’un point de vue écologique", observe Dietmar Mirkes qui relève que si le Luxembourg a atteint son objectif de réduction d’émissions, c’est seulement à 15 % par des mesures nationales,  85 % des réductions provenant d’achat de droits d’émission. "Ceci est en contradiction totale avec le principe fondamental de "responsabilité commune, mais diversifiée" de la Convention Cadre des Nations Unies entre les pays industrialisés et les pays du Tiers Monde", dénonce le rapport.

Pour ce qui est de la politique climatique du nouveau gouvernement, il est encore trop tôt pour en juger selon le Cercle qui veut cependant être optimiste quant à la volonté de prioriser davantage des mesures nationales et de respecter les obligations d’aider les pays du Tiers Monde dans l’atténuation et dans l’adaptation au changement climatique qui ressort du programme gouvernemental.

 Agro-carburants

Pour ce qui est des agro-carburants, dossier sur lequel le baromètre de 2012 s’était aussi penché, Norry Schneider (Caritas Luxembourg) se réfère notamment à l’accord trouvé en trilogue en juin 2014 pour baisser l’objectif des 10 % en utilisation d’agro-carburants sur base de plantes comestibles à 7 %. Une baisse qu’il juge toutefois insuffisante.

Mais Norry Schneider se félicite du fait que la plateforme de la société civile luxembourgeoise Cerealkiller a pu convaincre le gouvernement pour s’engager pour des critères écologiques et sociaux stricts et pour intégrer dans les bilans climatiques les effets indirects sur les changements d’affectation des sols dus à la production accrue d’agro-carburants.

Dans son programme 2013-2018, relève-t-il, le gouvernement s’engage à remplacer les agro-carburants de 1ère génération (qui entrent le plus en concurrence avec les aliments) par ceux de 2ème génération (issue de bois, feuilles, paille, etc. et n’utilisant donc pas de végétaux comestibles). Cependant, note encore Norry Schneider,  la tentation de recourir aux organismes génétiquement modifiés (OGM) pour accroître la production n’est pas écartée.

Conclusion, si le gouvernement luxembourgeois est "à féliciter quant aux progrès en matière de dialogue avec la société́ civile et aux positions prises dans le cadre de Conseils européens, il n’a pas encore développé́ d’alternatives tangibles par rapport à sa forte dépendance de recourir aux agro-carburants pour atteindre ses objectifs européens en matière d’énergies renouvelables".

Commerce extérieur

En ce qui concerne le Commerce extérieur, sujet qui avait aussi été thématisé lors du précédent baromètre, Roger Molitor, de l’Aide à l’enfance de l’Inde, rappelle que l’UE est désormais compétente pour négocier des traités visant à encourager et à protéger les investissements. Il souligne aussi que Parlement européen et Conseil se sont prononcés en faveur de l’inclusion de clauses sociales et environnementales fortes dans de tels traités, ce qui a d’ailleurs été fait notamment pour le traité signé entre la Corée du Sud et l’UE en 2011 ou encore l’accord commercial conclu entre l’UE et la Colombie et le Pérou en 2012.

Roger Molitor rappelle que le Cercle a demandé en mai 2014 aux représentants du Ministre de l’Economie de proposer au gouvernement d’intervenir auprès du Conseil de l’UE afin que les futurs traités avec les pays du Sud contiennent une forte clause de développement durable et de droits de l’Homme. Une requête jusqu’ici restée sans réponse.

Spéculation financière sur les aliments

Marine Lefebvre, SOS Faim Luxembourg, revient sur ce sujet lui aussi traité en 2012. Au niveau de l’UE, elle observe que "quelques avancées ont été obtenues : la Directive MiFID II votée par le Parlement européen le 15 avril 2014 innove en fixant enfin une limite supérieure stricte sur les marchés boursiers en matière de spéculation sur les matières premières et les produits agricoles". Visant à lutter contre l’hyper-spéculation sur les produits agricoles et à limiter les distorsions sur les marchés des matières premières en évitant que des acteurs qui n’ont aucun intérêt dans l’exploitation des produits alimentaires n’achètent des quantités illimitées, cette nouvelle législation introduit donc une limite aux positions que des traders pourront détenir sur les marchés de dérivés des matières premières.

Mais, relève Marine Lefebvre, selon cette directive, ce n’est pas l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) mais chaque État membre qui fixera sa propre limite supérieure sur les spéculations. "Cette marge de manœuvre laissée à l’appréciation des Etats n’est pas forcément de bon augure au Luxembourg, où le Ministère des Finances de l’époque n’a pas été disponible pour discuter de cette thématique alors que, selon ses informations, les fonds spéculatifs sur les matières premières agricoles s’élevaient, fin 2012, à quelque 900 millions d’euros, soit l’équivalent d’environ trois fois le volume de toute son Aide Publique au Développement", s’inquiète Marine Lefebvre.

Au niveau de l’UE, le gouvernement luxembourgeois est donc invité par le Cercle à s’engager pour une réglementation stricte de la spéculation financière sur les matières premières agricoles et veiller à ce que les dispositions de la Directive MiFID II en matière de transparence et de limites de position soient appliquées de manière très rigoureuse.