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Emploi et politique sociale - Politique régionale
A l’occasion d’une conférence organisée par la Commission européenne, un bilan a été dressé sur l’emploi et les obstacles à l’emploi dans la Grande Région sous l’égide de la stratégie 2020
21-11-2014


Le logo de la grande régionA l’occasion d’une table ronde organisée le 21 novembre 2014 par la Représentation de la Commission européenne au Luxembourg, des représentants de la Commission, du Ministère du Travail, de l’ADEM, de la Chambre des Métiers du Luxembourg et de la Chambre artisanale de la Sarre se sont penchés sur la situation économique et celle de l’emploi dans la Grande Région et au Luxembourg.

Les chiffres

Selon le rapport économique et social de la Grande Région, en 2012, 4,9 millions de personnes étaient actives dans la Grande Région. Le taux d’emploi y est de 7 % et le taux de chômage se situe à 8 %, 3 points en-dessous du niveau européen. En 2013, plus de 213 000 travailleurs frontaliers ont été comptés dans la Grande Région. Plus de 150 000 frontaliers travaillent au Luxembourg (44 % de la population salariée).

Les invités font état de nombreux progrès réalisés dans la Grande Région en matière d’emploi, mais indiquent aussi de nombreux défis qui doivent être relevés

La représentante de la DG Affaires économiques et financières de la Commission européenne, Fabiana Pierini, a souligné que des problèmes d’inadéquation de l’offre et de la demande d’emploi (le chômage dit "structurel") peuvent être constatés dans l’UE, et que ceci porte en germe des chômeurs qui sont de plus en plus de longue durée. Après avoir exposé la politique actuelle de la Commission vis-à-vis de l’emploi, elle a dû admettre qu'elle a adopté une approche pays par pays, ce qui a pour conséquence que les politiques européennes en matière d’emploi sont cloisonnées en dossiers nationaux et pas transfrontaliers.

Pour Abilio Fernandes, représentant du Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire du Luxembourg, le nombre important de travailleurs frontaliers montre que ce n’est pas la législation de l’emploi, que la Commission et le patronat voudraient voir révisée, qui est trop rigide. Il cite à titre d’exemple l’accord-cadre pour la formation professionnelle transfrontalière dans la Grande Région signé le 13 novembre 2014 par Claude Meisch (ministre de l'Éducation nationale), Nicolas Schmit (ministre du Travail), Isabelle Schlesser (directrice de l'Adem) et Emmanuelle Mathieu (coordinatrice EURES, le réseau européen des services de l'emploi). Selon lui, des efforts ont également été faits dans d’autres domaines comme les transports."Il faut seulement que ces initiatives débouchent sur des actions concrètes", a-t-il ajouté.

Abilio Fernandes prend également l’exemple de la stratégie Europe 2020 qui détermine les grandes lignes des actions de l’UE en matière d’emploi de 2010 à 2020. Il indique que le semestre européen annuel s’inscrit dans ce cadre. Il nomme aussi le plan national de réforme qui est publié chaque année par le gouvernement luxembourgeois, qui définit les grandes lignes d’actions du pays en réponse aux recommandations d’Europe 2020. "Et dans ce cadre-là, nous avons aussi les fonds européens, comme le Fonds social européen, et une nouvelle période de ceux-ci a commencé pour 2014-2020, qui visent des objectifs comme l’intégration durable, l’apprentissage de travail, la lutte contre le chômage de longue durée", a-t-il ajouté. Selon lui, des priorités européennes existent à côté de celles nationales, et dans la Grande Région, la difficulté est liée au fait qu’"il faut conjuguer les législations de quatre pays différents".

Le représentant de la chambre artisanale de la Sarre (Handwerkskammer Saarland), Justus Wilhelm, indique que depuis la crise en 2009, le constat a été fait que les pays qui ont de bonnes structures de formation professionnelle ont mieux résisté que ceux qui s’axent principalement sur la formation scolaire et académique. Ces pays ont mieux su affronter le chômage structurel évoqué par Fabiana Pierini, tout comme le chômage des jeunes. Selon lui, une formation duale est plus proche de la réalité car elle permet d’apporter plus de réponses aux besoins ponctuels du marché du travail. Pour lui, la formation professionnelle transfrontalière est difficilement réalisable en raison des différences entre Etats en matière de contenus et d’évaluation, même si des efforts ont été réalisés au niveau européen, par exemple à travers le système "ECTS", autrement dit le Système européen de transfert et d’accumulation de crédits, qui a pour but de faciliter la lecture et la comparaison des programmes d'études des différents pays européens. Mais selon lui, même dans ce système, les formations de pays différents sont difficilement comparables. Justus Wilhelm estime qu’il serait également important de mettre en place, comme en Allemagne, des structures d'autogestion pilotées par les partenaires sociaux pour que ceux-ci contribuent aux formations professionnelles en déterminant le contenu, l'expertise et les exigences requises qui découlent du marché du travail.

La directrice de l’Adem Isabelle Schlesser a fait l’éloge de la "Garantie pour la jeunesse" lancée au Luxembourg le 26 juin 2014, "plus ambitieuse vis-à-vis du même programme dans les autres pays", et qui offre la possibilité d’accompagner les jeunes de manière beaucoup plus étroite dans leur recherche d’emploi. Elle indique que grâce à la "Garantie pour la jeunesse" au Luxembourg, dès les premiers mois, 65 % des jeunes ont réussi à trouver un emploi ou une formation.

Le représentant de la Chambre des Métiers Marc Gross a confirmé ces chiffres. Il indique qu’en moyenne, 90 % des jeunes qui ont fait une formation d’apprentissage décrochent un emploi dans leur secteur d’activité, et 65 % sont employés dans l’entreprise-même dans laquelle ils ont passé l’apprentissage. Selon lui, des synergies doivent être promues entre le monde du travail et celui éducatif. Il indique aussi qu’"en général, l’artisanat se développe bien dans la Grande Région et au Luxembourg", et que presque la moitié (47 %) des frontaliers sont employés dans l’artisanat au Luxembourg. Le secteur a récemment créé de nombreux emplois, et ce "même en temps de crise, avec en 2013 un taux de croissance de l’emploi de 2,7 %". Ce secteur, qui a selon lui un grand besoin en main-d’œuvre, se sert très bien du "réservoir de main-d’œuvre dans la Grande Région". Marc Gross porte par ailleurs l’attention sur un "paradoxe" qu’au Luxembourg, une forte demande de main-d’œuvre qualifiée coexiste avec une forte offre d’emploi pour les personnes moins qualifiées. C’est selon lui "un problème sociétal" qui constitue un défi pour les systèmes éducatifs et qui nécessite des réformes dans le sens d’une  flexibilisation du droit du travail pour mieux pouvoir absorber les jeunes dans des mesures d’apprentissage ou mieux "les faire passer sur le marché de travail".

Fabiana Pierini a par la suite ajouté que le niveau de mobilité de travail européenne est très bas. Les raisons sont selon elle différentes. Elles peuvent être liées à des questions de portabilité de droits, à des barrières linguistiques ou à un manque de formation. Fabiana Pierini explique que l’Eures est en train "de se moderniser" en tenant compte de toutes ces questions. Fabiana Pierini indique que ce système s’est avéré être le plus efficace "à échelle plus locale", par exemple à un niveau transfrontalier.

La directrice de l’Adem, Isabelle Schlesser confirme ce constat, en indiquant que la Grande Région le prouve bien avec son très grand nombre de travailleurs frontaliers. "Dans la Grande Région, on travaille entre services de l’emploi depuis de nombreuses années, et on souhaite encore renforcer cette coopération." Elle explique que l’Adem fait par exemple, ensemble avec ces autres services d’outre-frontières, des études afin d’analyser "quels sont les métiers qui recrutent". Aussi, ils procèdent à des échanges d’information sur les demandeurs d’emploi dans chaque région. Pour elle, les limites à cette coopération se font sentir dans les domaines où les mêmes métiers sont recherchés dans la Grande Région, par exemple dans l’artisanat. Les régions ont selon elle des réflexes plus égoïstes. Une autre limite est selon elle liée aux différences de rémunération qui subsistent dans la Grande Région, qui font que le flux frontalier se déplace plutôt vers le Luxembourg. Pour elle, d’une manière générale, l’information ne circule pas suffisamment bien entre les Etats de l’UE.

Pour Marc Gross, dans la Grande Région, "pour réaliser une politique intégrée, il faut déjà qu’il y ait une politique concertée et intégrée". Mais d’après lui, un esprit de concurrence important entre régions "qui ont des différences en termes de rémunération et de charges directes" demeure. Il est selon lui important de "redéfinir le cadre dans lequel on aimerait évoluer ensemble". Il faudrait mieux tenir compte de la diversification et de la spécialisation des différentes régions dans des secteurs économiques particuliers. Pour ce faire, "il faut développer une approche intégrée", a-t-il répété.