Au cours de la réunion du Conseil "Affaires étrangères" de l’Union européenne (UE) qui s’est tenue le 17 novembre 2014 à Bruxelles, il a été question de la situation en Ukraine, et de nouvelles sanctions ont été décidées contre des représentants des séparatistes, mais pas contre la Russie avec laquelle l’UE cherche à renouer le dialogue. Les fortes tensions au Proche-Orient ont été un autre grand sujet tout comme la question de la reconnaissance de l’Etat palestinien au sujet de laquelle il y a eu un partage d’informations. Le CAE s’est déroulé pour la première fois sous la présidence de la nouvelle Haute Représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Federica Mogherini. Le Luxembourg était représenté au Conseil par son ministre des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn.
A la lumière des élections législatives ukrainiennes anticipées du 26 octobre 2014 et suite aux élections illégales et illégitimes du 2 novembre 2014 dans les deux régions séparatistes dans l’Est de l’Ukraine, les ministres ont passé en revue les derniers développements sur le terrain et ont abordé la situation politique et économique en Ukraine, tout en faisant le point sur l’application du protocole de Minsk, le réajustement des sanctions de l’UE et la réforme nécessaire du secteur de la sécurité en Ukraine.
A l’issue de la réunion du Conseil, Federica Mogherini a mis en avant la nécessité pour l’UE de jouer "un rôle majeur", dans la mesure où la crise ukrainienne est "clairement une crise européenne". L’UE devra continuer de travailler ensemble avec l’OSCE au niveau de la sécurité et avec le Conseil de l’Europe, quand il sera question de réformes internes en Ukraine. Mais le défi principal reste selon elle la question "comment relancer ou réengager le dialogue avec la Russie, étant donné que la Russie fait partie du problème mais est aussi une partie de la solution". Quand il est question de dialogue dans la région, la Haute-Représentante parle autant du dialogue entre l’Ukraine et la Russie, que du dialogue entre l’Ukraine et les forces séparatistes à l’Est de l’Ukraine, et aussi du dialogue entre l’UE et la Russie qui devrait porter sur l’Ukraine, mais aussi des sujets plus vastes, "globaux et régionaux", afin de faire le point des relations entre l’UE et la Russie.
Partant de là, Federica Mogherini a esquissé trois axes d’action :
Dans ce cadre, le Conseil a décidé de lancer la mission de conseil de l'UE sur la réforme du secteur de la sécurité civile en Ukraine (EUAM Ukraine) le 1er décembre 2014, le mandat initial étant de deux ans. La mission apportera son aide aux autorités ukrainiennes dans le domaine de la réforme du secteur de la sécurité civile, notamment pour ce qui concerne les services de police et l'État de droit. En marge de la réunion du Conseil, Federica Mogherini et Pavlo Klimkine, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, ont signé l'accord sur le statut de la mission entre l'UE et l'Ukraine, qui permettra à la mission d'opérer selon les besoins en Ukraine et de préparer son lancement.
La mission fournira des conseils sur la mise en place de la stratégie de réforme, d'un cadre de planification de mesures concrètes et d'une structure chargée d'en superviser la mise en œuvre. À travers ses différents domaines d'action, la mission traitera du respect des droits de l'homme, de la lutte contre la corruption et des questions d'égalité entre les sexes. Les experts de l'UE travailleront aux côtés de leurs homologues dans les organismes ukrainiens concernés. L'EUAM veillera aussi à établir une coordination et à assurer la cohérence avec les autres initiatives de l'UE, ainsi qu'avec l'OSCE et les autres partenaires internationaux.
L'EUAM Ukraine, dont le quartier général est situé à Kiev, est une mission civile non armée et sans compétences d'exécution. Dirigée par Kálmán Mizsei, chef de mission, elle disposera pour les douze premiers mois d'un budget de 13,1 millions d'euros.
Dans un communiqué diffusé par le Ministère des Affaires étrangères, Jean Asselborn exprime son malaise quant aux "développements actuels" qu’il juge "inquiétants" et qui "risquent même d’anéantir tous les efforts diplomatiques accomplis jusque-là". Pour lui, "il ne faut pas focaliser les efforts uniquement sur l’adoption de sanctions, mais redoubler d’énergie pour revitaliser le processus politique initié à Minsk afin de sortir de l’engrenage de la spirale de la confrontation". Le fait qu’il n’y a pas eu de sanctions supplémentaires contre la Russie devrait selon lui être considéré "comme un signal clair" à l’attention du président Poutine, est-il cité par le journaliste Guy Kemp du Tageblatt.
Pour Jean Asselborn, il faut „éviter le pire". Dans une interview donnée à Pierre Leyers du Wort, il parle de l’angoisse qui a relayé en Europe l’espoir qui prédominait il y a dix ans. "Dans le conflit ukrainien, nous devons faire très attention à ne pas atteindre un point de non-retour", dit-il, car si ce point devait être dépassé, "une confrontation militaire n’est plus à exclure". Pour lui, la Russie doit être une partie de la solution des grands conflits qui préoccupent le globe : la question du nucléaire iranien, l’instabilité en Afghanistan, l’extension de la terreur en Irak et en Syrie. Les relations entre les USA et la Russie étant au plus bas, l’UE reste pour lui "le seul médiateur". Opposé à de nouvelles sanctions contre la Russie, Jean Asselborn déclare aussi qu’il ne croit pas, contrairement à d’autres, que le processus politique de Minsk ait échoué et juge toujours possible une reprise du dialogue entre "les insurgés à l’Est et le gouvernement de Kiev". Finalement, il est d’avis qu’il faudra mettre en question la décision du gouvernement de Kiev de couper toutes les connexions avec les régions dissidentes du Donezk et de Lougansk.
Les ministres ont ensuite évalué la situation au Proche-Orient. Préoccupés "par l'accroissement des tensions et par la montée de la violence sur le terrain", condamnant "tous les attentats terroristes perpétrés récemment", appelant "toutes les parties à s'abstenir de tout acte susceptible d'aggraver la situation, que ce soit sous forme d'incitations à la violence, de provocations, de recours excessif à la force ou de représailles" les ministres appellent les parties à éviter "les actions qui remettent en question les engagements pris en faveur d'une solution négociée". Ils déplorent "vivement, en s'y opposant fermement, la récente expropriation de terres à proximité de Bethléem, les nouveaux projets de constructions qui ont été annoncés il y a peu (…) ainsi que les projets visant à déplacer des Bédouins en Cisjordanie et la poursuite des démolitions, y compris de projets financés par l'UE et ses États membres. Ils appellent "Israël à revenir sur ces décisions qui vont à l'encontre du droit international et compromettent directement la solution fondée sur la coexistence de deux États." Ils dénoncent notamment "les activités récentes d'implantation de colonies de peuplement à Jérusalem-Est qui "hypothèquent sérieusement la perspective de voir Jérusalem devenir la capitale des deux États".
"La situation humanitaire dramatique qui règne dans la bande de Gaza" préoccupe également, malgré les engagements pris par la communauté internationale en faveur de la reconstruction de Gaza qui sont eux salués. Les ministres européens soulignent ainsi "qu'il importe que la politique israélienne évolue pour permettre à Gaza d'avoir des activités commerciales normales et durables". Ils exigent "un changement radical de la situation sur le plan politique, de la sécurité et en matière économique dans la bande de Gaza, ainsi que la fin du blocus", tout en estimant qu’un "retour au statu quo qui prévalait avant le dernier conflit n'est pas une option."
Pour les ministres, "la situation intenable à Gaza, la récente augmentation des violences à Jérusalem et l'aggravation de la situation régionale viennent souligner l'importance de parvenir à une paix globale qui mette un terme à toutes les revendications et réponde aux aspirations légitimes des deux parties, notamment celles des Israéliens en matière de sécurité et celles des Palestiniens en faveur de la constitution d'un État palestinien." Dans les conclusions, "l'UE rappelle que l'évolution future des relations avec ses partenaires, israéliens et palestiniens, dépendra également de ce qu'ils feront pour parvenir à une paix durable reposant sur la solution fondée sur la coexistence de deux États."
Au cours de la conférence de presse qui a suivi la réunion du Conseil, Federica Mogherini a nié l’existence d’un plan de sanctions contre Israël. "Le cœur de notre discussion d'aujourd'hui sur le Moyen Orient était plutôt de voir comment engager un processus positif avec les Israéliens et les Palestiniens pour relancer un processus de paix, et non d'isoler ou sanctionner quoique ce soit, mais, au contraire, de remotiver vers le chemin du dialogue et de la paix", a-t-elle déclaré. La reconnaissance d'un Etat Palestinien a par contre bel et bien été discutée, "même si cela relève bien sûr de la compétence des Etats Membres", a-t-elle aussi précisé. Pour elle, ce qui importe d’abord, ce n’est pas la reconnaissance d’un Etat palestinien, mais l’existence d’un Etat palestinien qui vive en paix et en sécurité à côté d’Israël.
Pour Jean Asselborn, la question de la reconnaissance d’un tel Etat est, pour les mêmes raisons, prématurée. Au Conseil, selon Federica Mogherini, "nous avons partagé la nécessité d'au moins échanger, entre nous, entre les ministres, les informations sur les démarches de parlements nationaux, les éléments de réactions des gouvernements à ce sujet et commencé à donner, non pas des réponses communes, mais de partager les grandes lignes d'action sur ce sujet."