Les projets visant à encourager l'innovation alimentaire grâce à une nouvelle procédure d'autorisation simplifiée pour les nouveaux aliments(ou "novel food") ont été approuvés par les députés européens en commission de l'environnement de la santé et de la sécurité des aliments (ENVI) le 24 novembre 2014. Les députés ont modifié le texte de la Commission qui remonte à décembre 2013 et proposé un moratoire sur l'utilisation des nanomatériaux dans les aliments, en se basant sur le principe de précaution. Ils ont aussi ajouté des dispositions pour un étiquetage obligatoire des produits alimentaires clonés.
Le projet législatif, approuvé par 57 voix pour, 4 voix contre et 2 abstentions, fixe des délais et des définitions clairs pour le processus global de commercialisation d'un nouvel aliment.
"Je me félicite que les 20 amendements de compromis aient été adoptés sans problème lors du vote d'hier soir et que les membres en désaccord étaient peu nombreux. Je pense que cela reflète l'atmosphère de coopération lors des réunions que j'ai eues jusqu'ici avec les rapporteurs fictifs. Et j'espère que nous poursuivrons sur cette voie lors des négociations de trilogue", a affirmé James Nicholson (ECR, UK), en charge de la législation au Parlement.
"Néanmoins, je ne suis pas entièrement satisfait du résultat du vote. Certains amendements sur le clonage des animaux et des nanomatériaux ont été adoptés, alors que mes collèges de l'ECR et moi-même avons voté contre. J'ai été clair depuis le début du processus: vu l'historique des propositions sur les nouveaux aliments, il était essentiel que le clonage et les nanomatériaux soient traités séparément", a-t-il ajouté.
L’historique pour mémoire : En mars 2014, le Parlement européen s’était déjà opposé au projet de définition des nanomatériaux manufacturés tel que l’avait proposé la Commission européenne, et avait adopté une résolution d’objection dans ce sens lors de la séance plénière du 12 mars 2014, par 402 voix pour, 258 contre et 14 abstentions. Cette résolution visait un règlement délégué adopté le 12 décembre 2013 par la Commission qui visait à amender le règlement en vigueur relatif à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires en ce qui concerne la définition des "nanomatériaux manufacturés" datant de 2011. Le projet prévoyait une exemption générale pour les additifs alimentaires, la Commission justifiant ce choix par le fait que certains pourraient être considérés comme nanomatériaux manufacturés dans l'alimentation finale et que "l'indication de tels additifs alimentaires sur la liste des ingrédients suivis du mot 'nano' entre crochets risque de jeter la confusion parmi les consommateurs, car elle peut laisser entendre que ces additifs sont nouveaux, alors qu'en réalité, ils sont utilisés sous cette forme dans les denrées alimentaires depuis des décennies". Une justification que le Parlement européen a jugée en mars 2014 erronée et hors de propos, le règlement de base requérant explicitement l'étiquetage de la totalité des ingrédients présents sous la forme de nanomatériaux.
Les nouvelles technologies appliquées aux procédés de production alimentaire sont susceptibles d'avoir des répercussions sur la sécurité des aliments, affirment les députés. Par conséquent, les aliments dont le processus de production exige une évaluation des risques - incluant les nanomatériaux - ne devraient pas être autorisés avant d'être approuvés par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), selon les parlementaires. Par ailleurs, il faudrait accorder une attention particulière aux emballages alimentaires qui contiennent des nanomatériaux, afin d'empêcher qu'ils ne contaminent les aliments. Conformément au principe de précaution, tous les nouveaux aliments devraient également être soumis à une surveillance suite à leur mise sur le marché, ajoutent les députés.
De plus, les députés ont modifié la définition existante de nanomatériaux pour la rendre conforme aux recommandations de l'EFSA (seuil de nanoparticules de 10 % pour qu'un ingrédient alimentaire soit qualifié de "nano" contre un seuil de 50 % proposé par la Commission européenne), cela en conformité avec leur résolution de mars 2014.
Les députés ont également modifié le champ d'application de la législation pour inclure les produits à base de viande clonée. Jusqu'à l'entrée en vigueur d'une législation spécifique sur les aliments dérivés d'animaux clonés et de leurs descendants, ces aliments devraient tous être couverts par cette réglementation et être étiquetés de manière adéquate pour le consommateur final, affirment les députés.
Les États membres seraient autorisés à interdire de manière temporaire un nouvel aliment si de nouvelles informations suggèrent qu'il pourrait poser un risque pour la santé humaine ou l'environnement. La Commission européenne, en coopération avec l'EFSA, devrait ensuite examiner les motifs de ces craintes, selon les députés.
Un "nouvel" aliment est défini comme toute denrée alimentaire dont la consommation humaine était négligeable au sein de l'Union avant le 15 mai 1997. Les députés ont durci cette définition pour inclure, notamment, les denrées alimentaires qui présentent une structure moléculaire modifiée, les micro-organismes, les champignons, les algues, les denrées alimentaires obtenues à partir de cultures cellulaires ou tissulaires, ou les insectes.
Les aliments traditionnels des pays tiers seraient autorisés sur le marché de l'UE s'il a été prouvé pendant une période minimale de 25 ans qu'ils peuvent être consommés sans risque.
Le mandat pour que James Nicholson puisse débuter les négociations avec le Conseil des ministres a été approuvé à l'unanimité, avec une abstention. Le Conseil doit encore adopter sa position de négociation.
Le Bureau européen des Unions de consommateurs (BEUC) a salué ce vote qu'il qualifie de de signal fort pour permettre à l'UE de s'adapter à la rapidité avec laquelle progresse l'innovation dans le domaine alimentaire tout en assurant aux consommateurs un niveau de protection élevé. Pour Monique Goyens, la directrice générale du BEUC, "la protection des consommateurs a été mise au premier plan dans l'évaluation de ces nouveaux aliments". Elle juge sage la décision que les nanomatériaux ne devraient pas être utilisés dans la production alimentaire tant que les risques ne soient pas pleinement évalués et que l’avis de l’EFSA soit maintenant à chaque fois requis en la matière.
L’Agence Europe cite par ailleurs Camille Perrin, experte en politique alimentaire au BEUC, pour qui "il était crucial que le Parlement mette à jour la liste des nouveaux aliments tels que la viande produite en laboratoire. Le simple fait que des aliments tels que les insectes soient consommés depuis des années dans un pays, ne peut constituer un gage de sa sécurité. Nous sommes heureux que l'aide de l'EFSA soit recherchée pour établir l'historique des utilisations sûres d'aliments traditionnellement consommés en dehors de l'UE".