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Marché intérieur
Selon la Cour de Justice de l'UE, les services de transport sanitaire d’urgence peuvent être confiés par priorité et par voie d’attribution directe aux organismes de bénévolat
11-12-2014


Dans un arrêt du 11 décembre 2014 en réponse à une question préjudicielle posée le 8 mars 2013 par le Conseil d’Etat italien dans le cadre d’un litige, la Cour de Justice de l’UE indique que les services de transport sanitaire d’urgence peuvent être confiés par priorité et par voie d’attribution directe aux organismes de bénévolat. Pour cela, le système doit effectivement contribuer à la poursuite des objectifs de solidarité et d’efficacité budgétaire qui relèvent de la compétence des États membres en matière d’aménagement des systèmes de santé publique et de sécurité sociale.

Les faits à l’origine du litige

En 2010, conformément aux lois régionales applicables qui prévoient l’attribution du transport sanitaire prioritairement aux associations bénévoles, la Ligurie avait conclu un accord-cadre avec différentes associations nationales d’assistance publique représentant les associations locales de bénévolat, afin de réglementer les rapports entre les agences sanitaires et hospitalières et ces associations. En application de cet accord-cadre, l’Azienda Sanitaria Locale n. 5 a conclu des conventions pour le transport sanitaire d’urgence et d’extrême urgence avec les associations affiliées à l’ANPAS, sans procéder à des appels d’offres. Les coopératives San Lorenzo et Croce Verde Cogema ont alors demandé l’annulation de ces conventions.

La législation européenne qui s’applique au moment des faits, c’est la directive 2004/18 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services. Elle s’applique aux marchés publics de valeur égale ou supérieure à certains seuils (193 000 euros pour la plupart des marchés de services).

Saisi d’un recours dans cette affaire, le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) a demandé à la Cour de justice si les règles du droit de l’Union en matière de marchés publics et de concurrence, telles que prévues par la directive de 2004, admettent une réglementation nationale qui permet aux autorités locales de confier la fourniture des services de transport sanitaire par priorité et par voie d’attribution directe, en l’absence de toute forme de publicité, aux organismes de bénévolat conventionnés, lesquels ne perçoivent que le remboursement des frais effectivement exposés et d’une fraction des frais généraux.

L’arrêt de la Cour de Justice

CJUEDans son arrêt d’aujourd’hui, la Cour rappelle tout d’abord que la directive sur les marchés publics de 2004 s’applique aux marchés publics de services de transport sanitaire d’urgence ou d’extrême urgence (contrairement à la nouvelle directive sur les contrats de concession de 2014). Ainsi, selon la Cour, l’accord-cadre régional relève de la notion de marché public, "indépendamment du fait qu’il soit conclu pour le compte d’entités sans but lucratif et que la rémunération reste limitée au remboursement des frais encourus".

Selon la Cour, si la valeur de l’accord-cadre régional excède le seuil fixé dans la directive, "l’ensemble des règles de procédure prévues par cette directive ont vocation à s’appliquer, ou non, selon que la valeur des services de transport dépasse la valeur des services médicaux ou non". Ainsi, en cas de dépassement du seuil, la directive ne permet pas de confier les services de transport sanitaire d’urgence par priorité et par voie d’attribution directe aux organismes de bénévolat, explique la Cour dans son arrêt.

En revanche, si ce seuil n’est pas atteint "ou si la valeur des services médicaux dépasse la valeur des services de transport", ce sont uniquement les principes généraux de non-discrimination et d’égalité de traitement découlant du Traité qui s’appliquent, ainsi que l’obligation de transparence, à condition toutefois que le marché en cause présente un intérêt transfrontalier certain, explique la Cour dans son arrêt.

La Cour constate qu’un système de conventionnement tel que celui instauré par la Regione Liguria est contraire aux objectifs de la libre circulation des services et entrave l’ouverture la plus large possible des marchés publics à une concurrence non faussée. En effet, une telle réglementation exclut selon elle les entités à finalité non bénévole d’une part essentielle du marché et joue au détriment des entreprises situées dans d’autres États membres. Une telle différence constituerait une discrimination indirecte fondée sur la nationalité, à moins qu’elle ne se justifie par des "circonstances objectives".

Cependant, la Cour souligne que le droit de l’Union respecte la compétence des États membres en matière d’aménagement des systèmes de santé publique et de sécurité sociale ainsi que les principes d’universalité, de solidarité, d’efficacité économique et d’adéquation qui sont à la base du mode d’organisation des services de transport sanitaires de la Regione Liguria.

Ainsi, les objectifs de maintenir, pour des raisons de santé publique, un service médical et hospitalier équilibré et accessible à tous et d’éviter, dans la mesure du possible, tout gaspillage de ressources financières, techniques et humaines peuvent justifier une entrave à la libre prestation des services.

"Les États membres, de leur côté, ne peuvent pas restreindre de manière injustifiée l’exercice des libertés fondamentales dans le domaine des soins de santé. Ils peuvent recourir à des organismes privés qui ne poursuivent aucun but lucratif en dehors des procédures d’appel d’offres, pour autant que l'activité des associations soit exercée par des travailleurs uniquement dans les limites nécessaires à leur fonctionnement régulier", explique la Cour. Les législations nationales ne peuvent pas couvrir les pratiques abusives des associations ou de leurs membres, selon la Cour de Justice.

S’il se base sur ces conditions, un État membre peut estimer que le recours aux associations de bénévolat correspond à la finalité sociale du service de transport sanitaire d’urgence et permet de maîtriser les coûts liés à ce service.

Par ces motifs, la Cour conclut que "le Traité FUE admet une réglementation nationale qui prévoit que les services de transport sanitaire soient confiés par priorité et par voie d’attribution directe, en l’absence de toute publicité, aux organismes de bénévolat conventionnés", seulement si le cadre légal et conventionnel contribue effectivement à la finalité sociale et à la poursuite des objectifs de solidarité et d’efficacité budgétaire. Ces derniers éléments doivent selon elle être vérifiés par la juridiction de renvoi.

La nouvelle directive sur les contrats de concession prévoit explicitement que les missions des services de secours et d’urgence en grande partie basées sur le volontariat ne seront pas soumises à la privatisation à travers un système de concessions

La nouvelle Directive sur l’attribution des contrats de concession exige des critères d'attribution de contrats objectifs qui doivent permettre des achats publics au meilleur rapport qualité-prix, dans le respect des principes de transparence et de concurrence, et afin de permettre un avantage économique global aux autorités publiques. Elle prévoit, parmi les exemptions que des services de nature spécifique tels que les activités de jeux d’argent et de hasard résultant de droits exclusifs, la défense et la protection civiles, certains services d'urgence d'associations sans but lucratif et des services de médias, financiers ou juridiques sont également exclus de son champ d'application.

Dans cette nouvelles directive, les missions des services de secours et d’urgence prévus dans le cadre d’une protection civile en grande partie basée sur le volontariat ne seront pas soumis à la privatisation à travers un système de concessions.

L’arrêt de la Cour et la nouvelle directive ne se contredisent pas.