Le 24 janvier 2013, la commission du marché intérieur (IMCO) du Parlement européen s’est prononcée sur deux projets de directives du paquet "marchés publics", la directive "concessions", qui concerne l’attribution de contrats de concession, un projet qu’elle a amendé en excluant certains domaines comme la protection et la défense civile, et la directive "marchés dans les services d'utilité publique", un dossier sur lequel l’eurodéputé luxembourgeois Frank Engel est rapporteur fictif pour le groupe PPE.
La directive "concessions" et la directive "marchés dans les services publics" font partie d'un paquet de quatre directives sur les marchés publics. Les autres deux textes sont les directives "classique" et "accès aux marchés tiers" (ou "réciprocité"). Cette dernière est gérée par la commission du commerce international.
Frank Engel avait salué fin décembre 2012 le compromis trouvé sur les marchés publics, à savoir la directive dite "classique", sur laquelle il est aussi rapporteur fictif pour le PPE. Il avait notamment salué le fait que les PME pourront participer plus aisément aux marchés publics à l’avenir grâce à l’allégement des procédures que devrait occasionner l’introduction d’un passeport européen pour les marchés publics qui sera valable un an.
Les contrats de concessions en matière de marchés publics qui permettent aux autorités publiques de transférer au secteur privé le risque économique de projets tels que la construction de ponts ou d'installations sportives seront soumis à des règles à l'échelle européenne, selon le vote de la commission du marché intérieur (IMCO).
"Ce texte établit des règles claires, pragmatiques et efficaces au niveau européen et met à disposition des outils supplémentaires pour aider les pouvoirs publics à développer et à moderniser les services publics", a déclaré le rapporteur du Parlement, Philippe Juvin (PPE), ajoutant que "l'attribution d'une concession n'est pas synonyme de privatisation des services publics".
Ces contrats de concession permettent aux autorités de transférer le risque économique de construire des infrastructures ou de fournir des services aux contractants qui les fournissent sans abandonner leurs droits sur les biens ou services fournis.
La commission IMCO a opté pour simplifier les procédures d'obtention de ce type de concessions, en retenant seulement deux étapes obligatoires pour les autorités : publier les appels d'offres au départ et attribuer l'avis d'attribution à la fin. Ceci devrait donner aux autorités davantage de souplesse pour négocier le meilleur accord.
Les députés ont également estimé que les documents de la procédure de concession devraient être disponibles et utilisables sous une forme électronique.
La commission a décidé par son vote d'exclure un certain nombre de services du fait de leur spécificité. Il y a d’un côté les activités de jeux d’argent et de hasard résultant de droits exclusifs. Mais ce qui est plus important pour les citoyens, c’est l’exclusion de la défense et de la protection civiles, de la prévention du danger, des services de transports aériens et des services des médias. Les députés ont par contre décidé de ne pas exclure le secteur de l'eau de la directive.
Par cette décision, il semble entre autres prévisible que les missions des services de secours et d’urgence prévus dans le cadre d’une protection civile en grande partie basée sur le volontariat ne seront pas soumis à la privatisation à travers un système de concessions. Cette perspective avait déclenché une grande vague d’inquiétude, notamment outre-Moselle, en Rhénanie-Palatinat, dont le Trierischer Volksfreund s’était fait l’écho.
Le fait que le secteur de l’eau n’a pas été exclu du champ d’application de la directive a conduit plusieurs eurodéputés allemands des groupes PPE, S&D, et Verts/ALE, à voter contre le projet de rapport. Ils s’inquiètent du risque qu’il n’ouvre la voie à la privatisation de la distribution d'eau.
Le rapporteur, Philippe Juvin, a quant à lui expliqué que "l'examen de la directive a été pollué par de nombreux malentendus et tentatives de désinformation". Les inquiétudes qui ont mobilisé le milieu de la protection civile en Rhénanie-Palatinat semblent être un résultat de ces tentatives. Pour le rapporteur, "l'attribution d'une concession n'est pas synonyme de privatisation des services publics. La directive ne fait qu'instaurer des règles si le choix de l'autorité publique se porte sur la concession ; elle ne préempte pas du choix de cette dernière".
La différence entre une concession et un marché public réside dans le fait que l'entreprise concessionnaire supporte une partie des risques opérationnels ou financiers inhérents à la concession et se rémunère totalement ou partiellement à travers l'exploitation de l'objet de la concession, par exemple si elle réalise un pont ou un tunnel à péage, ou si elle preste des services comme le traitement de l'eau ou des déchets.
Le projet s'appliquerait aux contrats de concessions d'une valeur de 8 millions d'euros ou plus.
Les nouvelles règles exigent que les critères d'attribution des concessions soient objectifs, mais permettent aux autorités publiques d'introduire des critères environnementaux, sociaux, liées à l'égalité des genres ou encore à l'innovation.
Les exigences minimales européennes pour l'attribution de concessions de marchés publics ont été approuvées par 28 voix pour, 10 voix contre et 2 abstentions.
Pour les députés qui ont procédé au vote sur cette directive en commission IMCO, les autorités publiques qui choisissent entre des offres pour la fourniture d'eau, d'énergie ou de services postaux ou de transport, doivent être libres de prendre en compte des critères environnementaux ou sociaux, et non seulement le coût du projet,.
Les règles proposées sur les "marchés dans les services d'utilité publique", qui mettent à jour une directive de 2004, devraient permettre aux autorités publiques de fournir des services de manière plus flexible et, par conséquent, de prendre des décisions plus stratégiques sur les dépenses des fonds publics.
Les députés ont opté pour que les autorités puissent accepter non seulement l'offre la moins chère mais également "l'offre la plus avantageuse sur le plan économique", qui pourrait également inclure des objectifs environnementaux ou sociaux. Ces critères avaient également été ajoutés aux marchés publics dits "classiques" lors d'un vote en commission le 18 décembre 2012.
"C'est un pas dans la bonne direction. Ce projet renforce la ligne de conduite adoptée lors du vote de décembre. Il montre également que nous sommes déterminés à améliorer la qualité et l'efficacité des services publics, à faciliter l'accès au marché pour les PME, et à garantir le respect de bonnes conditions de travail et de critères environnementaux. Les citoyens attendent que chaque euro issu des fonds publics soit dépensé de manière efficace et responsable, en particulier en ces temps de crise", a déclaré le rapporteur Marc Tarabella (S&D).
Les nouvelles règles sur les contrats de services publics ont également pour objectif de permettre aux petites et moyennes entreprises de répondre à des appels d'offre et d'encourager l'innovation.
Tout comme la directive sur les marchés publics dite "classique", la directive sur les marchés dans les services publics permet aux États membres de l'UE d'imposer une responsabilité conjointe aux contractants et sous-contractants pour les services fournis, de diviser les contrats en lots et, dans certains cas, d'ouvrir l'offre à des fournisseurs de pays tiers.
Les nouvelles règles permettraient également aux autorités publiques de coopérer sur des projets sans émettre d'appels d'offre à condition que certains critères soient remplis.
Le rapport de Marc Tarabella a été adopté par 25 voix pour, 5 voix contre et 8 abstentions.
La commission du marché intérieur décidera ultérieurement de l'ouverture ou non de négociations informelles avec le Conseil sur les deux nouvelles directives en vue de parvenir à un accord en première lecture.