Plusieurs acteurs institutionnels de l’UE ont réagi à l’attentat meurtrier du 7 janvier 2015 contre le siège du journal hebdomadaire satirique Charlie Hebdo qui a fait 12 morts selon un dernier bilan. Les solutions européennes avancées pour lutter contre le terrorisme sont nombreuses.
Le 8 janvier 2015, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a annoncé à Riga, où il s’est rendu avec le collège des commissaires pour sa traditionnelle visite à la nouvelle présidence du Conseil de l’Union européenne, son intention de proposer aux Etats membres un nouveau programme de lutte contre le terrorisme. "Nous allons présenter un nouveau programme de lutte contre le terrorisme dans les semaines à venir", a-t-il annoncé au cours d'une conférence de presse avec Laimdota Straujuma, Première ministre de la Lettonie, pays qui assure la présidence semestrielle de l'UE depuis le 1er janvier. "Il est encore trop tôt pour annoncer les détails, mais nous allons explorer un certain nombre de pistes", a-t-il précisé.
La Commission, qui veut renforcer la collecte et l'échange d'informations au sein de l'UE, se heurte aux réticences des États et des élus européens. "Nous allons vérifier la qualité de la coopération entre les Etats membres", a ajouté Jean-Claude Juncker. "La lutte contre le terrorisme relève d'abord de la compétence de chaque Etat, mais il est évident que des interconnexions doivent être mises en place", a-t-il insisté. Le Président de la Commission recommande notamment de renforcer la coopération entre Europol et les services nationaux qui s’occupent de la lutte anti-terrorisme et souhaite analyser "les possibilités qu’offre Schengen pour voir sur quel point il peut être amélioré et rendu plus exigeant".
La représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini a jugé "urgent" de mettre en place le registre européen des données des passagers, appelé PNR européen, un projet voulu par les États membres mais qui est bloqué au Parlement européen qui veut protéger les libertés individuelles.
Pour mémoire : la Commission européenne avait proposé en février 2011 son projet de directive "PNR" (Passenger Name Record), en remplacement d’une proposition de directive de 2007 que l’entrée en vigueur du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) avait rendue caduque. Le nouveau projet fut proposé pendant les négociations avec les Etats-Unis d’un nouvel accord PNR, finalement signé en octobre de la même année. La directive prévoit d’harmoniser les dispositions des États membres faisant obligation aux transporteurs aériens assurant des vols entre un pays tiers et le territoire d’au moins un État membre de transmettre aux autorités compétentes les données PNR, et vise la création d’un fichier.
Le texte est jugé intrusif par ses opposants notamment parce qu’il prévoit la conservation des données (rendues anonymes à partir du 31e jour) pendant cinq ans, leur centralisation dans un fichier unique et la collecte de dix-neuf informations (données bancaires inclues), afin que les autorités policières puissent les utiliser dans leur lutte contre le terrorisme et la criminalité lourde.
"Je ne suis pas catégoriquement opposée à la collecte de données à des fins de sécurité, mais je demande que l'on fournisse au Parlement la preuve de la nécessité de collecter les données de tous les passagers", a expliqué le 9 janvier 2015 à l'AFP le chef de file des opposants, l'élue libérale néerlandaise Sophie In't Veldt. "Les ministres sont des cow-boys. Ils ne veulent pas de règles pour faire un contrepoids aux pouvoirs qu'ils réclament afin de garantir la protection des données", a-t-elle ajouté. "Dire qu'un PNR européen va permettre de suivre les mouvements des jeunes n'est pas sérieux. Si la directive est adoptée, il faudra des années pour sa mise en œuvre. Ce n'est pas la réponse aux craintes de l'instant", a-t-elle souligné. "Tous les experts nous disent qu'il faut davantage investir dans le renseignement et que les services secrets acceptent d'échanger leurs informations", a-t-elle conclu.
Près de 3 000 Européens se sont engagés au côté des mouvements islamistes radicaux en Syrie et en Irak. L'UE a de nombreux instruments pour les identifier, les suivre et les appréhender, mais leur mise en œuvre s'avère difficile, notamment au vu des règles Schengen de libre-circulation.
Le renforcement des outils de défense européenne, notamment face aux problèmes posés par les jeunes Européens enrôlés pour combattre en Syrie et en Irak, a lui été inscrit à l'ordre du jour d'une réunion le 19 janvier 2015 à Bruxelles des ministres des Affaires étrangères de l'UE. Le Commission européenne a indiqué qu’elle préparera cette réunion présidée par Federica Mogherini avec le coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme Gilles de Kerchove.
La Haut-Représentante de l’Union a souligné qu’en matière de relations extérieures de l'UE, il est important de travailler avec les autres pays, notamment au Moyen Orient. "J'étais en Irak et nous avons effectué un travail important et utile avec les autorités irakiennes pour que notre contribution contre Daesh [l'organisation de l'Etat islamiste, NDLR] soit plus efficace et utile", a-t-elle expliqué. "Nous sommes convaincus qu'il faut séparer complètement les notions de terrorisme et d'Islam. Aucune religion ne peut être utilisée pour des actes aussi cruels et inhumains", a-t-elle insisté.
Les ministres de l'Intérieur européens et américain se réunissent à Paris le dimanche 11 janvier 2015 pour une réunion d’urgence contre le terrorisme. "J’ai pris l’initiative d’inviter ce dimanche 11 janvier, mes collègues des pays européens les plus concernés par le terrorisme, le commissaire européen Dimitris Avramopoulos, le coordinateur de l’Union Européenne pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, ainsi que mes collègues américains, Erik Holder, ministre de la Justice, et Jeh Johnson, ministre de l’Intérieur" a indiqué le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve à l’occasion d’une conférence de presse du 8 janvier 2015. "Il s’agit à la fois pour eux de manifester à nouveau leur solidarité avec la France et leur rejet du terrorisme, et aussi d’échanger avec nous sur ce défi commun que nous adressent les terroristes et qui ne pourra être résolu qu’en commun, au sein de l’Union Européenne et au-delà", a-t-il ajouté.
D’autre part, une réunion des ministres de l'Intérieur et de la Justice aura lieu les 29 et 30 janvier 2015 à Riga. Selon la Commission, ils devront notamment examiner les moyens de "renforcer la coopération avec Europol et les autres agences européennes" compétentes en matière de sécurité pour fluidifier l'échange d'informations, qui se heurte aux réserves des services de renseignements nationaux.
Le président du Conseil européen Donald Tusk a annoncé de son côté le 9 janvier 2015 que le Conseil européen prévu le 12 février à Bruxelles sera consacré à la lutte contre le terrorisme. "J'ai parlé au président François Hollande hier soir, et j'ai l'intention d'utiliser la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement le 12 février pour discuter de la réponse que l'UE peut apporter aux défis" de la lutte contre le terrorisme, a-t-il déclaré à l'issue d'une rencontre à Riga avec la Première ministre lettone Laimdota Straujuma. "L'Union européenne ne peut pas tout faire, mais elle peut contribuer à renforcer notre sécurité", a-t-il déclaré.
Il a notamment rappelé la mise en place du mandat d'arrêt européen après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. "Mais nous devons faire plus", a signalé le président du Conseil européen. Il a appelé le Parlement européen à "accélérer son travail sur la proposition de directive sur un PNR européen (Passenger Name Record), qui peut aider à détecter les déplacements de personnes dangereuses".
Dans un communiqué de presse du 7 janvier 2015, le Parti populaire européen (PPE) a condamné l’attentat perpétré contre Charlie Hebdo. "L’Europe doit se montrer unie dans la lutte contre le terrorisme, pour protéger nos concitoyens et notre modèle européen de société. Nous nous tenons aux côtés de la France dans sa lutte contre le terrorisme" a déclaré Manfred Weber, le Président du Groupe. L’eurodéputé Elmar Brok (CDU) a néanmoins averti que l'attaque islamiste à Paris ne doit pas donner lieu une course entre partis politiques pour des lois plus sévères en matière de sécurité. "Nous devons maintenant éviter une escalade", a déclaré le membre de la CDU à l’Agence de Presse allemande à Berlin. Cela ne ferait qu’ajouter de l’eau dans le moulin de l’islamisme radical, des partis d’extrême droite et de Pegida, le mouvement anti-islam. Le ministre de la Justice allemand, Heiko Maas (SPD), a partagé ce constat. "Nous ne devons pas tomber dans le piège des terroristes. Une limitation de la liberté et de l’état de droit est exactement ce qu'ils veulent obtenir", a-t-il indiqué.
Tous les autres groupes politiques du Parlement européen ont également condamné l’attaque. Les libéraux (ALDE) y voient même "un clair parallèle" avec les attaques terroristes du 11 Septembre 2001 aux Etats-Unis.