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Environnement - Santé
L'exposition au Bisphénol A aux niveaux actuels ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs, conclut l’EFSA qui réduit néanmoins le seuil de sécurité pour l'exposition humaine à cause de certaines "incertitudes"
21-01-2015


Le logo de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)L'exposition au Bisphénol A (BPA) aux niveaux actuels ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs, a tranché le 21 janvier 2015 l'Autorité européenne pour la sécurité des aliments (EFSA), indique un communiqué. L'Agence a tout de même réduit le seuil de sécurité pour l'exposition humaine à 4 microgrammes (mg) par kilo de poids corporel contre 50 mg actuellement, après une "réévaluation complète" de cette substance, lancée en février 2012, qui a  relevé certaines "incertitudes". La "dose journalière tolérable" (DJT) a ainsi été divisée par douze.

L’Agence explique dans une note d’information cette réduction du seuil de sécurité par une méthodologie "plus perfectionnée" pour évaluer les risques associés au BPA et la disponibilité de "données plus précises". Mais surtout, elle évoque "une analyse approfondie basée sur de nouvelles techniques" qui a révélé "des incertitudes dans la base de données quant à la glande mammaire et aux systèmes reproductif, métabolique, neurocomportemental et immunitaire, qui se devaient d’être prises en considération". Si des effets néfastes sont actuellement considérés comme "improbables", il n’a toutefois pas été possible de les exclure totalement, ajoute l’Agence.

Par contre, la réduction du seuil n’est pas liée à "l'émergence de nouveaux problèmes de santé liés au BPA", souligne l’EFSA.

L'exposition humaine réelle au BPA est de 3 à 5 fois inférieure à la nouvelle DJT

L’EFSA tient néanmoins à souligner que le BPA "ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs car l’exposition actuelle à cette substance chimique est trop faible pour être dangereuse". Elle estime en effet que l'exposition humaine réelle au BPA, provenant de sources tant alimentaires que non-ali­mentaires, est de 3 à 5 fois inférieure à la nouvelle DJT. L’'exposition alimentaire seule est de 4 à 15 fois plus faible que pré­cédemment estimée, conclut l’Agence.

L’EFSA évoque également des "effets indésirables pour les reins et le foie", en se basant sur  des études sur les animaux, exposés au BPA à hautes doses (plus de 100 fois supérieures à la DJT), ainsi que des "effets sur les glandes mammaires des rongeurs". Ces effets, ainsi qu'une possible incidence sur le développement de cancers, notamment du sein, "sont considérés comme peu probables mais n'ont pas pu être exclus", note l’Agence, qui estime qu’il peut y avoir des effets sur la fertilité et le développement à des niveaux d’exposition 10 000 fois supérieurs à la dose journalière tolérable.

Un manque de données sur l’exposition cutanée

L'EFSA reconnait par ailleurs manquer de données sur l'exposition cutanée, à savoir par exemple la quantité de BPA que l'organisme absorbe à travers la peau lors d’un contact avec du papier thermique (utilisé pour les tickets de caisse notamment). Ce manque de données "accroit les incertitudes entourant les estimations relatives au papier thermique et aux cosmétiques", selon le docteur Trine Husoy, membre du groupe d'experts de l'EFSA. Mais l’Agence assure avoir pu quantifier ces incertitudes et les intégrer dans son évaluation des risques et son calcul de la nouvelle DJT.

La DJT a été fixée de manière provisoire dans l’attente des résultats d'une étude à long terme chez le rat. Elle sera réexaminée lorsque les résultats d’activités de recherche à long terme menées dans le cadre du programme national de toxicologie des États-Unis seront disponibles pour être évalués, soit dans deux à trois ans, explique l’EFSA.

La ministre française de l'Écologie Ségolène Royal s'interroge sur "le poids des lobbies"

L'eurodéputée française Michèle Rivasi (Verts) a pour sa part dénoncé une "expertise caricaturale", qui "inflige un camouflet à l’Anses", l'Agence nationale de sécurité sanitaire
de l’alimentation, de l’environnement et du travail. La France a généralisé depuis le 1er janvier l’interdiction du Bisphénol A à tous les contenants alimentaires. "Pour ne pas défavoriser l’industrie, l’EFSA fait le tri dans les études scientifiques, et n’applique pas le principe de précaution en faveur des citoyens", s’est indignée Michèle Rivasi, interrogée par l’AFP.

La ministre française de l'Écologie Ségolène Royal s'est également dite "très surprise" par cet avis publié "curieusement" au moment où l'interdiction du Bisphénol A est entrée en application en France. "Le ministère va faire expertiser cet avis, pour voir si le poids des lobbies n'est pas intervenu dans sa publication", a-t-elle encore dit.

Le contexte

Banni des biberons européens depuis 2011, cet antioxydant et plastifiant est utilisé dans la fabrication de matériaux plastiques polycarbonates en contact avec des ali­ments, tels que des articles de vaisselle réutilisable en plastique ou des revêtements de boîtes de conserve ou de cannettes. Le BPA est aussi commu­nément employé dans le papier thermique habituellement utilisé pour les tickets de caisse.

Le risque du BPA a été examiné par le comité scientifique de l’alimentation humaine de la Commission européenne en 2002. En 2006, l’EFSA a réévalué la sécurité du BPA pour les consommateurs sur la base de preuves scientifiques plus solides a établi une dose journalière tolérable (DJT) de 0,05 milligramme/kg de poids corporel. En février 2012, après un examen complémentaire de nouvelles études scientifiques, l’EFSA a décidé d’entreprendre une réévaluation complète des risques pour l’homme associés à l’exposition au BPA d’origine alimentaire, en tenant également compte de la contribution de sources non alimentaires d’exposition au BPA. En 2013 et 2014, l’EFSA a par ailleurs effectué deux consultations publiques sur le BPA.

Le Bisphénol A est considéré comme un perturbateur endocrinien, c’est-à-dire une substance chimique d'origine naturelle ou artificielle étrangère à l'organisme qui peut perturber le fonctionnement du système endocrinien. Plusieurs rapports mettent en évidence l’impact de ces substances sur la santé humaine ainsi que sur les budgets de santé.

En janvier 2015, un groupe d’eurodéputés a appelé à meilleure régulation des perturbateurs endocriniens pour la prévention du cancer, alors que le dossier visant à une définition de ces substances chimiques nocives a pris du retard. La Commission s’était engagée à présenter pour décembre 2013 des mesures de détermination des perturbateurs endocriniens, mais le dossier n’a toujours pas abouti, poussant certains Etats membres à prendre leurs propres initiatives. Des articles de presse avaient mis en avant l’influence de l’industrie chimique dans le dossier.