Le ministre luxembourgeois de l’Economie, Etienne Schneider, a annoncé de vouloir s’attaquer à la problématique récurrente des commerçants luxembourgeois en matière de libre choix de leur fournisseur dans le marché intérieur de l’UE. "Si cette question n'est pas réglée d'ici la présidence luxembourgeoise, je ferai inscrire ce point au menu des 28", a-t-il déclaré dans une interview avec le Quotidien du 28 janvier 2015, dans laquelle il insiste qu'il sera "ferme sur la question". Cette problématique relève du fait que beaucoup de multinationales ont établi leurs structures pour le marché Benelux en Belgique. Si les produits arrivent directement du pays fournisseur, la facture – souvent plus élevée que le coût des produits dans le pays d’origine – viendra de Bruxelles.
Si le ministre exclut dans l’interview une "marge de manœuvre directe de l'État", il estime qu’il y une marge de manœuvre au niveau de l'Union européenne. "Nous pouvons très bien préciser dans une directive que de telles situations ne sont plus tolérables", explique-t-il. Le ministre est d’ailleurs à l’initiative d’une mise en place d’un groupe d’experts des Etats membres du Benelux le 20 janvier 2015, censé analyser la problématique liée aux restrictions territoriales de l’offre.
Etienne Schneider fait également état d’une rencontre le 23 janvier 2015 avec Elżbieta Bieńkowska, la commissaire européenne chargée du marché intérieur, qui "a découvert l'étendue du problème", selon le ministre cité par le journal. "Elle était même furieuse d'avoir à régler ce problème en 2015", a-t-il confié à la journaliste Geneviève Montaigu. Il rappelle qu’il avait déjà entrepris une initiative quand Michel Barnier était encore à ce poste : "Mais je dois l'avouer, il n'a rien fait", dit Etienne Schneider.
Pour rappel, la Commission européenne avait reconnu le problème dans son rapport annuel sur l’état d’intégration du marché intérieur dans lequel elle avait annoncé son intention d’étudier ce sujet en 2014, comme l’avait rappelé Etienne Schneider dans une réponse à une question parlementaire de Laurent Mosar en mai 2014. A cette réponse, le ministre avait joint une lettre du commissaire Michel Barnier qui "partage les interrogations du Luxembourg quant à la légitimité, au sein du marché intérieur, de pratiques et restrictions telles que celles décrites". Selon la lettre de Michel Barnier, la Commission européenne avait l’intention d'examiner, en 2014, la question des restrictions territoriales de l'offre. Par la suite, il était prévu d'organiser une rencontre des représentants du commerce de détail luxembourgeois avec la Commission européenne afin de mieux saisir les caractéristiques spécifiques des problèmes rencontrés, lit-on dans cette lettre.
Dans sa réponse, Etienne Schneider avait reconnu que le libre accès au fournisseur de leur choix, dans l'Etat membre de leur choix, est donc "souvent refusé aux entreprises implantées au Luxembourg". Il avait évoqué une "double pénalisation : en matière de prix de par l'impossibilité de s'approvisionner aux meilleurs prix et en matière d'offre de par la disponibilité limitée de produits". Il a également estimé que "ces conditions d'achat discriminatoires par rapport à des entreprises d'autres Etats membres situées seulement à quelques kilomètres de nos frontières sont contraires aux règles d'un marché intérieur équitable pour tous et faussent le jeu de la concurrence au détriment des entreprises luxembourgeoises".
Dans l’interview avec le Quotidien, le ministre estime que l’Etat a une marge de manœuvre limitée puisqu’il s’agit d’un "problème de contrat avec les négociants". "Soit on l'accepte, soit on n'a pas le produit. Pour une multinationale, cela n'a rien de dérangeant de donner le marché luxembourgeois à son revendeur belge qui le réclame», explique Etienne Schneider qui juge qu’il "existe un chantage et une pression inacceptables".
Le ministre exclut également toute action en justice. "Un procès ne sert à rien, car nous sommes libres de conclure un contrat sous les conditions que nous avons acceptées. Si ces conditions ne conviennent pas, on va ailleurs", résume-t-il. Vu que le prix des produits est alors plus élevé au Luxembourg, beaucoup de Luxembourgeois feraient leurs courses dans les pays voisins où ils dépenseraient "des milliards d’euros", déplore-t-il.
Pour le vice-président de la Confédération luxembourgeoise du commerce (CLC), Laurent Schonckert, qui est très engagé pour optimiser l’approvisionnement des entreprises luxembourgeoises, le problème est "plus subtil" puisqu’il s’agit "d’un rapport de force", selon ses propos rapportés par le Quotidien. Il a indiqué que les multinationales, interpellées par des ministres, se seraient contentées de répondre que "le marché est trop petit" et qu’il "n’est pas possible de changer les règles". Laurent Schonckert estime que d’autres petits pays sont concernés par le problème qui est dorénavant "politisé". Le vice-président de la CLC espère que le président de la nouvelle Commission va s’attaquer au problème : "C'est la première fois que l'on a une belle visibilité politique, et j'émets le vœu pieux que Jean-Claude Juncker puisse régler ce problème de marché intérieur", conclut-il.