Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne, a publié le 10 février 2015 pour la première fois des informations sur les engagements conditionnels et prêts improductifs des administrations publiques. Ces données ont été fournies par les États membres de l’UE dans le contexte du paquet législatif sur la gouvernance économique ("six pack"). Ils se rapportent à l’année 2013.
Les engagements conditionnels publiés comprennent
Eurostat explique que ces engagements sont dits “conditionnels” au sens où ils sont par nature uniquement potentiels et en aucun cas des passifs effectifs. Les prêts improductifs quant à eux pourraient se traduire en perte potentielle pour l’État si ces prêts n’étaient pas remboursés.
Cette nouvelle collecte de données constitue pour Eurostat "une étape supplémentaire vers une transparence accrue des finances publiques dans l’UE, en dressant un tableau plus complet des positions financières des États membres de l’UE."
Du fait de leurs caractéristiques, les données sont spécifiques à chaque pays et étroitement liées aux particularités nationales s’agissant de leur structure légale, financière et économique.
De plus, les données couvertes ne sont pas complètes pour tous les États membres. Ainsi, il est précisé pour le Luxembourg qu’en ce qui concerne les passifs des sociétés publiques, les données reportées n’incluent pas les passifs des entités contrôlées par l’État impliquées dans les activités financières.
De ce fait, insiste Eurostat, "les données publiées doivent être interprétées avec prudence".
S’agissant tout particulièrement des passifs des sociétés publiques, la comparabilité des données est très limitée du fait que, pour certains États membres, la donnée reportée n’est pas exhaustive, dans certains cas n’incluant pas les passifs des institutions financières et/ou les passifs des unités contrôlées par des administrations locales.
Plusieurs autres aspects doivent être pris en compte dans l’analyse des résultats des passifs des sociétés publiques. Tout d’abord, les données reportées pour les passifs des sociétés publiques ne sont pas consolidées, ce qui signifie qu’une partie des passifs de ces unités peut être contractée avec des entités appartenant au même groupe que ces sociétés. Cependant, les passifs entre unités du même groupe ne sont pas identifiables d’après les données reportées. Ensuite, la collecte de données concerne uniquement les passifs, sans les contrebalancer avec des actifs. Ceci est très important dans le cas des institutions financières qui détiennent habituellement des montants significatifs tant de passifs que d’actifs. En outre, pour certains États membres, la plupart des passifs reportés par les institutions financières concernent des dépôts.
Les garanties relèvent d’un contrat en vertu duquel un garant s’engage vis-à-vis d’un prêteur à compenser la perte que risque de subir celui-ci en cas de défaillance d’un emprunteur. Une garantie ponctuelle est définie comme étant individuelle/particulière, et pour laquelle les garants ne sont pas en mesure d’estimer précisément le niveau de risque correspondant. Les garanties ponctuelles sont liées à des titres de créances (par exemple des prêts, des obligations). Les garanties standard sont des garanties émises en grand nombre, généralement pour des montants relativement faibles, selon un schéma identique. Il n’est pas possible d’estimer avec précision le risque de défaut de chaque prêt. Il est en revanche possible d’évaluer combien d’entre eux vont faire défaut. Il s’agit par exemple de garanties de prêts hypothécaires, de prêts étudiants, etc.
Les partenariats public-privé (PPP) sont des contrats complexes de longue durée entre deux unités dont l’une est généralement une société (ou un regroupement de sociétés, publiques ou privées), appelée «opérateur» ou «partenaire», et l’autre une unité d’administration publique. Les PPP impliquent généralement une dépense en capital significative afin de créer ou de rénover des actifs fixes par la société, qui les gère et les exploite dans le but de produire et de fournir des services à l’unité publique ou au grand public pour le compte de l’unité publique. Un partenariat public-privé comptabilisé hors bilan de l’administration publique signifie que les actifs ne sont pas considérés comme détenus économiquement par l’État et que la formation brute de capital fixe n’est pas enregistrée comme dépense publique au moment où elle intervient. Le total des passifs (encours d’obligations) liés aux partenariats public-privé comptabilisés hors bilan des administrations publiques est exprimé en valeur ajustée des actifs. Il s’agit de la valeur contractuelle initiale du capital qui, au fil des années, est progressivement réduite par le montant de la “dépréciation économique” calculée sur la base d’estimations ou de données effectives. La valeur ajustée des actifs reflète ainsi la valeur actuelle de l’actif à un moment donné dans le temps. Le montant est censé refléter la formation brute de capital fixe et l’impact sur la dette dans le cas où l’État devrait acquérir les actifs pendant la durée du contrat.
Les passifs des entités contrôlées par l’État classées en dehors du secteur des administrations publiques (sociétés publiques) sont définis comme étant le stock de passifs pendants à la fin de l’année, basés sur les comptes des sociétés. Ces entités contrôlées par l’État ne sont pas classées au sein du secteur des administrations publiques du fait qu’elles se comportent comme des unités marchandes.
Prêts improductifs (actifs publics): un crédit devient improductif lorsque les paiements des intérêts ou du principal sont échus depuis au moins 90 jours, ou lorsque les paiements d’intérêts couvrant au moins 90 jours ont été capitalisés, refinancés ou reportés par accord, ou enfin lorsque les paiements sont échus depuis moins de 90 jours mais qu’il existe d’autres bonnes raisons (par exemple, le dépôt du bilan par le débiteur) de douter que les paiements seront effectués intégralement. Les données sont collectées en valeur nominale.
Toutes ces indications montrent à quel point les choses sont à manier avec prudence, comme le montrent les chiffres du Luxembourg et de ses voisins et plus proches partenaires.
Le Luxembourg, dont la dette publique est en 2013 de 23,6 %, affiche 7,72 % de son PIB en termes de garanties publiques, et 1,63 % de son PIB en termes de passifs des entités contrôlées par l’Etat et classées hors secteur des administrations publiques et par ailleurs le chiffre le plus bas de l’UE dans cette catégorie, soit en tout 9,35 % de son PIB en engagements conditionnels. Ces chiffres n’incluent pas les passifs des entités contrôlées par l’État impliquées dans les activités financières, précise Eurostat.
L’Allemagne, dont la dette publique est en 2013 de 76,9 %, affiche 18,22 % de son PIB en termes de garanties publiques et carrément 126,26 % de son PIB en termes de passifs des entités contrôlées par l’Etat et classées hors secteur des administrations publiques. S’y ajoutent 0,29 % de prêts improductifs. Elle arrive ainsi à des engagements conditionnels qui dépassent les 144 % de son PIB. Mais, comme une note le précise, les 126,26 % de PIB se réfèrent à la valeur des passifs tels que reportés dans les bilans à la fin de l’année 2012 et une quantité importante de passifs concerne les dépôts de banques publiques sous contrôle de l’État, contrairement à ce qui est le cas pour le Luxembourg.
La Belgique dont la dette publique est en 2013 de 104,5 %, affiche 13,29 % de son PIB en termes de garanties publiques, 0,15 % en termes de passifs liés à des partenariats public-privé (PPP) et 11,41 % en termes de passifs des entités contrôlées par l’Etat et classées hors secteur des administrations publiques, soit en tout 24,85 % de son PIB en termes d’engagements conditionnels. Au sujet de la Belgique, Eurostat note cependant que "la couverture du secteur des administrations locales n’est pas exhaustive" et que "les passifs des sociétés publiques impliquées dans les activités financières ne sont pas disponibles", ce à l’instar du Luxembourg.
La France, dont la dette publique est en 2013 de 92,2 %, affiche 5,53 % de son PIB en termes de garanties publiques, 46,90 % en termes de passifs des entités contrôlées par l’Etat et classées hors secteur des administrations publiques, soit en tout 52,43 % de son PIB. Pour la France, Eurostat note que "les données sur les garanties ne sont disponibles que pour l’administration centrale".
Les Pays-Bas, dont la dette publique est en 2013 de 68,6 %, affichent quant à eux 7,22 % du PIB en termes de garanties publiques, et carrément 107,15 % du PIB en termes de passifs des entités contrôlées par l’Etat et classées hors secteur des administrations publiques, et encore 0,70 % en termes de prêts improductifs, soit en tout 115,07 % du PIB en engagements conditionnels. Mais Eurostat doit aussi ici préciser qu’une quantité importante des passifs des sociétés publiques concerne les institutions financières sous contrôle gouvernemental et que "plus de la moitié du montant résulte de la nationalisation de deux institutions financières (en 2009 et 2013)".
Certains commentateurs, dont Stephan Lorz de la Börsen-Zeitung, ont été tentés, pour dresser un tableau plus complet des risques budgétaires des Etats membres, et donc d’additionner la dette publique officielle, les chiffres aléatoires car difficilement comparables des engagements conditionnels et la dette implicite calculée par la Stiftung Marktwirtschaft. Dans ce cas, le Luxembourg afficherait une exposition de 1052,95 % par rapport à son PIB, l’Allemagne une exposition de 301,9 %, la Belgique de 703,35 %, la France de 532,63 % et les Pays-Bas de 615,67 % par rapport à leur PIB. Mais il n’en reste pas moins que les chiffres de la Stiftung Marktwirtschaft sont très contestés, notamment au Luxembourg , et ceux des engagements conditionnels difficilement comparables.