Le vote de la commission de l’Environnement du Parlement européen sur une limitation à 6 % d’ici 2020 des biocarburants de première génération a suscité l’indignation d’une partie du secteur.
L’organisation agricole européenne Copa-Cogeca a condamné le 24 février 2015 le vote de la commission de l’Environnement du Parlement européen sur une limitation des biocarburants de première génération. Les eurodéputés veulent en effet plafonner les biocarburants de première génération - produits à partir de cultures alimentaires - à 6 % de la consommation énergétique finale dans les transports d'ici 2020, selon leur position en deuxième lecture sur un projet législatif visant à soutenir la transition vers des biocarburants avancés.
La Copa-Cogeca s’exprime en faveur d’une limite de 8 %. "Un plafond inférieur à 8 % pourrait miner les investissements dans les biocarburants de deuxième génération, qui font suite à ceux qui ont été réalisés dans les biocarburants de première génération et dans la bioéconomie en général", a déclaré Pekka Pesonen, secrétaire général du Copa-Cogeca, dans un communiqué. Pour l’organisation, la limite de 6 % "met en péril l'avenir de l'industrie européenne des biocarburants, avec pour conséquences potentielles la fermeture d'usines et une menace pour l'approvisionnement en aliments des animaux".
La Copa-Cogeca craint également que ce plafond ne conduise à une forte réduction de la surface européenne de colza, à des perturbations sur les marchés des céréales et du sucre, ainsi qu'à une réduction de la diversification des cultures. Le plafonnement des biocarburants de première génération empêcherait de rééquilibrer le déficit en protéines végétales de l'UE, met encore en garde la Copa-Cogeca qui craint aussi une sous-utilisation de la capacité de production, notamment dans les nouveaux États membres.
Les eurodéputés se sont également exprimés en faveur d’une prise en compte des "changements indirects de l'affectation des sols" (CIAS ou, en anglais, ILUC), ce que conteste la Copa-Cogeca. Pour rappel, le recours aux terres agricoles pour la culture de biocarburants réduit la surface disponible pour les cultures alimentaires ce qui favorise entre autres la déforestation dans le but de libérer davantage de terres afin de cultiver plus de denrées alimentaires.
Pour la Copa-Cogeca, les modèles utilisés comme base pour l'introduction de facteurs ILUC dans les rapports des fournisseurs de carburants aux États membres sont inadmissibles parce qu’ils ne sont pas étayés par des preuves scientifiques et parce qu’ils n’ont pas fait l'objet d'un accord au niveau international. "Si les facteurs ILUC venaient à être acceptés, cela contraindrait des installations de production de bioénergie à fermer leurs portes et la bioéconomie ne deviendrait jamais réalité", met en garde Pekka Pesonen.
L’industrie allemande des biocarburants (VDB) a critiqué dans un communiqué le fait que les eurodéputés "se laissent guider par le lobbying des ONG" contre les biocarburants au lieu de s’inspirer de "preuves scientifiques". Le vote de la commission ENVI contribuera à une augmentation de la consommation du pétrole après 2020, estime Elmar Baumann, directeur exécutif du VDB. D’autres conséquences d’une limitation des biocarburants de première génération sont, selon lui, une augmentation de l’importation du soja provenant d’Amérique latine, une dépendance énergétique accrue ainsi qu’une consommation plus importante des combustibles fossiles. Il insiste également sur le fait que l’emploi d’environ 220 000 personnes serait menacé. La prise en compte de l’ILUC mettrait en danger toute la production des biocarburants, estime le VDB puisque le calcul des émissions de gaz serait plus élevés pour les biocarburants que pour les carburants fossiles. Il évoque également un rapport du Conseil mondial du climat (IPCC), qui aurait évoqué des doutes sur la théorie des ILUC.
Le VDB est conforté dans ce point par Epure, l’Association européenne d’éthanol renouvelable, qui avait évoqué en avril 2013 les critiques de l’IPCC. En revanche, cette association salue le vote de la commission ENVI dans un communiqué daté du 24 février 2015, car celle-ci a "reconnu l’importance de l’éthanol, conventionnel et avancé, comme un carburant à faible intensité de carbone en réintroduisant un objectif minimal relatif aux énergies renouvelables (éthanol) dans le pétrole ainsi qu’un objectif contraignant pour les biocarburants avancés". Epure appelle tout de même le Conseil à introduire une limitation de 7 % pour donner "certitude et perspective" à l’industrie des biocarburants.