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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
A l’occasion d’une conférence-débat organisée par Déi Lenk, plusieurs représentants du Parti de la Gauche européenne ont analysé les implications européennes de la situation politique en Grèce
15-03-2015


A l’occasion d’une conférence-débat organisée le 15 mars 2015 en marge du Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté par le parti de gauche Déi Lenk, plusieurs représentants du Parti de la gauche européenne se sont penchés sur la situation politique actuelle en Grèce et ses implications européennes.

"Ce qui se passe en Grèce nous concerne tous", indique David Wagner

Image publiée par le parti Déi Lenk sur sa page Facebook le 16 mars 2015 pour témoigner de sa solidarité envers la Grèce"Ce qui se passe en Grèce nous concerne tous", a déclaré le porte-parole de Déi Lenk et futur député David Wagner en guise d’introduction. "Aujourd'hui, l’Europe se trouve dans une situation particulière depuis les élections en Grèce et grâce à nos amis grecs qui sont en train de changer la donne", a-t-il poursuivi. Selon lui, les "formations progressistes" qui s’engagent "pour un changement fondamental de la politique en Europe" le font d’autant plus "qu’il y a eu une forme de première secousse sur le Péloponnèse". "Tout va changer à partir du moment où ceux qui sont en haut ne peuvent plus et ceux qui sont en bas ne veulent plus", a souligné le porte-parole de Déi Lenk en citant le député Justin Turpel (Déi Lenk), avant de relever que "les Grecs ont déjà signalé qu’ils ne veulent plus".

"La guerre que nos camarades grecs sont en train de mener est une guerre pour la démocratie et les valeurs fondamentales", souligne Renato Soeiro

Pour Renato Soeiro, membre de la direction du Parti de la gauche européenne et du parti de gauche portugais Bloco de Esquerda, "ceux qui négocient avec la Grèce veulent faire passer" les désaccords avec le gouvernement grec "comme un conflit entre une UE neutre et institutionnelle et un parti de gauche". Or, selon lui, les institutions européennes ne sont pas neutres, car "c’est la droite conservatrice qui gouverne l’UE depuis des années, qui gouverne l’Allemagne et qui a aussi gouverné la Grèce". Dans ce contexte, Renato Soeiro se pose la question de savoir si "le système européen" peut comporter et admettre des différences dans le cadre des élections nationales, faute de quoi, l’UE "ne peut pas être démocratique". "Les conséquences des élections en Grèce sont un vrai test pour la démocratie européenne", a-t-il ainsi indiqué.

Le militant portugais s’est ensuite étonné du fait que les négociations avec la Grèce soient abordées d’une manière "purement intergouvernementale". "On ne voit que des litiges entre protagonistes", a-t-il dénoncé. "Où sont passées la méthode communautaire dans ce combat ?", s’est-il demandé.

Quant au fait que le parti de la Gauche européenne soit "caractérisé comme un parti antisystème", Renato Soeiro indique qu’"il faut d’abord définir ce qu’est le système de l’UE". "Si le système se définit par la continuation de la domination des marchés, bien sûr que nous sommes antisystème", a-t-il ainsi indiqué. Mais s’il se définit par "les formulations que l’on peut trouver dans les articles 1,2 et 3 du Traité sur l’Union européenne, qui inclut la protection sociale, nous pouvons affirmer que ce sont les dirigeants de l’UE qui sont en train de détruire le système", a souligné Renato Soeiro. A ses yeux, c’est la droite conservatrice qui "est antisystème par dedans", et qui est "en train d’ouvrir la porte" à "la droite antisystème par dehors", à savoir l’extrême droite. Pour lui, le programme de la gauche européenne n’est ni "irréaliste", ni "révolutionnaire", ni "irréalisable", mais il contient "des mesures sociales du même type que celles qui avaient été promues dans les années 60" en se penchant sur "les conditions pour que ces mesures puissent être mises en œuvre".

Enfin, Renato Soeiro indique que "l’Europe est aujourd’hui plus riche que dans les années d’après-guerre", si bien qu’à ses yeux, "il n’y a aucune raison économique pour que l’état social ne soit pas aujourd’hui viable, et ce beaucoup plus qu’à l’époque où il a été construit". Ce qui manque selon lui, ce sont les conditions politiques, et non les conditions économiques. De son point de vue, les programmes d’austérité n’auraient réussi à payer "aucune dette", mais auraient plutôt atteint leur véritable objectif – celui de "détruire le modèle social européen".

Carlos Portomeñe indique qu’en Espagne, la société "s’identifie avec les objectifs de la gauche grecque"

Pour l’Espagnol Carlos Portomeñe, membre de la direction d’Izquierda Unida et du Partido Comunista de España, le changement politique qui a eu lieu en Grèce peut constituer "le préambule d’un changement politique qui peut avoir lieu en Espagne" au cours des prochaines élections législatives prévues pour novembre 2015. Le militant espagnol explique que l’Espagne traverse actuellement une crise sociale et structurelle profonde et "qui se manifeste dans tous les pans de la vie économique, sociale, institutionnelle et culturelle du pays". A ses yeux, les politiques d’austérité ont échoué en Espagne, sachant que le taux de chômage en Espagne dépasse les 23 %, et que la dette publique espagnole "dépassera cette années les 100 % du PIB", alors qu’en 2007, "elle n’atteignait que 37 % du PIB». Dans ce contexte, Carlos Portomeñe critique la politique menée par le gouvernement Rajoy qui consiste à avoir pour priorité "le paiement de la dette". "Alors que nous nous trouvons dans une situation d’urgence sociale, le gouvernement Rajoy donne une fausse impression de reprise qui n’a rien à voir avec la réalité de la situation de la population", a signalé Carlos Portomeñe. "Notre société s’identifie avec les objectifs de la gauche grecque", a-t-il souligné.

Pour Fabio Amato, les élections en Grèce représentent "une chance"

En commentant les dernières élections législatives en Grèce, l’Italien Fabio Amato, membre de la direction du Parti de la gauche européenne et de Rifondazione Comunista, s’est félicité de "la décision du peuple grec de regagner la démocratie, la souveraineté, et la dignité". Pour lui, les mesures d’austérité qui ont été mises en place en Grèce ont été la source d’un "désastre humanitaire". Elles auraient également prouvé leur échec dans d’autres pays européens, par exemple l’Italie, où en quelques années, "la dette publique est passée de 110 à 130 % du PIB", et où le taux de chômage a augmenté. Les élections en Grèce traduisent selon lui "une possibilité d’issue sociale" et constituent "une chance, non seulement pour les Grecs", mais pour tous les partis de gauche. "Voilà pourquoi nous avons décidé de créer une campagne commune, qui s’intitule ‘alliance anti-austérité’ (AAA), dont le sigle rappelle les notations financières", a déclaré Fabio Amato. L’objectif est d’unir les partis politiques de gauche et les mouvements sociaux, "non seulement pour exprimer sa solidarité envers les Grecs, mais pour combattre avec le peuple grec", a-t-il indiqué.

Pour Giorgos Chondros, la Grèce a été utilisée comme "cobaye" pour "tester combien un peuple peut supporter les mesures d’austérité"

Pour Giorgos Chondros, membre du comité central de Syriza, la Grèce a été utilisée comme "cobaye" pour "tester combien un peuple peut supporter les mesures d’austérité". Mais, estime-t-il, les Grecs ont réagi et, à travers l’élection de Syriza, ils ont retrouvé leur dignité. Mais, raconte-t-il, au lendemain des élections, "les élites européennes ont décidé de ne pas nous donner une seconde de temps". "Toutes ces élites, qui pratiquent une politique néo-libérale et d’austérité, ne veulent pas donner de chance à Syriza de réussir les négociations", car "si Syriza réussit, il y aura une discussion au niveau de toute l’UE pour mettre fin à la politique d’austérité, et c’est ce qu’ils veulent éviter", a souligné Giorgos Chondros. Par ailleurs, il dénonce le fait qu’à l’Eurogroupe, "chaque ministre des finances négocie non seulement pour la zone euro, mais aussi pour défendre les intérêts de son propre pays". Pour lui, les divergences entre la Grèce et l’UE ne sont pas d’ordre économique, mais elles sont politiques, car il s’agit de décider s’il faut "continuer cette politique d’austérité qui mène à une redistribution du bas vers le haut" ou s’il faut "faire des politiques qui inversent cette redistribution".

En outre, Giorgos Chondros explique que les programmes de sauvetage "censés sauver les Grecs" ont contribué "à ce que la dette publique augmente davantage". A ses yeux, pour produire un changement de la politique de l’UE, il faut à présent que "des alliances entre partis de gauches" avec les syndicats et les mouvements civils se forment dans toute l’UE. En outre, il appelle les gauches d’Europe "à se renforcer dans leur propre pays", afin qu’un "véritable changement de rapports de force" puisse avoir lieu qui puisse "mettre fin à la politique d’austérité en Europe".

Pour Francis Wurtz, Syriza a ouvert "une brèche dans la forteresse libérale de l’Europe" que les dirigeants européens "entendent refermer"

Pour Francis Wurtz, membre du Parti communiste français, ancien eurodéputé et ex-président du groupe de gauche GUE/NGL au Parlement européen, la victoire de Syriza est "la concrétisation" de l’affirmation du Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, pour qui "cette Commission est la Commission de la dernière chance". Dans un contexte où "l’actuel modèle de l’UE" souffrirait d’une "crise de légitimité", la victoire de Syriza constitue selon lui "un défi existentiel" pour les dirigeants européens. Syriza a ouvert "une brèche dans la forteresse libérale de l’Europe" que les dirigeants européens "entendent refermer", estime le militant communiste français. A ses yeux, il est important "d’arrêter la politique d’austérité" qui, selon lui, est "le fondement même de la politique actuelle de l’UE", afin de remettre "l’humain" au centre des préoccupations politiques, et favoriser "une transition sociale et écologique". En outre, a-t-il plaidé, il faudrait "renverser les critères d’utilisation de l’argent", afin de garantir que "l’argent créé par les gouverneurs de la Banque centrale européenne" puisse servir à aider les Etats et à permettre de fixer "des priorités sociales et écologiques". Enfin, toute comme Giorgos Chondros, il souligne l’importance de "mener des initiatives dans les pays respectifs" en vue d’atteindre "un changement des rapports de force" et "d’élargir la brèche".