Le Secrétaire général de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement économiques), Angel Gurrìa, s’est rendu à Luxembourg le 27 mars 2015 pour y présenter le rapport de son organisation sur la situation de l’économie du Luxembourg. Si le message a été positif à tous égards – le Luxembourg étant une "success story qu’il faut continuer"-, l’organisation a formulé quelques recommandations, notamment en matière de diversification de l’économie, de Recherche & Développement (R&D), d’éducation ou encore de travail des femmes.
Angel Gurrìa a commencé par dresser un brillant tableau de la situation économique du Grand-Duché, un des "pays les plus prospères de l’OCDE". Le PIB par habitant luxembourgeois est le plus élevé des pays de l’OCDE (près de 70.000 USD en 2012) et le niveau de bien-être est lui aussi très encourageant, a noté le Secrétaire général. De plus, la croissance économique du Luxembourg se situe bien au-dessus de la moyenne européenne, a-t-il poursuivi, avant d’indiquer que le pays a su bien se remettre de la crise économique et qu’il est aujourd’hui bien placé pour tirer parti de la baisse du prix du pétrole, et d’un euro toujours plus compétitif.
Cependant, le Luxembourg fait face à certains défis qu’a tenu à mentionner Angel Gurrìa. En effet, avec un secteur financier qui représente 27 % du PIB (un niveau bien supérieur à celui de la Suisse (10,5 %) ou du Royaume-Uni (8,25 %)), l’économie luxembourgeoise dépend fortement du secteur financier, ce qui rend le pays vulnérable à moyen terme. "C’est un environnement qui change rapidement et le Luxembourg doit rester compétitif pour assurer sa stabilité financière", a commenté le Secrétaire général qui a ensuite formulé des recommandations afin de renforcer la performance du secteur financier. L’OCDE préconise à ce titre de continuer à surveiller le risque financier de manière à assurer aux investisseurs que le pays maintiendra son niveau de risque au minimum. Il a également insisté sur la nécessité de continuer à coopérer avec les autorités de régulation et les autres juridictions à l’extérieur de l’UE.
En matière de Recherche & Développement (R&D), l’OCDE invite le Grand-Duché à "exploiter toutes les possibilités de coopération avec l’Université du Luxembourg", ce qui permettra de relancer la productivité. Angel Gurrìa a d’ailleurs pointé le fait que le Grand-Duché coopère actuellement davantage avec des entreprises et des centres de recherche étrangers qu’avec de ses entreprises ou centre de recherche nationaux.
En ce qui concerne l’éducation, le Secrétaire général a déploré le fait que 35 % des élèves redoublent dans le secondaire, ce qui peut leur faire perdre jusqu’à deux années de leur vie. Cela fait du Luxembourg le deuxième plus mauvais élève en matière de taux de redoublement après la Belgique, a-t-il indiqué. L’OCDE appelle donc le pays à faire de la politique de l’éducation "une priorité" et à diminuer le taux de redoublement.
Enfin, Angel Gurrìa a conclu sa liste de recommandations en évoquant la situation du travail des femmes. Le taux d’activité féminine se situe 5 % en-dessous de la moyenne européenne et "le pays ne peut pas se le permettre", a-t-il indiqué.
Puis, avant de laisser la parole à Pierre Gramegna, ministre des finances du Grand-Duché, Angel Gurrìa a tenu encore une fois à "féliciter le gouvernement luxembourgeois pour la bonne tenue de l’économie du pays", tout en avisant au Grand-Duché à continuer à "réformer les réformes pour rester compétitif".
Tout en tentant de répondre aux problèmes et défis posés par le Secrétaire général de l’OCDE, Pierre Gramegna a affirmé que le Luxembourg prenait ces recommandations "très au sérieux".
Débutant lui aussi par un tableau général de la situation économique du pays, Pierre Gramegna a indiqué qu’il "partageait le constat de l’OCDE" selon lequel le Luxembourg s’est bien sorti de la crise, tout en rappelant que le niveau de croissance du pays était d’environ 3 % depuis 2014, après 4 à 5 ans de stagnation. A cet égard, le ministre n’a pas hésité à pointer le "problème du chômage structurel assez élevé" qui se situe autour de 7 %. "Traditionnellement, c’est élevé" a-t-il dit. Mais il n’a pas manqué de rappeler que la "sortie de crise est aussi due au fait que les finances publiques sont en bon ordre", mentionnant les "efforts très importants" qui avaient été faits en 2014 pour "retrouver l’équilibre des finances publiques". Pierre Gramegna s’est également félicité que le niveau d’endettement du Luxembourg allait rester en-dessous de 30 % du PIB (alors que la moyenne européenne se situe aux alentours de 100) et que le pays avait "consolidé le triple A avec de bonnes prévisions pour l’avenir".
Le ministre s’est ensuite penché sur la question de la transparence en matière fiscale, encouragée par l’OCDE et le G20, mentionnant que le pays "embrassait cette approche sans hésitation" et qu’elle constituait une des "priorités" du nouveau gouvernement. Il a d’ailleurs indiqué qu’il voulait, d’ici à fin 2015, un "cadre de règles commun applicable partout" ("level playing field" en anglais).
Pierre Gramegna a ensuite fait un tour d’horizon de la santé de la place financière luxembourgeoise. Le ministre a commencé par rappeler que si la productivité du pays était élevée, c’était en partie parce que le centre financier "est très productif". Bien que ce dernier représente un quart du PIB, il ne génère que 11 % des emplois du pays, a fait savoir le ministre. Pierre Gramegna a ensuite indiqué que le bilan des six banques systémiques était en "bonne santé" et que le Luxembourg a réussi à diversifier sa place financière au fil des ans, d’une part grâce à la banque privée, aux fonds d’investissement et à l’assurance, et d’autre part en attirant des banques chinoises et en misant sur de nouvelles niches telles que la finance islamique ou le domaine de la FinTech. Enfin, le ministre s’est félicité que les députés luxembourgeois aient récemment donné leur feu vert au projet de loi visant à la création d’un comité de risque systémique qui sera chargé de la surveillance macro-financière de l’ensemble du système financier luxembourgeois.
En matière d’éducation, le ministre a reconnu que le taux de redoublement des élèves du secondaire était trop élevé et a indiqué vouloir "se départir d’une culture de l’échec et motiver les jeunes" en prenant exemple sur les systèmes éducatifs étrangers.
Au sujet de la R&D, Pierre Gramegna a fait savoir que les pouvoirs publics avaient "pris les recommandations très au sérieux" et que l’aide à la recherche avait "décuplé en 10 ans", passant de 30 millions d’euros en 2000 à 300 millions aujourd’hui. Le ministre entend également proposer davantage de synergies aux entreprises et mise à cet égard sur le centre de recherche de Belval.
Quant au travail des femmes, Pierre Gramegna a fait savoir que ce sujet avait fait l’objet de nombreuses discussions au sein du gouvernement en 2014 et que des mesures avaient déjà été prises pour encourager les femmes à travailler : le nouveau modèle de congés parental, visant à augmenter l’indemnité du congé parental et à flexibiliser les périodes de congé d’une part, et l’individualisation de l’impôt d’autre part. Ces deux réformes entreront en vigueur courant 2015.
Les données concernant la croissance verte n’ont pas été évoquées lors de la présentation du rapport le 27 mars 2015. Elles sont pourtant très révélatrices. Le rapport de l’OCDE indique en effet que le Luxembourg a la plus forte empreinte carbone par habitant de tous les pays européens. En 2012, les émissions de CO2 du pays étaient encore de 20 % au-dessus de l’objectif fixé par le protocole de Kyoto, bien qu’elles aient diminué de 8 % par rapport à l’année de référence (1990).
Le Grand-Duché est également à la traine en ce qui concerne la production d’énergies renouvelables. En 2012, les énergies renouvelables ne représentaient au Luxembourg qu’environ 3,5 % de l’énergie totale produite alors que la moyenne de l’OCDE s’élevait à 8 %.
Afin de réduire ses émissions de CO2, l’OCDE recommande au Grand-Duché de continuer à investir dans les infrastructures de transports publics, d’étudier la possibilité de mettre en place des zones à péage et d’augmenter les taxes sur le pétrole et le diesel afin d’éliminer les différences de prix avec les pays voisins.