Le 13 décembre 2012, deux économistes de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Andrew Dean et Jean-Marc Fournier, ont présenté au Centre culturel de rencontre Abbaye de Neumünster la nouvelle mouture de l'étude économique du Grand-Duché de Luxembourg que l'institution réalise tous les deux ans. Cette édition est notamment placée sous le signe de la croissance inclusive et durable et s'intéresse ainsi aux dimensions économiques, sociales et environnementales de la politique nationale.
En guise d'introduction, l'économiste Andrew Dean a d'abord rappelé la spécificité de l'économie luxembourgeoise par rapport aux autres Etats membres de l'OCDE : sa première place pour ce qui est du PIB par habitant, l'importance de sa place financière, l'existence de trois langues administratives et la grande part de frontaliers par rapport à l'ensemble de la population active.
Andrew Dean a ensuite constaté qu'"étant donné l'ampleur de la crise économique et son origine financière, le Luxembourg a bien traversé cette crise et ce malgré un chômage important". L'emploi dans les activités financières a continué à progresser, en profitant des entrées de capitaux dans le secteur de la gestion d'actifs. La part de marché du secteur des organismes de placement collectif a progressé de deux points de pourcent durant la crise. Ces organismes détiennent actuellement des actifs de plus de 2 000 milliards d'euros, soit un tiers environ des actifs des fonds de placement dans la zone euro.
L'OCDE prévoit pour le Luxembourg une croissance de 1,2 % en 2013 et de 2 % en 2014, supérieure à la moyenne pour les pays de l'OCDE (1,3 % en 2014). Cette croissance est toutefois "insuffisante" pour résorber le chômage qui atteindra 6,6 % en 2013 et 6,7 % en 2014. Ce chômage a notamment pour particularité d'être constitué à 40 % de chômeurs de longue durée, "en raison de la forte concurrence exercée par les travailleurs frontaliers et des faibles incitations à travailler dans le système social", lit-on dans l'étude.
Andrew Dean s'est ensuite attaché à décrire le "cadre solide" dans lequel l'économie luxembourgeoise peut acquérir une croissance durable. Le premier des défis auxquels est confronté le Luxembourg est la crise de la zone euro et sa récession, qui fait que des pans entiers du secteur financier sont "fragiles".
La dépendance du pays vis-à-vis des décisions européennes, est une arme à double tranchant pour Andrew Dean. "Ce pourrait être bon pour Luxembourg, ce pourrait être mauvais, c'est vraiment incertain".
"Une supervision financière efficace est indispensable, à la fois pour assurer la stabilité financière et pour protéger la réputation du centre financier", considère l'étude de l'OCDE. "Les changements en cours dans le cadre de surveillance européen et international devraient contribuer à rendre plus résistants le système bancaire et financier ainsi que ceux avec lesquels il interagit." Ainsi, la création des Autorités de supervision européennes donnerait aux régulateurs nationaux "beaucoup plus de facilités" pour évaluer la situation des sociétés des entités locales et la position globale des groupes.
De même, la place financière luxembourgeoise aurait un intérêt au développement d'un cadre intégré de l'UE pour la résolution des défaillances bancaires et la protection des dépôts transfrontaliers. Ils "modifieraient profondément et réduiraient vraisemblablement les risques budgétaires et financiers du Luxembourg".
Quant au développement du secteur, la future directive de l'UE sur les gestionnaires de fonds alternatifs pourrait approfondir le marché européen pour ces instruments de placement et, par conséquent, "offrir de nouvelles opportunités aux centres financiers attrayants pour ces activités".
L'OCDE note que l'inflation enregistrée durant ces années de crise n'est pas seulement due à une forte demande, mais davantage à une augmentation des coûts unitaires de main-d'œuvre, à laquelle l'indexation automatique des salaires a participé à quatre reprises entre mars 2009 et octobre 2012. "Le système d'indexation des salaires et le salaire minimum devraient être revus pour faire en sorte qu'ils ne présentent pas de risque pour la compétitivité, notamment en supprimant les rigidités à la baisse", lit-on dans l'étude.
L'OCDE va plus loin en plaidant pour que l'actuel système automatique d'indexation soit "remplacé au fil du temps par un système de détermination des salaires plus étroitement relié à la productivité afin d'assurer la préservation de la compétitivité". Dans la même optique, il y aurait lieu de veiller à ce que le salaire minimum n'augmente pas autant que les salaires moyens.
L'excès de réglementation se fait sentir notamment sur les marchés de produits et affaiblissent la concurrence, juge l'OCDE qui recommande d'"encourager la concurrence en supprimant les obstacles administratifs inutiles, y compris pour les services professionnels, les notaires, les pharmacies, le commerce de détail et les taxis". La transposition, en 2011, de la directive européenne sur les services et la nouvelle loi sur le droit d'établissement ont eu des effets positifs.
Andrew Dean fait remarquer que le déficit du Luxembourg n'est pas plus élevé que celui des autres pays, de même pour le niveau d'endettement. Mais il attire l'attention sur le fait que les dépenses publiques, en pourcentage du Revenu national brut, sont les plus importantes au Luxembourg.
"Le problème sous-jacent reste la progression excessive des dépenses courantes", dit l'étude qui déplore qu'aucune mesure d'assainissement n'a été prévue dans le budget de 2012. "Une grande partie de la progression des dépenses est due à des postes augmentant de façon autonome en raison de l'indexation ou d'autres ajustements non discrétionnaires." Parallèlement les recettes sont "peu dynamiques".
Les recommandations en la matière consistent en la mise en œuvre du plan d'assainissement budgétaire prévu dans le Programme de stabilité (LIEN), et dans une programmation à moyen terme. L'OCDE propose également, entre autres, une budgétisation axée sur les résultats et la réalisation d'analyses coûts-bénéfices mais elle s'attarde surtout sur la plus grande menace qui pèserait à termes sur les finances publiques, à savoir le système de pensions.
C'est donc surtout le système de pensions dû au vieillissement de la population qui pèserait sur la soutenabilité de ces dépenses. La donnée particulière pour le Luxembourg réside dans "les distorsions de la structure démographique des travailleurs frontaliers".
Avec le départ en retraite des frontaliers qui, pour l'heure, forment "beaucoup de cotisants mais peu de retraités", "le régime des pensions va devenir déficitaire", prévient Andrew Dean. Et la réforme en cours ne suffira pas à stopper cette glissade. Sans réformes, les coûts liés au vieillissement augmenteraient de 17, 1 % du PIB d'ici à 2060. La réforme actuelle réduira certes cette augmentation à 10,5 % du PIB, mais cela restera "la plus grande augmentation de l'Union européenne".
Alors que "beaucoup de pays s'attaquent déjà à ce problème", l'OCDE délivre trois recommandations pour réformer le système des pensions : lier l'âge du départ à la retraite à la longévité croissante, réduire les incitations à la préretraite et modérer les hausses de pension.
A la suite d'Andrew Dean, l'économiste Jean-Marc Fournier a ensuite pris la parole pour aborder les enjeux de la cohésion sociale et de la croissance verte. "Les politiques structurelles ne doivent pas seulement suivre des objectifs de croissance économique mais chercher une croissance inclusive", a-t-il d'abord déclaré.
Analysant le degré de cohésion sociale du pays, l'économiste pose ce qu'il qualifie de "question centrale" : "Il y a une croissance importante des inégalités au Luxembourg. Tout le monde n'a pas profité de la même façon de la croissance. Ces questions peuvent devenir plus cruciales alors que la croissance est plus faible qu'avant", a-t-il dit, avant d'appeler à "réformer la façon dont les transferts sociaux sont organisés" pour mieux réduire la pauvreté.
En effet, la pauvreté relative a augmenté. "Il y a vingt à trente ans, les inégalités étaient très faibles mais depuis on observe leur augmentation régulière." Entre le premier décile le plus riche de la population et celui le plus pauvre, l'OCDE observe une différence de croissance de 1,5 point de pourcent par an depuis lors. Les catégories les plus touchées sont formées par les jeunes, les moins qualifiés (21 % d'entre eux sont exposés au risque de pauvreté), les familles monoparentales (50 %), les étrangers (23 % pour la catégorie des citoyens portugais). Même s'il y a eu ces deux dernières années, "un reflux de la précarité", le taux de risque de pauvreté repassant sous la barre des 14 %, "ces choses-là ne sont pas acceptables", tonne l'économiste.
"La réforme fondamentale se situe dans l'amélioration du système éducatif en focalisant les efforts sur les populations plus modestes qui ont des résultats très faibles."
L'étude de l'OCDE menée en 2006 avait déjà souligné la nécessité de réformer le système éducatif. "Depuis, les enquêtes PISA se répètent et les résultats sont toujours les mêmes", fait remarquer Jean-Marc Fournier. En l'occurrence, ils sont "très faibles et à mettre en regard avec le niveau de richesses très élevé du pays".
Il faudrait par exemple réformer l'enseignement secondaire de manière à ce que "ceux qui ont le plus de difficultés aient le plus de chances de réussir à s'adapter". Si on considère les résultats du quart de la population la plus défavorisée, le Luxembourg présente des résultats qui le mettent en antépénultième position dans le classement de l'OCDE, aux côtés du Chili. "Beaucoup d'élèves étrangers doivent composer avec un système trilingue.
L'OCDE identifie deux dispositifs qui défavorisent les plus modestes. D'une part, il y a une orientation trop précoce, pour laquelle "les parents de milieux défavorisés n'ont pas les mêmes moyens de peser sur les choix d'orientation". Elle "verrouille généralement très tôt les choix professionnels et réduit la mobilité sociale", dit l'étude. L'OCDE propose ainsi de porter de 12 à 16 ans l'âge de l'orientation des élèves par filière.
De l'autre côté figurent les nombreux redoublements "à la fois coûteux et inefficaces". "Ce fort taux de redoublement pénalise sans doute particulièrement les élèves issus d'un milieu défavorisé dont les parents sont moins bien informés et probablement moins bien armés pour éviter cette issue." Alors qu'il y a une volonté de l'école primaire de limiter les redoublements, depuis la réforme réalisée par le gouvernement, le secondaire devrait lui embrayer le pas, recommande l'OCDE.
Pour adresser le problème de la pauvreté, l'OCDE recommande de revoir le système de transferts sociaux qui aurait tendance à aider ceux qui n'en ont pas besoin plutôt que de se concentrer sur les catégories les plus fragiles.
Il faudrait "augmenter le ciblage des transferts". L'OCDE prend l'exemple des prestations familiales. Le Luxembourg a les plus élevées parmi les membres de l'OCDE. Ces prestations universelles représentent un investissement de près de 4 % du RNB. Elles devraient être mieux allouées, vers ceux qui en ont le plus besoin comme les familles monoparentales. Le Luxembourg avait déjà fait un pas dans cette direction en créant le bonus enfant, lequel a remplacé une déduction d'impôts qui donnait plus d'argent à ceux qui payaient le plus d'impôts. "Il faut aller encore un peu plus loin et oser réduire les prestations pour les plus aisés", dit Jean-Marc Fournier.
On retrouve de mêmes faveurs aux plus aisés dans certaines mesures fiscales. "De nombreux dispositifs publics profitent aux plus aisés de manière disproportionnée", poursuit ce dernier. Il prend cette fois l'exemple des réductions d'impôts pour les intérêts d'emprunt. Ceux-ci, au lieu de faciliter l'accès au logement, profitent finalement aux propriétaires, dans la mesure où l'offre n'augmente pas pour s'aligner sur une demande que cette mesure est censée stimuler.
De même, "les revenus du travail sont plus taxés que ceux du capital". Les avantages fiscaux liés à l'assurance-vie ne seraient pas justifiés dans la mesure où l'assurance-vie resterait un placement prisé en l'absence de ces réductions. "Les abattements sur les revenus du capital bénéficient aussi de manière disproportionnée davantage aux riches car les revenus du capital sont concentrés à l'extrémité supérieure de la distribution des revenus", lit-on dans l'étude
Enfin, dans les aides aux études supérieures, là aussi, certains aménagements sont à faire. Avec la réforme introduite par le gouvernement en 2010, "le financement public n'est pas ciblé". L'OCDE suggère un système "à l'australienne", selon lequel les montants de prêts à rembourser à la fin du cursus sont indexés sur les revenus perçus dans son travail par l'ancien étudiant. De la sorte, "les milieux modestes prennent un risque mesuré" en accédant à l'enseignement supérieur. Une autre option consiste à "coupler des frais d'université plus élevés avec des bourses davantage étoffées pour les étudiants issus de familles modestes". Or, au lieu de cela, "le système actuel donne davantage en moyenne à des familles aisées" bien qu'il y ait des inégalités criantes telles que le "lien entre le niveau d'éducation des parents et les chances de l'enfant d'entrer à l'université" le révèle.
L'OCDE explore de nombreuses facettes de la lutte contre la pauvreté. Et le retour sur le marché du travail pour les personnes qui en sont exclues constitue un point important. L'étude attribue la hausse du taux de chômage, qui a atteint 6,1 % en septembre 2012, "à l'interaction du marché de la baisse tendancielle de certaines activités économiques, à des institutions du marché du travail mal conçues et inefficaces qui amoindrissent les incitations au travail et à l'offre de travailleurs transfrontaliers prêts à accepter des emplois à un plus bas salaire que les résidents nationaux."
"L'absence d'incitations à travailler et l'absence de soutien pour trouver un emploi" sont les principaux obstacles pour ces derniers. Pour ce qui est de la pertinence de mettre en place des mesures incitatives, l'OCDE explique : "Les chômeurs sont généralement peu qualifiés et ne sont guère incités à reprendre une activité. Les allocations chômage généreuses pourraient être progressivement supprimées pendant la période de chômage, à l'instar de ce que font nombre d'autres pays de l'OCDE." Parallèlement, "le durcissement des conditions d'attribution des indemnités de chômage aux jeunes les inciterait davantage à se mettre à acquérir une expérience professionnelle."
Etant donné que 40 % des chômeurs sont dans cette situation depuis plus d'un an, beaucoup sont bénéficiaires du Revenu minimum garanti, à la réforme duquel l'OCDE appelle. Pour cause, "il faut à la fois bien cibler les prestations mais il est aussi fondamental que la conception des dispositifs soit intelligent, subtile pour ne pas réduire les incitations." Or, le RMG est conçu de manière à ce que "le fait de travailler plus ne rapporte pas davantage". Un célibataire avec deux enfants gagne autant avec le RMG et une activité à mi-temps qu'avec une activité à plein-temps. Le "mécanisme d'immunisation", qui veut qu'une partie de l'indemnisation d'inactivité soit conservé en cas d'activité à temps partiel, doit être revu pour couvrir toute la gamme des revenus.
Parallèlement, les dispositifs d'aides au retour à l'emploi existants devraient faire l'objet d'une analyse pour identifier quelles sont, par exemple, les formations qui fonctionnent le mieux. "Si les incitations sont mieux conçues, il y aura beaucoup moins de gens qui vont basculer dans ce genre de situations où ils sont soutenus par le RMG", a promis Jean-Marc Fournier.
L'étude énumère également quelques pistes qui seraient à même de créer de l'emploi par le renforcement de l'adaptabilité du marché du travail : le relèvement du seuil en vigueur en matière de licenciement collectif, raccourcir le délai de préavis, réduire le montant des indemnités de licenciement et prolonger la période d'essai.
L'OCDE soulève les problèmes du prix du logement qui "augmente beaucoup plus que les revenus". Cette situation ne permet d'ailleurs pas d'écarter la possibilité d'un "choc immobilier" qui pourrait avoir des conséquences non négligeables pour le secteur bancaire. Pour cette activité, les banques du pays sont tournées vers le marché intérieur. Ainsi, "l'incidence de toute évolution intérieure négative serait beaucoup plus marquée dans le contexte d'un environnement extérieur peu dynamique ou d'une modification sensible des perspectives dans les principaux domaines d'activité du Luxembourg", note l'étude.
Pour faire chuter les prix, l'OCDE propose d'agir sur l'offre "en durcissant l'imposition foncière" alors que, pour l'heure, "les taxes foncières extrêmement faibles tendent à encourager la rétention de terrains".
Par ailleurs, l'OCDE désapprouve la politique de logement social. "Aucun seuil de revenu n'est fixé et les loyers sont inférieurs aux prix du marché même pour certains locataires gagnant plus que le revenu médian. " Dans ce contexte, "le remplacement du système actuel par des aides soumises à conditions de ressources rendrait la politique du logement plus équitable".
En matière de croissance verte, l'OCDE met l'accent sur deux aspects, explique Jean-Marc Fournier. Il y a d'abord l'amélioration de l'offre de transport public accompagnée de l'augmentation des taxes sur l'essence et le gazole "pour faire évoluer la façon dont les Luxembourgeois se déplacent, alors qu'un nombre considérable de transports sont effectués en voiture".
Car, rappelle l'OCDE, en termes d'émissions de CO2, le Luxembourg présente des valeurs extrêmes parmi les pays européens. "C'est relativement décevant quand on pense que, dans le même temps, vous avez eu progressivement une réduction de la part de l'industrie et une augmentation progressive des services financiers, par nature moins émetteurs de gaz à effet de serre", a déclaré Jean-Marc Fournier. Cela s'explique par le fait que la part du transport routier et les ventes de carburant aux non résidents ont augmenté considérablement. La voiture constitue ainsi 85 % des transports motorisés au Luxembourg, soit un "taux extrêmement élevé".
Pour remédier à ce taux exorbitant, dû en partie au tourisme à la pompe, il faut mener un ensemble de politiques qui "permettent aux Luxembourgeois d'avoir le choix". D'une part, il faut augmenter l'offre de transport public. Certes, il faut maîtriser voire les dépenses de fonctionnement d l'Etat, mais en même temps "il faut réussir à ne pas sacrifier des investissements qui sont essentiels notamment dans le transport public". "C'est difficile car il est beaucoup plus facile pour un gouvernement de supprimer les projets d'investissement que de réduire en profondeur ses dépenses de fonctionnement", fait remarquer l'économiste de l'OCDE. Il faut ainsi créer des marges de manœuvre pour augmenter l'offre de transport public. Dans ce contexte, "la construction d'un tramway est fondamentale".
L'OCDE propose également l'alignement des prix du carburant au Luxembourg sur les prix des pays voisins, afin d'agir sur le choix des citoyens. Il faut ainsi "encourager les gens à ne pas utiliser leur voiture sur des trajets très courts et à choisir des véhicules plus économes en carburant". "Il y a une certaine externalité, un coût que toute la société doit porter. Or il faut l'internaliser par le système de taxation."
L'autre élément de la réflexion s'intéresse à la politique de l'urbanisme, à la réforme de laquelle les services de l'aménagement du territoire travaillent actuellement. L'enjeu est de "réformer la loi sur l'aménagement du territoire" ou encore la manière dont sont alloués les permis de construire. Il faut "regarder aussi l'étalement urbain qui fait que les gens n'ont pas d'autre choix que d'utiliser leur voiture".
Le flux constant de frontaliers et de nouveaux immigrés requiert une "politique volontaire". L'OCDE recommande ainsi de "prendre la politique de l'urbanisme à bras-le-corps pour concevoir une politique avec l'objectif de concentrer l'habitat sur quelques pôles urbains", ce qui permettrait de réduire considérablement le trajet domicile – travail.
Cette politique de l'urbanisme peut être améliorée par la simplification et l'accélération de la livraison des permis de construire. Il est aussi possible d'actualiser le calcul de la taxe foncière pour de meilleures incitations et de jouer sur l'augmentation de l'offre de logements. Enfin, l'OCDE propose de définir des zones d'urbanisation prioritaires.
Prenant la parole à l'issue de la présentation du rapport, le ministre de l'Economie, Etienne Schneider, a contesté la pertinence de plusieurs des propositions formulées par les économistes de l'OCDE.
Il s'est d'abord exprimé sur l'indexation automatique des salaires. Le ministre de l'Economie a déclaré que la réforme temporaire menée par le gouvernement, laquelle consiste en l'espacement minimum de douze mois entre chaque déclenchement d'une tranche indiciaire, donne de "la prévisibilité à l'économie et une certaine maîtrise de l'évolution des coûts salariaux pour les patrons". Il a ajouté qu'il n'y aurait "plus de réformes supplémentaires" durant le reste du mandat du présent gouvernement qui s'achèvera avec les élections législatives de 2014 et que des discussions interviendront à ce moment. Il a aussi fait remarquer que l'indexation constituait "un moyen important au Luxembourg pour garantir l'inclusion sociale".
Concernant la politique budgétaire, Etienne Schneider a tenu à mettre en avant "les efforts considérables" réalisés par le gouvernement pour réduire le déficit, qui devrait passer de 2 % du PIB en 2012 à 0,8 % en 2013. Tandis que les investissements en infrastructures et recherche et développement sont certes importants mais constituent surtout 4,3 % du PIB investis "dans l'avenir du Luxembourg".
Concernant la réforme du système de pension que l'OCDE demande "à chaque fois", celle entreprise par le ministre de la Santé constitue déjà pour Etienne Schneider un effort très important puisqu'elle permet de réduire de 7 points de pourcent le défaut de rentabilité du système actuel à l'horizon de 2060. "Et je ne vous cache pas que d'ici 2060, il y aura d'autres réformes des pensions", a-t-il dit.
Le ministre de l'Economie a aussi relativisé la pertinence de l'idée de limiter les incitations à la préretraite. "On hésite car se pose alors le problème de l'augmentation du chômage".
Il a également rappelé qu'un Conseil de la concurrence venait d'être créé pour améliorer la situation en la matière.
Concernant l'égalité des chances par le système scolaire, il a rappelé l'existence de la réforme en cours de l'enseignement secondaire et constaté que "les choses bougent mais il y a beaucoup de résistance de la part des syndicats concernés". S'ajoute à cette bonne intention, les objectifs fixés dans le cadre du Programme national de réforme visant à réduire l'échec scolaire et augmenter le nombre de jeunes diplômés de l'enseignement supérieur.
Pour ce qui est de la cohésion sociale et la pauvreté, le ministre de l'Economie a rappelé le recul du risque de pauvreté cette année malgré la crise, à un taux inférieur de 14 % qui reste "inacceptable". Il a concédé que "le gouvernement va devoir réfléchir à une politique sociale plus sélective" et s'est dit "convaincu qu'on en rappellera dans les préparations du budget de l'Etat en 2014."
L'action du gouvernement en matière de croissance verte est déjà bien entamée, a déclaré le ministre de l'Economie, qui a également dans son portefeuille l'Energie. Ainsi a-t-il rappelé son engagement, formulé lors de sa prise de fonction, de doubler la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays à la fin du mandat gouvernementale. De même, un "pilier important" de la diversification de l'économie nationale consiste dans le développement des écotechnologies.
Par contre, pour ce qui est de l'augmentation des taxes sur l'essence et le gazole, le ministre la balaie d'un revers de main. D'une part, il doute de "l'efficacité" d'une telle mesure puisqu'elle ne ferait "que déplacer la consommation en dehors du Luxembourg", eu égard à l'importance du tourisme à la pompe. Ce phénomène qu'il préfère qualifier "d'exportation de carburant" constitue 10 % du PIB. "Je ne sais pas comment, dans une situation budgétaire difficile, on peut réduire ces recettes."
Etienne Schneider a cependant souligné que "beaucoup d'idées méritent la réflexion" et qu'il souhaite mener cette dernière avec les milieux concernés, les partenaires sociaux et la société civile. "Vous verrez que lors du prochain rapport, il y aura des améliorations certaines sur différents point", a garanti, pour conclure, le ministre de l'Economie.