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Economie, finances et monnaie
La Chambre des députés valide la création d’un Comité du risque systémique qui sera chargé de la surveillance macro-financière de l’ensemble du système financier luxembourgeois
18-03-2015


Les députés luxembourgeois ont donné leur feu vert au projet de loi créant un comité du risque systémique à l’occasion de la session plénière du 18 mars 2015. Ce projet de loi déposé par le gouvernement en février 2014 a été adopté avec 58 voix, seuls les deux députés du parti déi Lénk ayant affiché leur opposition.

La création de ce comité du risque systémique découle directement des suites de la crise financière qui a ébranlé le monde de la finance en 2008, avec toutes les conséquences qu’elle a eues sur l’économie mondiale, sans épargner le Luxembourg, comme l’a souligné le rapporteur, Eugène Berger (DP).Eugène Berger à la Chambre le 18 mars 2015

Le rapport De La Rosière commandité en 2009 par la Commission européenne avait pointé les lacunes en matière surveillance macro-prudentielle, l’approche exclusivement micro-prudentielle choisie pour la supervision du secteur financier n’ayant pas permis d’avoir la vue d’ensemble qui aurait pu permettre d’identifier les risques systémiques qui existaient, notamment en éclairant les relations d’interdépendance entre les institutions bancaires.

La création d’un Comité européen du risque systémique (CERS) a suivi de peu ces recommandations. Et cet organe de surveillance européen a émis en 2011 et 2013 des recommandations invitant chaque Etat membre à mettre en place une autorité nationale chargée de la surveillance macro-prudentielle.

Le comité du risque systémique que le Luxembourg met en place suite à ces recommandations aura pour mission de coordonner la mise en œuvre de la politique macro-prudentielle, laquelle a pour objectif de contribuer au maintien de la stabilité du système financier dans son ensemble, y compris en renforçant la résilience du système financier et en diminuant l’accumulation de risques systémiques, en assurant ainsi une contribution durable du secteur financier à la croissance économique. Son mandat couvre l’ensemble du système financier luxembourgeois. A l’image du CERS, le projet de loi prévoit également des règles de coordination et de coopération dans le domaine du contrôle macroprudentiel.

Le rapporteur, Eugène Berger, a mis l’accent sur un texte qui est "dans l’intérêt de la stabilité de la place financière", un avis largement partagé par les députés, à l’exception de Justin Turpel (Déi Lénk). Saluant un "projet équilibré", le ministre des Finances, Pierre Gramegna, s’est félicité de la large majorité recueillie par le texte. Une majorité qu’il juge importante pour la place financière, témoignant de la continuité dont celle-ci a besoin selon lui. Le ministre a souligné, comme Laurent Mosar (CSV) et Franz Fayot (LSAP) avant lui, que ce projet de loi s’inscrit dans une mosaïque d’autres textes constituant un cadre réglementaire qui évolue vite depuis la crise financière et dans lequel l’UE joue un rôle de pionnier en montrant la voie de la réglementation. Aux yeux de Pierre Gramegna, c’est une chance pour le Luxembourg que l’UE légifère beaucoup en la matière, car cela offre au Grand-Duché plus de sécurité : "le parapluie européen nous protège", estime en effet le ministre.

Un débat qui a permis de retracer les principales pierres d’achoppement du projet de loi apparues au fil de la procédure

Comme le débat l’a montré, ce texte avait fait l’objet d’avis critiques tant de la part de la BCE que du Conseil d’Etat. Des avis qui étaient en partie contradictoires et qui ont donc nécessité d’intenses discussions pour parvenir à une solution satisfaisant en fin de compte toutes les parties.

Le Comité du risque systémique luxembourgeois sera constitué de représentants du Ministère des Finances, de la CSSF, de la BCL et du Commissariat aux assurances. Ce choix sur la composition du Comité a fait l’objet d’importantes discussions, la BCE ayant dans son avis critiqué le rôle limité octroyé à la BCL en matière de surveillance macro-prudentielle. Comme l’a souligné Eugène Berger, il existe différents modèles en Europe et le Luxembourg a choisi le modèle allemand, qui a fait consensus. Comme il l’a expliqué, la BCL, le Commissariat aux assurances et la CSSF se partagent déjà différentes compétences de surveillance du secteur financier. Si les banques centrales assurent le rôle de superviseur dans beaucoup de pays, ce modèle n’aurait fait aucun sens au Luxembourg où les compétences de supervision sont réparties entre différentes institutions, a abondé dans son sens le ministre des Finances, Pierre Gramegna, qui en conclut que la composition du Comité du risque systémique tient tout simplement compte de la réalité de la supervision au Luxembourg.

Et la BCL garde un rôle important dans ce modèle, puisqu’elle assurera le secrétariat du futur comité, a-t-il été souligné de toutes parts. Tout comme la CSSF, dont le ministre a souligné l’importance en matière de supervision micro-prudentielle. Toutes les décisions seront prises à l’unanimité, a précisé Eugène Berger, qui y voit une garantie que la BCL ne court aucun risque d’être contournée. Le député Franz Fayot a pour sa part évoqué une bonne solution qui a pu satisfaire tout le monde et qui, par sa collégialité, reflète la tradition du dialogue chère au Luxembourg. Quant à Henri Kox (Déi Gréng), il voit dans la composition de ce Comité une application typique du modèle luxembourgeois à la supervision financière.

Autre problème soulevé, notamment par le Conseil d’Etat, celui de la confidentialité des informations permettant aux différents représentants des institutions de surveillance de pointer un éventuel risque. "Il est évident que chacun apportera les informations utiles au travail du comité" qui constituera une sorte de "communauté de confidentialité", comme l’a formulé Eugène Berger.

En ce qui concerne la publicité des avis et recommandations qui seront émis par le Comité, Eugène Berger a expliqué que ces derniers seraient rendus publics sans les données sensibles qui pourraient porter préjudice à la place ou aux acteurs financiers concernés. Laurent Mosar a insisté sur la nécessité de voir les avis et recommandations du Comité du risque systémique faire l’objet d’un échange d’informations au niveau de l’UE, mais aussi au Luxembourg. Le député a à ce titre souligné le rôle de la commission des Finances et du Budget, dont les députés devront être informés au moins une fois par an des activités du Comité. Pour Franz Fayot, c’est la version complète des avis et recommandations qui doit être à la base des discussions à la Chambre, et non le rapport abrégé qui sera publié chaque année.

Franz Fayot a aussi évoqué la question du shadow banking, à savoir le secteur bancaire parallèle qui représente des volumes énormes et qui pourrait être, prévient-il, à l’origine de la prochaine tempête financière. Le projet de loi adopté prévoit que le Comité du risque systémique puisse se pencher sur ce secteur, un point de vue qui avait toutefois été jugé "inconcevable" par le Conseil d’Etat, mais dont n’avait pas manqué de se réjouir le président de la BCL, Gaston Reinesch, dans l’entretien qu’il a accordé récemment au magazine Paperjam.

Laurent Mosar a regretté, comme Franz Fayot, le retard pris dans la mise en œuvre de cette recommandation du CERS : il aurait pour sa part préféré que le Luxembourg soit parmi les premiers pays à mettre en place un tel comité. Pierre Gramegna ne se réjouit pas lui non plus de ce retard, mais il a souligné qu’il n’est pas toujours aisé de travailler vite, notamment quand il faut parvenir à concilier des positions aussi contradictoires que celles exprimées dans les avis respectifs du Conseil d’Etat et de la BCE.

Le député Justin Turpel (Déi Lénk), dont le parti est le seul à ne pas avoir voté en faveur de ce texte, estime pour sa part que les leçons de la crise financière n’ont pas été tirées. La spéculation a repris son élan, et ce y compris au Luxembourg, déplore-t-il en premier lieu. Les dividendes des institutions financières sont plus gros que jamais, tandis que le shadow banking est exclu des stress tests qui sont menés, dénonce-t-il encore. Enfin, il dénonce les pratiques de la BCE qui prête à bas taux à des institutions financières un argent que ces dernières prêtent ensuite à des taux plus élevés aux Etats comme la Grèce, dont la population doit finalement payer les intérêts dont profitent ces banques. Justin Turpel a lancé une vive attaque contre le programme que vient de lancer la BCE et qui, selon lui, risque de ne pas aller dans l’économie réelle, comme l’espère la BCE, mais bien de nourrir la spéculation, préparant ainsi la prochaine crise. Le député de la gauche a dénoncé en fin de compte un lobby bancaire qui gouverne, et ce y compris au Luxembourg.