Le 15 avril 2015, la Commission européenne a adressé une communication des griefs à Google au sujet du service de comparaison de prix et a ouvert une procédure formelle d'examen distincte concernant le comportement de Google en ce qui concerne le système d’exploitation pour appareils mobiles Android.
Dans sa communication des griefs relative au service de comparaison des prix, la Commission fait valoir que l’entreprise a abusé de sa position dominante sur les marchés des services de recherche générale sur Internet dans l’Espace économique européen (EEE), en violation des règles de l’UE en matière d’ententes et d’abus de position dominante, en favorisant systématiquement son propre comparateur de prix dans ses pages de résultats de recherche générale. Les comparateurs de prix permettent aux consommateurs de rechercher des produits sur des sites d'achat en ligne et de comparer les prix entre différents vendeurs. A l’issue d’une enquête lancée il y a cinq ans, la Commission conclut à titre préliminaire qu'un tel comportement est contraire aux règles de l’UE en matière d’ententes et d’abus de position dominante car il entrave la concurrence et porte préjudice aux consommateurs.
En ce qui concerne le système d’exploitation pour appareils mobiles Android, l’examen portera essentiellement sur la question de savoir si Google a conclu des accords anticoncurrentiels ou a commis un éventuel abus de position dominante dans le domaine des systèmes d’exploitation, applications et services relatifs aux dispositifs mobiles intelligents. Cette enquête est distincte et séparée de l'enquête menée par la Commission sur le comportement de Google en matière de recherche sur l'internet, explique la Commission dans une fiche d’information. A noter que plus de 90 % des recherches sur Internet s’effectuent dans l’UE par l’intermédiaire de Google.
Pour Margrethe Vestager, commissaire européenne chargée de la politique de concurrence, l'objectif de la Commission est "d'appliquer les règles de l’UE relatives aux ententes et aux abus de position dominante de manière à ce que les entreprises opérant en Europe, quel que soit leur lieu d'établissement, ne privent pas artificiellement les consommateurs européens d'un choix aussi large que possible ou n'entravent pas l'innovation".
"En ce qui concerne Google, je crains que l’entreprise n'ait injustement avantagé son propre service de comparaison de prix, en violation des règles de l’UE en matière d’ententes et d’abus de position dominante", a poursuivi la commissaire. Si l’enquête devait confirmer les craintes de la Commission, Google devrait selon elle en assumer les conséquences juridiques et "modifier la façon dont elle conduit ses activités en Europe".
Pour ce qui est des systèmes d’exploitation, applications et services pour appareils mobiles, Margrethe Vestager indique que "les smartphones, tablettes et autres appareils similaires jouent un rôle de plus en plus important dans la vie quotidienne de nombreuses personnes". Dans ce contexte, elle entend "faire en sorte que les marchés de ce secteur puissent prospérer sans contraintes anticoncurrentielles imposées par quelque société que ce soit."
Pour rappel, la Commission européenne avait ouvert en novembre 2010 une enquête visant Google pour abus de position dominante, suite à 18 plaintes formelles déposées contre les pratiques commerciales de Google. Le géant américain se voyait reprocher principalement de mettre en avant sur ses pages ses propres services spécialisés, au détriment des moteurs de recherche concurrents. Trois autres points de préoccupation avaient trait à la copie de contenus web concurrents ou "moissonnage", à la publicité exclusive et aux restrictions indues imposées aux annonceurs.
La Commission a déjà retoqué par trois fois les propositions de solutions avancées par Google, la dernière fois en septembre 2014. Pour autant, Google avait accepté en février 2014, à la satisfaction de la Commission, de faire apparaître sur son site les services de trois concurrents.
La Commission estime néanmoins que, dans l'ensemble, les précédentes propositions d’engagement de Google étaient insuffisantes pour répondre à ses préoccupations en matière de concurrence. Ainsi, elle conclut dans son enquête, à titre préliminaire, que Google réserve systématiquement un traitement favorable à son comparateur de prix (actuellement appelé "Google Shopping") dans ses pages de résultats de recherche générale, par exemple en mettant Google Shopping en évidence à l'écran. "Ce faisant, le géant américain risque par conséquent de détourner artificiellement le trafic des services de comparaison de prix concurrents et d'empêcher ces services de lui faire concurrence sur le marché", indique-t-elle dans son communiqué. La Commission craint que les utilisateurs ne voient pas nécessairement les résultats les plus pertinents répondant à leurs requêtes, ce qui porte préjudice aux consommateurs et entrave l’innovation.
La Commission indique néanmoins dans un communiqué de presse diffusé le 15 avril qu’une communication des griefs ne préjuge en rien de l’issue de l’enquête.
Dans ce contexte, la Commission estime à titre préliminaire que, pour mettre fin à un tel comportement, Google devrait traiter son propre service de comparaison de prix de la même manière que celui de ses concurrents. L’entreprise dispose à présent d'un délai de dix semaines pour réagir aux allégations de la Commission et solliciter ensuite une audition formelle.
La Commission indique dans son communiqué que depuis 2005, Google est à la pointe du développement du système d'exploitation pour appareils mobiles Android. Android est un système à code source libre, ce qui signifie qu’il peut être librement utilisé et développé par n'importe qui. La majorité des fabricants de smartphones et tablettes utilisent le système d’exploitation Android en combinaison avec un éventail d’applications et de services propriétaires de Google. Ces fabricants concluent des accords avec Google afin d'obtenir le droit d’installer des applications de Google sur leurs appareils Android.
À la suite de deux plaintes, et après avoir mené une enquête initiale de sa propre initiative, la Commission a ouvert une procédure formelle d’examen afin de déterminer si certaines conditions contenues dans les accords avec Google et ayant trait à l’utilisation d'Android et d'applications et services propriétaires de Google enfreignent les règles de l'UE en matière d'ententes et d'abus de position dominante. Elle entend analyser si ces conditions entravant le développement et l’accès au marché des systèmes d’exploitation, applications et services concurrents pour appareils mobiles, au détriment des consommateurs et des développeurs de services et produits innovants.
"Nous sommes fermement en désaccord" avec cette communication des griefs et "attendons de défendre notre dossier dans les prochaines semaines", a aussitôt réagi le géant américain sur son blog, face aux critiques de la Commission sur son comparateur de prix. "Google shopping n’a pas nui à la compétition" et s’appuie notamment sur le fait que la concurrence est immense en matière de shopping, par exemple avec Amazon et eBay, "deux des plus grands sites de shopping dans le monde", selon le géant américain.
Pour ce qui est du système pour appareils mobiles Android, Google indique que ses accords de partenariat se font "sur une base volontaire". "Vous pouvez utiliser Android sans Google", lit-on sur son blog. Le géant américain relève en outre que ces accords "offrent de réels avantages pour les utilisateurs d'Android, les développeurs et l'écosystème plus large". Il indique que "ce n’est pas seulement Google qui a bénéficié du succès d'Android".
"Nous avons hâte de discuter avec la Commission européenne au cours des prochains mois", a conclu le géant américain sur son blog.