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Le règlement sur l’utilisation des OGM dans l’alimentation dans l’alimentation humaine et animale suscite de vives protestations tant du côté des anti-OGM que des fabricants de produits OGM
22-04-2015


ogm-commissionLe règlement sur l’utilisation des OGM dans l’alimentation humaine et animale proposée par la Commission a suscité de vives réactions. Plusieurs organisations environnementales, les Verts, mais aussi les associations représentant l'agro-industrie européenne l’ont rejeté, au lendemain de sa présentation par la Commission européenne le 23 avril 2015. Ce projet qui prévoit un "régime à la carte" pour la procédure d'autorisation des organismes génétiquement modifiés (OGM) importés dans l'UE aux fins de l'alimentation humaine ou animale pour donner aux États membres la possibilité de restreindre ou d'interdire sur leur territoire l'utilisation de ces aliments. Les refus des Etats devront se fonder sur des motifs légitimes autres que ceux liés aux risques pour la santé humaine ou animale, ou pour l’environnement.

Des réactions consternées au Parlement européen

L’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Verts) a reproché à Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, de pas avoir tenu sa parole puisqu’il aurait promis, lors de son élection le 15 juillet 2015, de réformer le processus d’autorisation pour le rendre plus démocratique. Dans la liste de ses dix priorités, Jean-Claude Juncker dit en effet qu’il souhaite "revoir la législation qui contraint la Commission à autoriser les organismes génétiquement modifiés (OGM), alors que la majorité des pays y sont opposés". Le règlement présenté par la Commission ne réforme pas ce processus, parce qu’il donne aux Etats membres seulement le droit de prononcer des interdictions nationales, estime-t-il. Claude Turmes reproche à la Commission de vouloir mettre fin à l’attitude de blocage des Etats membres et de vouloir approuver rapidement 17 autorisations dans les prochaines semaines ce qui donne, selon lui, l’impression qu’elle agit en faveur de l’industrie agro-alimentaire américaine.

La Commission "sème la zizanie" pour "avoir les mains libres", a accusé l'eurodéputé vert français, José Bové. "La Commission est-elle capable d'entendre autre chose que les intérêts des compagnies des biotechnologies ?", s’interroge-t-il. L’eurodéputé vert allemand Martin Häusling appelle pour sa part à un processus d’autorisation transparent et une réforme de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui évalue les risques des OGM. Avec ce règlement, la Commission poursuit le seul but de faciliter l’autorisation des OGM au niveau européen, sans prendre en compte qu’une majorité des citoyens y est opposée, a encore jugé le vert belge Bart Staes.

Au nom du groupe des conservateurs au Parlement européen (ECR), qui inclut les Tories britanniques, Julie Girling a dénoncé une proposition qui manque de courage et de consistance et reproche à la Commission d’ignorer l’avis scientifique de l’EFSA et de ne pas avoir le courage de se relever contre "quelques Etats membres anti-OGM". Elle rappelle que l’UE importe 70 % de son fourrage qu’elle ne peut pas en produire suffisamment pour des raisons climatiques et agro-économiques. "Il ne s’agit pas seulement d’une attaque contre les OGM, mais aussi une attaque idéologique contre le libre-échange et les secteurs agraires conventionnels et l’élevage intensif", juge-t-elle.

Françoise Grossetête (PPE) a également fait part de son mécontentement : "Une fois de plus, nous constatons un recul de l'Europe à cause des États membres, incapables de se mettre d'accord. C'est regrettable, car, sur un sujet comme celui-ci, le marché unique, la protection des consommateurs et la recherche auraient pu réellement bénéficier de règles communes", a-t-elle dit, selon ses propos cités par l’Agence Europe.

Les ONG environnementalistes dénoncent une "farce"

Greenpeace a dénoncé dans un communiqué une "farce" qui enfreint la promesse faite par Jean-Claude Juncker, car elle revient à "faire perdurer le système actuel antidémocratique en permettant à la Commission d'ignorer l'opposition d'une majorité d'États membres et de citoyens de l'UE". La Commission offre aux Etats membres un "faux" droit de refus qui "ne tiendra dans aucun tribunal", ajoute l’ONG qui critique le fait que les Etats membres ne peuvent pas fonder leur refus sur des motifs sanitaires ou environnementalistes. Greenpeace reproche à la Commission de céder à une pression croissante de l’industrie biotechnologique et du gouvernement des Etats-Unis, notamment dans le contexte des négociations du Partenariat transatlantique d'investissement et de commerce (TTIP).

Pour Friends of the Earth (FOE), il est "inacceptable" que la Commission européenne impose des OGM au public en se pliant à la volonté de l’industrie biotechnologique. L’ONG critique le fait que la Commission n’offre aucune certitude juridique aux Etats membres qui veulent opter pour un refus.

L'agro-industrie européenne met en garde contre toute "renationalisation"

Les associations représentant l'agro-industrie européenne se sont opposées à toute "renationalisation", au vu de la dépendance de l'élevage européen envers le fourrage OGM.

L’organisation agricole européenne Copa-Cogeca met en garde dans un communiqué contre l’impact de ce règlement sur le marché intérieur des produits destinés à l’alimentation humaine et animale. Elle craint en effet des "pertes substantielles d’emplois" et moins d’investissements dans les Etats qui optent pour le refus ce qui mènerait à de "sérieuses distorsions de concurrence". Elle appelle le Conseil et le Parlement européen à rejeter cette proposition et accuse la Commission d’avoir failli dans son rôle de "gardienne des traités".

Pour Jeff Rowe, président du Conseil agro-alimentaire d'EuropaBio  "la Commission européenne sacrifie le principe fondamental du marché intérieur en proposant d'établir un patchwork d'interdictions nationales sur les importations de produits sûrs". Il rappelle que l’UE importe chaque année 33 millions de tonnes de graines de soja génétiquement modifié ce qui "diminue notre empreinte environnementale" et aide les paysans à bien gagner leur vie. Cette proposition limitera le choix des éleveurs et endommagera l’emploi, l’innovation et la compétitivité, met en garde Jeff Rowe.

La Fédération des agriculteurs allemands (DBV) dénonce une proposition "irréaliste" qui "détruit" le marché intérieur européen. Le DBV souligne qu’un processus d’autorisation uniforme est nécessaire pour les importations de pays tiers. 

Le négociateur américain du TTIP se dit déçu

Michael Froman, le représentant américain au commerce et négociateur principal du TTIP, a également fait part de sa déception, selon plusieurs médias. "Nous sommes très déçus par l'annonce d'une proposition de règlement qui paraît difficilement conciliable avec les obligations internationales de l'UE. De plus, diviser l'Europe en 28 marchés pour la circulation de certains produits semble contraire à l'objectif européen de renforcer le marché intérieur", a déclaré Michael Froman. "Alors que l'UE et les États-Unis cherchent à doper la croissance et l’emploi avec le TTIP, il n'est pas constructif de proposer ce type de mesure de restriction des échanges", a-t-il souligné.

Selon une source proche du dossier, citée par l’AFP, "l'administration américaine a fait tous les étages à Bruxelles contre le projet". Selon cette source, les commissaires socialistes français, Pierre Moscovici, et maltais, Karmenu Vella, jugeraient que le projet ne donne pas assez de garanties juridiques aux Etats choisissant de bannir l'utilisation des OGM, tandis que la commissaire Cécilia Malmström, chargée du Commerce, et Günther Oettinger, chargé du marché numérique, seraient contre toute possibilité d'exemption pour les États.