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Un accord informel a pu être trouvé en trilogue au sujet de la directive qui donnera aux Etats membres la possibilité de restreindre ou d'interdire la culture d'OGM sur leur territoire
04-12-2014


Parlement européen, Conseil et Commission européenne sont parvenus à un accord informel en trilogue dans la nuit du 3 au 4 décembre 2014 sur la question des OGM.

Dans ce dossier qui a longtemps divisé les Etats membres, un accord avait pu être arraché en Conseil au mois de juin dernier, quatre ans après que la Commission avait mis sur la table une proposition visant à laisser plus de flexibilité aux Etats membres pour pouvoir restreindre en toute légalité la culture d’OGM sur leur territoire. Les eurodéputés de la commission ENVI avaient permis l’ouverture des négociations en trilogue en novembre 2014, à l’occasion d’un vote au cours duquel ils s’étaient montré en grande partie "fidèles" à la position adoptée en plénière en première lecture en juillet 2011.

L’accord trouvé doit encore être formalisé en Coreper et confirmé par la commission ENVI du Parlement européen avant un vote en plénière qui pourrait avoir lieu en janvier 2015.

Les principaux éléments de l’accord

Selon le communiqué de presse diffusé par le Parlement européen le 4 décembre 2014, le texte approuvé "permettrait aux États membres d'adopter des actes législatifs contraignants pour restreindre ou interdire la culture d'OGM même après leur autorisation au niveau européen".

Ainsi, les Etats membres pourraient interdire les OGM en invoquant pour motifs des objectifs de politique environnementale, explique le communiqué de presse  du Parlement européen en précisant que "ces objectifs seraient liés à des conséquences environnementales autres que les risques relatifs à la santé et à l'environnement définis pendant l'évaluation scientifique des risques". Dans son Bulletin quotidien daté du 5 décembre 2014, l’Agence Europe précise toutefois que "des huit motifs environnementaux que le Parlement souhaitait pouvoir voir invoqués, seuls ont été conservés ceux pour lesquels l'EFSA n'a pas de compétence". Pourront donc être pris en compte :

  • l'intérêt, le maintien et le développement des pratiques agricoles offrant un meilleur potentiel pour réconcilier la production et la durabilité des écosystème
  • le maintien de la biodiversité locale, y compris certains habitats et écosystèmes, certains types de paysages naturels ainsi que les fonctions et services d'écosystèmes spécifiques.

Selon l’accord trouvé, les interdictions pourraient également s'appliquer à des groupes d'OGM déterminés par culture ou caractéristique.

"Les États membres devraient par ailleurs garantir que les cultures d'OGM ne contaminent pas d'autres produits et veiller à éviter toute contamination transfrontalière, en établissant par exemple des "zones tampons" avec les pays voisins", précise par ailleurs le communiqué de presse du Parlement européen. "Les États membres devront prendre des mesures de coexistence dans les zones transfrontalières pour éviter les contaminations de cultures traditionnelles par des cultures OGM entre États voisins", précise Gilles Pargenaux, qui participait aux négociations pour le groupe S&D, dans un communiqué de presse diffusé le 4 décembre 2014. Il ajoute que "la Commission s'est engagée à évaluer les pratiques nationales en matière d'indemnisation financière des agriculteurs en cas de contamination accidentelle".

Sur le plan de la procédure, le groupe ALDE précise dans un communiqué de presse daté du 4 décembre 2014 que les Etats membres pourront choisir de restreindre ou interdire la culture d’un OGM soit dans la phase de préautorisation, à savoir la phase 1, soit après l’autorisation, et dans ce cas les Etats membres peuvent prendre leurs décisions justifiées de façon indépendante. "Le Parlement européen a réussi à élargir considérablement la flexibilité de ces deux options par rapport à la position du Conseil", explique l’ALDE qui souligne que l’enjeu était entre autres de veiller à ce que l’entreprise qui a sollicité une autorisation de mise en culture d’un OGM ne joue pas un rôle trop dominant dans la procédure. Le Bulletin quotidien précise que les États membres pourront soit exiger de l'entreprise qui a sollicité une autorisation de mise en culture d'un OGM qu'elle les exclue du champ géographique de l'autorisation (phase 1), soit interdire ou limiter la culture sans formuler de requête préalable à l'entreprise de biotechnologie (phase 2). "Le Parlement a obtenu que la phase 2 ne soit pas conditionnée à la phase 1", résume l’Agence Europe au sujet de ce point litigieux.

Selon le communiqué diffusé par le groupe S&D, "les décisions d'autorisations seront à l'avenir prises sur la base d'évaluations indépendantes et scientifiquement fondées. En raison des doutes qui pèsent sur l'évaluation des risques menée par l'Autorité de sécurité des aliments (EFSA), la Commission européenne s'est engagée à réviser et à renforcer les règles de cette évaluation d'ici deux ans".

 "Autre grande victoire pour les consommateurs européens, nous sommes parvenus à convaincre la Commission à n'accorder aucune nouvelle autorisation de culture d'OGM avant l'entrée en vigueur de cette directive", a déclaré Gilles Pargneaux en ajoutant que "cela mettra un terme aux rumeurs d'autorisation prochaine de l'OGM Pioneer TC1507 rejetée par 19 États membres en février 2014".

Une des pierres d’achoppement de ces négociations était la base juridique de ce texte. Finalement, la base juridique "Marché intérieur" (article 114 TFUE) proposée par la Commission et par le Conseil a été maintenue, contrairement au souhait du Parlement européen de donner à ce texte l’article 192 comme base juridique.

Pour la présidence italienne du Conseil, cet accord marque "la reconnaissance de la souveraineté et de l’autonomie de chaque Etat membre au regard de la mise en culture d’OGM"

Gian Luca Galletti, ministre de l’Environnement italien, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de l’UE et avait fait de cet accord une priorité, s’est félicité d’un accord qu’il présente comme "la reconnaissance de la souveraineté et de l’autonomie de chaque Etat membre au regard de la mise en culture d’OGM".

"Avec ce texte qui doit encore être formellement confirmé par le Coreper, nous avons atteint un compromis juste et équilibré", estime le ministre italien qui salue le fait que cet accord "crée les conditions nécessaires pour garantir la liberté de choix au niveau national en ce qui concerne la culture d’OGM". Pour Gian Luca Galletti, les institutions européennes ont fait preuve "d’un grand sens des responsabilités et d’attention à l’égard d’un sujet très délicat qui concerne toute la société, des agriculteurs aux consommateurs".

Pour le commissaire Andriukaitis, cet accord est "en ligne avec l’engagement de Jean-Claude Juncker de donner aux gouvernements démocratiquement élus au moins le même poids qu’aux avis scientifiques quand il s’agit de prendre des décisions importantes en matière d’alimentation et d’environnement"

Le commissaire en charge de la Santé et de la sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis, a lui aussi salué l’accord politique provisoire trouvé dans la nuit. "Ce texte va permettre aux Etats membres de pouvoir restreindre ou interdire la culture d’OGM sur leur territoire sans affecter l’évaluation de risque menée au niveau de l’UE", a-t-il expliqué, résumant ainsi très clairement l’enjeu de cette proposition qui visait à sortir de l’impasse dans laquelle se retrouve régulièrement le Conseil lorsqu’il s’agit de donner des autorisations de mise en culture qui divisent profondément les Etats membres.

"L’accord, s’il est confirmé, répondra aux appels constants des Etats membres qui demandent depuis 2009 de pouvoir avoir le dernier mot lorsqu’il s’agit de décider si des OGM peuvent ou non être cultivés sur leur territoire afin de mieux tenir compte de leur contexte national et, surtout, des vues de leurs citoyens", a déclaré le commissaire. Il insiste sur le fait que le texte sur lequel se sont entendus Parlement et Conseil est ainsi "en ligne avec l’engagement de Jean-Claude Juncker de donner aux gouvernements démocratiquement élus au moins le même poids que les avis scientifiques quand il s’agit de prendre des décisions importantes en matière d’alimentation et d’environnement".

Le commissaire a bon espoir que cet accord sera soutenu par le Parlement européen et le Conseil dans les prochaines semaines et que les Etats membres pourront par conséquent faire usage de leur capacité de décider de la mise en culture d’OGM sur leur territoire dès le printemps 2015.

Frédérique Ries (ALDE), rapporteur, souligne que les Etats membres auront "plus de flexibilité"

Du côté du Parlement européen, les commentaires ont été nombreux.

 "L'accord conclu cette nuit sur la directive qui prendra effet au printemps 2015 assurera plus de flexibilité pour les États membres souhaitant interdire la culture d'OGM sur leur territoire. Il devra, par ailleurs, baliser un débat qui est loin d'être clos, entre pro et anti OGM. Pour la suite, je fais confiance au Président de la Commission, Jean-Claude Juncker, qui s'est formellement engagé à renforcer le processus démocratique sur les OGM en Europe et assurer une réelle indépendance de la recherche", a déclaré Frédérique Ries (ADLE), rapporteur sur ce dossier.

"Le droit à l’auto-détermination de chaque Etat membre au sujet de la culture d’OGM est enfin acté après quatre ans de querelles entre Etats membres", se félicite Elisabeth Köstinger (PPE)

"Cet accord était attendu depuis longtemps et nous nous félicitons de ce résultat, s'il est confirmé par le Conseil et le Parlement. Les États membres qui souhaitent restreindre ou interdire les OGM auront désormais la possibilité d'agir en ce sens sans prendre le risque d'être attaqués en justice. Il est important de laisser les États membres prendre une décision en pleine subsidiarité et d'écouter nos citoyens qui, dans certains pays de l'UE, refusent qu'on leur impose les OGM", a affirmé le président de la commission de l'environnement, Giovanni La Via (PPE).

Pour Elisabeth Köstinger, qui a participé aux négociations pour le groupe PPE, il s’agit d’un accord "historique", puisque "le droit à l’auto-détermination de chaque Etat membre au sujet de la culture d’OGM est enfin acté après quatre ans de querelles entre Etats membres".

L’enjeu était aux yeux de l’eurodéputée de pouvoir établir des interdictions nationales que les entreprises productrices d’OGM ne pourraient mettre au défi sur le plan juridique. Peter Liese, porte-parole du groupe PPE au sein de la commission ENVI, a lui aussi mis en avant "la sécurité juridique" dont vont enfin pouvoir bénéficier les Etats membres, les régions, les agriculteurs et l’industrie grâce é un compromis qu’il juge "bien équilibré".

Le groupe S&D regrette le choix du marché intérieur comme base juridique dans une négociation dont Gilles Pargneaux révèle qu’elle fut "très dure"

Du côté du groupe S&D, un des grands regrets est le choix du "marché intérieur" comme base juridique.

De même, l’absence de mise en place d’un fonds de responsabilité financière ou d’indemnisation pour les agriculteurs dont les cultures sont contaminées est aussi "regrettable" aux yeux du porte-parole du groupe S&D pour la commission ENVI, Matthias Groote.

Gilles Pargneaux, qui participait aux négociations pour le groupe S&D, rapporte que la négociation a été "très dure". "Mais nous sommes parvenus à garantir la protection des consommateurs et la sécurité des agriculteurs", se félicite-t-il.

Une victoire à la Pyrrhus pour José Bové (Verts/ALE)

Pour le groupe des Verts, il s’agit d’une "victoire à la Pyrrhus". José Bové, membre de la Commission agriculture, estime en effet que l’accord "semble sécuriser à court terme les interdictions prises par certains Etats membres pour empêcher la culture d’OGM sur leur territoire", mais qui "laisse néanmoins de nombreuses zones d’ombres".

 "La Commission n'a répondu que partiellement à la demande du Conseil", déplore l’eurodéputé écologiste qui évoque notamment la révision intégrale du processus d'évaluation des OGM par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) afin que soit pris en compte le critère d'impact environnemental. "Un critère qui, avec l'impact social, sont tout simplement court-circuités dans les évaluations", estime-t-il. "Toutes les conditions sont remplies pour que la Commission européenne puisse accepter facilement et rapidement les OGM en Europe", en conclut José Bové.

L’eurodéputé Vert craint que cette évolution sur le court terme permette "à des multinationales comme Monsanto d'utiliser ces faiblesses juridiques et d'attaquer les interdictions nationales devant l'OMC voire devant des tribunaux arbitraux si les accords bilatéraux de libre-échange comme le TTIP étaient finalisés".