La partie de la réunion informelle du Conseil EPSCO consacrée au travail, qui a réuni les 21 et 22 avril 2015 à Riga les ministres européens du Travail et des Affaires sociales, a été entièrement dédiée au dialogue social. La réunion était présidée par le ministre letton des Affaires sociales, Uldis Augulis. La Commission européenne était représentée par son vice-président Valdis Dombrovskis, ancien Premier ministre letton, en charge de l’euro et du dialogue social, et par la commissaire Marianne Thyssen, en charge de l’Emploi, des affaires sociales, des compétences et de la mobilité des travailleurs. Ont également participé à cette réunion les représentants des partenaires sociaux européens, de l'Organisation internationale du travail (OIT) et du Parlement européen. Deux ateliers de travail ont été organisés : "Les défis existants et émergents pour la dialogue social" et "Le dialogue social et la fixation des salaires - expérience et développements récents". Le premier de ces ateliers était animé par le ministre luxembourgeois du Travail et de l’Emploi, Nicolas Schmit.
Comme l'a souligné Uldis Augulis, le débat sur le dialogue social dans l’UE se déroule dans le contexte des effets toujours ressentis de la crise économique et financière en Europe et des efforts pour relancer l’emploi et créer des emplois de haute qualité. Par ailleurs, le dialogue social est censé être une pierre angulaire de la dimension sociale de l'Union économique et monétaire (UEM). L'implication des partenaires sociaux est également prévue dans la mise en œuvre du plan 'Juncker', de l'agenda numérique ou de l'Union de l'énergie, ainsi que dans la gouvernance économique européenne, à tous les niveaux du processus budgétaire du 'Semestre européen'. Et ce sont toutes ces dimensions que la réunion informelle a tenté de traiter en abordant le rôle du dialogue social dans la poursuite des objectifs de la stratégie 'Europe 2020' et les facteurs communs aux États membres qui permettent de parler d'un modèle européen du dialogue social, malgré les grandes divergences des pratiques nationales.
Ces facteurs sont la confiance mutuelle, le soutien accordé aux partenaires sociaux et la volonté du gouvernement national de coopérer avec eux, et l'autonomie d'action des partenaires, comme le rapporte l’Agence Europe, résumant les propos du ministre letton. Uldi Augulis a par ailleurs évoqué les obstacles qui rendent difficile la mise en œuvre du dialogue social. Le premier des obstacles est ce qu’il appelle "la capacité des partenaires sociaux", qu’il définit ainsi : "elle inclut leur capacité à être professionnels, forts, et financièrement indépendants dans la défense de leurs intérêts" et leur "capacité à coopérer entre eux pour arriver à des compromis sur différentes problématiques socio-économiques".
Un dialogue social réussi est pour le ministre letton une condition préalable pour que des emplois soient créés, pour que des investissements dans le développement de compétences s’opèrent et que la pauvreté soit réduite. "Mais cela ne pourra se faire que si le dialogue social est inclusif et tient compte de la situation de groupes comme les jeunes chômeurs ou les chômeurs à long terme, comme aussi du fait que le marché du travail change sous l’impact des changements technologiques, du vieillissement de la population et d’autres facteurs", a –t-il déclaré. Finalement, le dialogue social vit selon lui de l’équilibre entre les intérêts des salariés et des employeurs, ce qui implique qu’il soit "suffisamment flexible et en phase avec son époque".
Le ministre luxembourgeois Nicolas Schmit a confirmé à Europaforum.lu que "tout un chacun est conscient du fait que le dialogue social est une composante essentielle du modèle social européen dans toute sa diversité". Mais, a-t-il souligné, "le dialogue social ne fonctionne plus, notamment dans les pays en crise, et les négociations salariales ou tarifaires ne fonctionnent pas non plus dans nombre d’Etats membres".
Il faut donc rétablir un dialogue social qui soit touché tant par les réformes structurelles en cours que par les changements dans l’économie, estime le ministre. Il précise : "le dialogue fonctionne encore dans les grandes entreprises, mais, dans les PME, il ne tient pas le même rôle. Les PME ne veulent pas forcément s’inscrire dans le modèle social traditionnel. Sans parler de la baisse en général du taux de syndicalisation qu’il faudrait stopper, mais comment ?"
Au cours de la réunion, il a aussi été question de l’évolution de l’industrie dans l’UE, a informé le ministre. La robotique et l’économie 4.0 auront des effets sur le marché du travail. Il s’agira pour l’UE de gérer la transition vers d’autres modèles de production et d’éviter qu’il y ait des perdants, notamment en formant des personnes qui "remplissent les critères de cette nouvelle économie".
Le ministre Schmit a critiqué le fait que le dialogue social au niveau de l’UE continue à être très formel et que la substance en souffre. Il a mis en avant la possibilité aménagée par l’article 155 TFUE qui dit que " le dialogue entre partenaires sociaux au niveau de l'Union peut conduire, si ces derniers le souhaitent, à des relations conventionnelles, y compris des accords". L’article permet des dialogues qui peuvent aboutir à des solutions négociées plutôt qu’à des résolutions des problèmes par la voie législative. Mais, a-t-il dû constater lors de la réunion, de moins en moins d’Etats membres veulent que l’on emprunte une telle voie. Et même à la Commission, cette question fait débat. Conséquence : "tant le patronat que les syndicats étaient choqués."
Pour Nicolas Schmit, il n’y a pas de solution-miracle pour rétablir le dialogue social dans ses droits. Mais si les Etats membres veulent qu’il joue un rôle, ils doivent le respecter et ne plus mener des politiques ou s’accorder sur des démarches qui ne respectent pas ses règles.