Le 20 avril 2015, un mandat de négociation sur le plan Juncker en faveur d'un Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) a été soutenu, avec 71 voix pour, 6 voix contre et 11 abstentions, en commissions des budgets (BUD) et des affaires économiques (ECON) du Parlement européen, les deux commissions "au fond" dans le parcours législatif de l’EFSI. Les députés ont cependant contesté dans leur rapport conjoint les projets visant à alimenter le Fonds à partir des budgets européens d'investissements pour la recherche et les transports, et appelé à un contrôle parlementaire accru concernant le leadership et les objectifs du Fonds.
Pour mémoire, le 14 avril 2015, plusieurs commissions parlementaires du Parlement européen, à savoir la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie (ITRE), la commission des transports et du tourisme (TRAN), et la commission de l’environnement (ENVI), avaient adopté leur avis sur l’EFSI. Elles y insistaient notamment sur l'importance d'utiliser l’EFSI pour promouvoir activement les normes environnementales et sociales.
La commission ITRE avait par ailleurs exigé qu’un montant de 5 milliards d’euros soit consacré à l’efficacité énergétique, conformément à un amendement déposé par les eurodéputés Claude Turmes (Verts/ALE), Morten Helveg Pederson (ALDE) Jeppe Kofod (S&D) et Seán Kelly (PPE). Cet amendement n’a pas été voté par les commissions BUD et ECON.
"Nous avons augmenté la crédibilité - et la confiance - dans le Fonds, en veillant à ce que la garantie soit 'irrévocable et inconditionnelle'", s’est félicité l’eurodéputé portugais et co-rapporteur pour la commission BUD, José Manuel Fernandes (PPE). "Nous avons encore renforcé la légitimité démocratique et la transparence, en améliorant la participation et le contrôle du Parlement européen", a-t-il encore dit.
"L'investissement durable est un élément clé pour rompre avec la tendance économique actuelle et lutter contre la récession et le chômage de masse", a pour sa part indiqué l’eurodéputé allemand Udo Bullmann (S&D), co-rapporteur pour la commission ECON.
Concrètement, le rapport, rédigé par José Manuel Fernandes et Udo Bullmann, modifie les points clés suivants de la proposition de la Commission européenne comme suit.
Afin de protéger les investissements du budget européen alloués à la recherche et aux transports, les députés estiment que la Commission européenne devrait trouver d'autres sources de financement pour le Fonds de garantie. "Le Fonds devrait être alimenté graduellement tout au long de la procédure budgétaire annuelle jusqu'à atteindre 8 milliards d'euros d'ici 2022", lit-on dans le communiqué de presse diffusé le même jour par le Parlement européen. "Nous avons réduit l'impact sur 'Horizon 2020' et le MIE (Mécanisme d’interconnexion européen) en gardant le montant de la garantie du fonds intact, en utilisant toute la flexibilité et en réassignant tout excédent de l’EFSI au programme utilisé pour financer le fonds", a précisé le co-rapporteur José Manuel Fernandes. Pour les députés, la garantie devrait être "irrévocable et inconditionnelle" afin de "rassurer les investisseurs".
Les députés indiquent par ailleurs dans leur rapport conjoint que les projets financés ou garantis par l’EFSI devraient être économiquement viables, refléter les priorités de l'UE, ne pas être éligibles au titre du financement du budget de l'UE ou de la Banque européenne d'investissement (BEI), et avoir un profil de risque plus élevé que ceux qui pourraient être financés par la BEI.
Les commissions plaident pour que le comité d'investissement du Fonds compte huit membres "afin de refléter la diversité géographique de l'UE et fournir une expertise aussi large que possible". Le Parlement devrait approuver ce groupe d'experts - ainsi que le directeur exécutif proposé - qu'il est autorisé à entendre, tout comme le président du comité de pilotage. Le comité de pilotage devrait être composé de quatre membres.
Aux yeux des commissions BUD et ECON, les parties tierces qui souhaitent financer l’EFSI ne devraient pas recevoir la garantie de devenir membres du comité de pilotage.
Les députés estiment que les opérations du Fonds devraient faire l'objet d'un audit par la Cour des comptes européenne et être soumises à un contrôle annuel par le Parlement. "Afin d'évaluer l'efficacité du plan d'investissements au niveau macroéconomique, les députés sont en faveur d'un tableau de bord", lit-on dans le communiqué de presse.
L’amendement proposé par la commission de l’industrie (ITRE), selon lequel 5 milliards d'euros devraient être réservés à des projets promouvant l'efficacité énergétique, n'a pas été retenu dans le rapport conjoint des commissions BUD et ECON.
"Un vote démocratique en commission ITRE sur un fonds de 5 milliards pour l'efficacité énergétique du plan Juncker a été saboté par un complot orchestré par le leadership de la grande coalition", a déploré l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Verts/ALE), selon ses propos repris par l’Agence Europe dans son édition du 21 avril 2015.
Selon l’Agence Europe, les présidents des commissions parlementaires auraient décidé unilatéralement de ne pas tenir compte de cet amendement et de ne pas le soumettre au vote.
Le 17 avril 2015, le journal en ligne "EUObserver.com" avait par ailleurs rapporté une affirmation de Claude Turmes selon laquelle le député irlandais Sean Kelly (PPE) avait reçu ordre du Premier ministre, Enda Kenny, de retirer sa signature de l'amendement en question. Après réflexion et consultation à Dublin, "j'ai estimé, en tant que leader de la délégation Fine Gael au Parlement, qu'il était juste de retirer mon nom de cet amendement", a expliqué pour sa part Sean Kelly, selon ses propos repris par l’Agence Europe, toujours dans sa même édition.
Les négociations avec le Conseil devraient débuter le 23 avril en vue d'établir un compromis qui sera mis aux voix en plénière en juin 2015, dans le but de lancer le Fonds mi-2015 conformément au projet de la Commission européenne.