Les députés européens appellent les Etats membres de l’UE à s’attaquer à la résistance croissante aux antibiotiques humains et vétérinaires, dans une résolution adoptée le 19 mai 2015 en séance plénière qui demande des mesures visant à améliorer la sécurité des patients. Ils rappellent que "l'utilisation abusive d'antibiotiques à des fins préventives (y compris en milieu hospitalier) constitue l'un des principaux facteurs favorisant l'émergence de la résistance aux antibiotiques".
La résolution a été adoptée par 637 voix contre 32 et 10 abstentions, indique un communiqué du Parlement européen. Tous les députés luxembourgeois ont voté en faveur du texte, à l’exception de Claude Turmes (Verts) qui n’a pas participé au voté.
"25 000 personnes décèdent en Europe chaque année à cause de la résistance croissante aux antibiotiques. Nous devons stimuler la recherche de nouvelles substances. La vente en ligne et l’utilisation prophylactique des médicaments dans le secteur vétérinaire doivent également être évitées", a insisté l'eurodéputé en charge du dossier Piernicola Pedicini (EFDD), issu du mouvement italien Cinq étoiles.
La résolution met en garde contre le danger que, d'ici à 2050, dix millions de personnes décèderont chaque année dans le monde à cause de la résistance aux antimicrobiens et que la résistance aux antibiotiques utilisés couramment pour traiter les bactéries pathogènes atteint au moins 25 %, voire plus, dans plusieurs États membres.
Les coûts causés par les infections résistantes sont estimés à 1,5 milliard d'euros par an. La résolution insiste encore sur le fait que les patients contaminés par des bactéries résistantes doivent être isolés lorsqu'ils sont traités à l'hôpital, que ce dispositif supplémentaire coûte 900 millions d'euros et qu’il nécessite 2,5 millions de jours d'hospitalisation supplémentaires chaque année.
L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait par ailleurs mis en garde en février 2015 contre une résistance de plus en plus importante aux antibiotiques des bactéries Salmonella et Campylobacter dans son dernier rapport sur la résistance antimicrobienne. En 2011, la Commission européenne a présenté un plan d’action contre la résistance antimicrobienne, visant entre autres à prévenir les infections microbiennes, à mettre au point de nouveaux antimicrobiens efficaces, à garantir un usage approprié et à améliorer le suivi et la surveillance.
Les députés constatent par ailleurs qu'entre 8 et 12 % des patients admis dans les hôpitaux de l'UE souffrent d'effets secondaires indésirables comme des infections nosocomiales, impliquées dans près de 37 000 décès par an, et qui pèsent sur les budgets limités des services de santé. Ils précisent que les infections indésirables causées par des bactéries multirésistantes sont en augmentation. Ils notent que 20 à 30 % de ces infections pourraient être évitées "grâce à des programmes intensifs en matière d'hygiène et de lutte contre ces dernières" et que l'une des causes principales de la généralisation de la résistance aux antimicrobiens dans les hôpitaux est le manque de respect des pratiques généralement admises en matière de prévention et de contrôle des infections.
Les députés notent que la crise économique actuelle a mis une pression accrue sur les budgets de santé nationaux, et a donc un impact sur la sécurité des patients. "Les politiques d’austérité ne devraient pas s’appliquer au détriment de la sécurité des patients et du personnel hospitalier", a insisté Piernicola Pedicini.
Les députés appellent les États membres à s'assurer que celle-ci ne soit pas affectée par les mesures d'austérité et que les systèmes de santé restent suffisamment financés. Ils regrettent que "les mesures d'austérité aient provoqué une baisse des effectifs de nettoyage dans les hôpitaux et d'autres environnements de soin dans toute l'Europe, étant donné le rôle essentiel que le personnel de nettoyage joue dans le maintien de niveaux élevés d'hygiène".
Les mesures que les députés européens proposent pour assurer que les antibiotiques soient utilisés de façon plus responsable comprennent :
30 % et 50 % des patients ne prennent pas les médicaments qui leur ont été prescrits par les médecins ou ne les prennent pas conformément aux prescriptions médicales, notent les députés en référence au dernier point. Ils rappellent que l'automédication au moyen d'antibiotiques devrait être strictement interdite et appellent à réglementer la vente et la distribution d'antibiotiques de sorte que les patients ne puissent obtenir que la quantité d'antibiotiques prescrite par leurs médecins (vu que certains Etats membres autorisent la vente d’une quantité supérieure).
Les députés invitent également les entreprises pharmaceutiques à investir dans le développement de nouveaux agents antimicrobiens, et demandent à la Commission de considérer la mise ne place d’un cadre législatif pour encourager le développement de nouveaux antibiotiques.
Les députés préconisent également l'utilisation responsable des antimicrobiens en médecine vétérinaire, y compris les aliments médicamenteux, en permettant leur utilisation uniquement pour le traitement après un diagnostic vétérinaire. Deux projets législatifs à ce sujet sont en cours de discussion au Parlement européen.
L'utilisation d'antibiotiques vétérinaires devrait donc être progressivement limitée à des fins thérapeutiques, en éliminant progressivement leur utilisation au profit des prophylactiques. La métaphylaxie, à savoir la médication de masse des animaux pour guérir les malades dans les fermes tout en empêchant l'infection de ceux qui sont sains, devrait également être limitée, estiment les députés.