La Commission européenne s’est engagée à limiter davantage l'usage de l'expérimentation animale dans l'UE, mais a jugé "prématuré" de la bannir. C’est ce qui ressort d’une communication publiée le 3 juin 2015 comme réponse à l’initiative citoyenne européenne (ICE) "Stop Vivisection" qui avait demandé l’interdiction de l’expérimentation sur les animaux vivants et appelé à rendre obligatoire, pour la recherche biomédicale et toxicologique, l’utilisation de données pertinentes pour l’espèce humaine.
Avec 1,17 million de signatures, il s’agit de la troisième ICE ayant recueilli le nombre nécessaire d’un million de signataires issus de sept pays (le seuil requis a été dépassé dans neuf Etats membres). Si l’ICE a été lancée avec le concours du Centre des technologies et de l’information de l’Etat (CTIE), elle n’a pas recueilli le nombre minimum de signatures (4 500) au Luxembourg où seulement 1 291 personnes l’ont signée. Le nombre le plus important de signatures provenait de l’Allemagne (164 304) où le seuil requis a été plus que doublé, suivie de la France (61 818) et de l’Espagne (47 194).
"Grâce à des avancées technologiques majeures, l'Europe limite peu à peu le recours à l'expérimentation animale. Toutefois, une interdiction totale de toute recherche reposant sur l'utilisation d'animaux dans l’Union serait prématurée ; elle risquerait de chasser d'Europe la recherche biomédicale", a déclaré Jyrki Katainen, vice-président de la Commission chargé de l'emploi, de la croissance, de l'investissement et de la compétitivité. "Si la Commission trouve aussi qu'il convient de supprimer progressivement l'expérimentation animale en Europe, son angle d'approche pour la réalisation de cet objectif diffère de celui proposé par l’initiative citoyenne en question", indique la Commission dans un communiqué.
La Commission affirme que la suppression des tests sur les animaux est déjà "la finalité première" de la directive européenne 2010/63/UE sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques que l’ICE visait à abroger. Datant de 2010, la directive limite et encadre le recours aux animaux à des fins expérimentales, prévoyant notamment que les tests sur animaux soient remplacés dans la mesure du possible par une méthode de substitution et prônant que "la douleur et la souffrance infligées aux animaux soient réduites au minimum". Elle préconise également la conception des compartiments dans lesquels les animaux sont gardés, par exemple une dimension minimale de 800 cm2 et une surface minimale au sol de 200 cm2 pour un rat.
La Commission juge qu’il s’agit d’un "outil législatif approprié pour atteindre les objectifs qui sous-tendent l’initiative". Elle n’a donc ni l’intention de présenter une proposition qui viserait à abroger la directive, ni de suggérer l’adoption d’un nouveau cadre législatif. Elle ajoute que cette directive est "nécessaire pour garantir un niveau élevé de protection des animaux utilisés dans les activités de recherche", mais qu’elle procédera à son réexamen en 2017 après "une période suffisamment longue pour que l'on puisse évaluer son efficacité", en mettant l’accent sur la disponibilité de méthodes de substitution. Par ailleurs, la directive exige la publication d’un rapport sur sa mise en œuvre en 2019.
La Commission insiste sur les progrès technologiques qui ont "révolutionné la recherche biomédicale", citant des méthodes de remplacement reposant sur des cultures de cellules et de tissus ou encore des méthodes informatiques qui réduisent le besoin de recourir à l'expérimentation animale. Néanmoins, certaines études expérimentales sur des animaux restent nécessaires à cause de "nombreux processus et effets physiologiques et toxicologiques complexes", explique la Commission. L’expérimentation animale "reste importante pour protéger la santé des citoyens et des animaux, et pour préserver l’environnement", conclut-elle.
La Commission convient toutefois "de la nécessité d'accélérer les progrès pour remplacer, réduire et affiner le recours aux tests animaux".
Dans sa communication, la Commission propose quatre actions :
Selon un rapport publié par la Commission en 2013, le nombre total d'animaux utilisés à des fins expérimentales et autres en 2011 dans l'UE était inférieur à 11,5 millions. Les souris (60,9 %) et les rats (13,9 %) sont de loin les espèces les plus utilisées. Les rongeurs représentent ainsi 80 % du nombre total d'animaux utilisés, suivis des animaux à sang froid (reptiles, amphibiens et poissons) qui représentent 12,4 % et des oiseaux avec 5,9 %.
Plus de 60 % des animaux ont été utilisés à des fins de recherche et de développement dans les domaines de la médecine humaine, de la médecine vétérinaire, de la dentisterie et dans les études de biologie fondamentale. Comparé à 2008, plus de 500 000 animaux de moins ont été utilisés dans ce domaine, tandis qu’il y a eu une hausse pour les études de biologie fondamentale (près de 715 500 animaux en plus). Le rapport note encore que le nombre d'animaux utilisés en 2011 pour l'étude de maladies humaines et de maladies animales représentait environ 57,5 % du nombre total d'animaux utilisés à des fins expérimentales.
Les pétitionnaires de l’ICE "Stop Vivisection", déposée en mars 2015, invoquaient "les raisons éthiques que l'on peut opposer à l'expérimentation animale" et "l'appel de plus en plus pressant de la communauté scientifique qui affirme que le ‘modèle animal’, n'ayant pas de portée prédictive pour "l'homme", est sans valeur scientifique" pour l'être humain. Ils réclamaient que la Commission légifère pour "mettre fin définitivement à l'expérimentation animale et rendre obligatoire, pour la recherche biomédicale et toxicologique, l'utilisation de données spécifiques pour l'espèce humaine, au lieu de données issues de l'animal".
Le Parlement européen avait organisé une audition publique sur cette ICE le 11 mai 2015 qui n’aurait pas convaincu les députés, selon un article d’Euractiv.