Le 4 juin 2015, François Bausch, ministre du Développement durable et des Infrastructures, a participé à un sommet sur les aspects sociaux dans les transports à Bruxelles. Dans son discours, le ministre a confirmé que les questions sociales sont "cruciales" pour la durabilité des transports en vue de permettre au secteur des transports de jouer son rôle dans la croissance économique et la création d’emplois en Europe. Il a également indiqué qu’il continue de s’opposer à une libéralisation des marchés dans le cadre du 4e paquet ferroviaire, selon ses propos repris dans un communiqué de presse diffusé par le gouvernement.
François Bausch a souligné que les emplois dans le secteur des transports doivent être "des emplois de qualité". A ses yeux, il faut "à tout prix" éviter de renforcer les modèles de travail précaire. L’emploi doit selon lui permettre aux gens de vivre dignement et les conditions de travail doivent être intéressantes afin de permettre au secteur des transports d’attirer des jeunes qualifiés.
"Je pense aussi qu’il ne faut pas négliger la corrélation entre conditions de travail et sécurité", a encore ajouté le ministre, soulignant que "tous ces aspects sont connectés".
François Bausch exige que l’UE "tienne davantage compte de la dimension sociale" dans la cadre de ses propositions dont l’objet est l’ouverture des marchés nationaux. Par ce propos, il a clairement visé le rail et en particulier le 4e paquet ferroviaire qui préconise notamment la mise en concurrence forcée des contrats de service public. Dans son discours prononcé lors du sommet, François Bausch indique qu’il continue de s’opposer à une libéralisation des marchés "au détriment des travailleurs du secteur".
Le ministre a en outre annoncé son intention d’organiser, pendant la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE, un débat politique sur les questions sociales dans le transport routier lors du Conseil Transport prévu en date du 10 décembre 2015.
Pour mémoire, les propositions législatives relatives au 4e paquet ferroviaire, déposées par la Commission en janvier 2013, contiennent deux volets – un volet politique, et un volet technique. Les mesures du volet politique visent à ouvrir davantage le marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer et fixent de nouvelles règles à la structure de gouvernance en ce qui concerne la gestion des infrastructures et les activités de transport. Il s’agit aussi d’imposer la séparation entre entreprises ferroviaires et gestionnaires d’infrastructure. Les syndicats de transport luxembourgeois FNCTTFEL et Syprolux s’étaient déjà opposés en particulier à ces deux volets du paquet tout comme les gouvernements du Benelux. Le volet technique a quant à lui trait aux projets de directives concernant l'interopérabilité et la sécurité des chemins de fer européens et au projet de règlement relatif à l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer et suscite moins d’oppositions.
Le paquet ferroviaire est actuellement discuté en trilogue. Le 29 janvier 2015 a eu lieu le premier trilogue sous Présidence lettone.
Lors du Conseil Transport du 13 mars 2015, plusieurs petits Etats, dont le Luxembourg, avaient demandé une exemption de l’obligation de mise en concurrence des contrats de services publics lors d’un débat sur les volets politiques du quatrième paquet ferroviaire. François Bausch s’était dit "tout à fait opposé à une mise en concurrence forcée des contrats de services publics" pour le Luxembourg, arguant qu’il n'y aurait "pas d'avantages à de telles mesures" pour les petits Etats mais qu’au contraire elles pourraient mettre en danger l'opérateur national (CFL), "quatrième employeur du pays". Il avait proposé en conséquence de mettre en place des exemptions pour les pays dont le trafic ferroviaire représente moins d'1 % du trafic ferroviaire intérieur de passagers de l'UE.
Dans ce contexte, le 3 juin 2015, les ministres des Transports de plusieurs Etats (Bulgarie, Croatie, Estonie, Grèce, Irlande, Lituanie, Luxembourg et Slovénie) ont envoyé une lettre à la commissaire européenne aux Transports, Violeta Bulc, afin d’exprimer leur préoccupation quant à la libéralisation des marchés du rail prévue dans le volet politique du 4e paquet ferroviaire. Ils demandent des exemptions pour les pays dont le trafic ferroviaire représente moins d'1 % du trafic ferroviaire intérieur de passagers de l'UE.
"Ces dispositions accorderaient à nos États membres la protection nécessaire pour veiller à ce que nos services ferroviaires puissent continuer à apporter une contribution importante à la mobilité personnelle au niveau national", indiquent les ministres dans leur lettre. "Alors que nous reconnaissons les avantages que la concurrence peut apporter au marché ferroviaire de l'UE dans son ensemble, nous croyons que les propositions pour l'ouverture du marché doivent prendre en considération les spécificités des petits États membres dont les marchés ferroviaires ne sont pas significatifs par rapport à l’ensemble du marché ferroviaire de l'UE", lit-on dans la lettre commune. "Nos marchés insignifiants ne peuvent pas fournir les grandes entreprises de chemin de fer avec des économies d'échelle", lit-on encore. Les ministres font encore part de leur crainte de voir "remplacer un monopole d'Etat, soumis aux rigueurs de l'examen public, par des monopoles privés".
Les Etats regrettent dans leur lettre que la proposition actuelle ne considère que l'avantage financier direct pour l'industrie ferroviaire "sans tenir compte des répercussions négatives dans des domaines tels que le développement des infrastructures ou l'emploi". Ils regrettent par ailleurs qu’aucune analyse de risques et des impacts de l'ouverture du marché dans les petits marchés n’ait été faite par la Commission. "Les informations limitées suggèrent que tout bénéfice potentiel pour les petits marchés est, au mieux, marginal, et ne suffit pas à compenser les coûts importants et les risques liés à ces réformes", lit-on encore.
"Les questions sociales qui touchent à l’aviation et qui sont aussi dans l’actualité devraient être couvertes à suffisance en 2016 sous Présidence néerlandaise", lit-on dans le communiqué de presse du gouvernement.
A noter qu’en marge du sommet, François Bausch a eu plusieurs entrevues bilatérales, notamment avec la Commissaire européenne en charge des transports Violetta Bulc, afin d’échanger sur la Présidence du Conseil que le Luxembourg assurera à partir du 1er juillet.