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La commission des Affaires juridiques au Parlement européen a adopté à large majorité le rapport de de la députée issue du parti pirate allemand Julia Reda sur la réforme du droit d’auteur
16-06-2015


Le rapport sur la réforme du droit d’auteur de la députée allemande issue du parti des pirates Julia Reda (Verts/ALE) a été adopté le 16 juin 2015 avec une large majorité par la commission des Affaires juridiques (JURI) au Parlement européen. Le rapport non législatif a été approuvé par 23 voix contre 2 (issus du Front national français), indique un communiqué du Parlement européen, alors que plus de 550 amendements avaient été déposés.

Le contexte

La députée allemande issue du parti des pirates Julia Reda, rapportrice sur le droit d'auteur (Source : PE)Pour rappel, la Commission a annoncé sa volonté de donner un caractère plus moderne et européen à la législation sur les droits d’auteurs et de "gommer les différences entre les régimes nationaux", lors de la présentation de sa stratégie sur l’établissement d’un marché numérique unique en mai 2015, sur base d’une directive de 2001 qui stipule l'harmonisation des législations nationales sur le droit d'auteur et l’adaptation du cadre législatif communautaire en vue d’établir un marché unique numérique.

Elle compte notamment présenter des propositions législatives avant la fin de 2015 en vue de réduire les disparités entre les régimes de droits d’auteur et d'élargir l'accès en ligne aux œuvres dans l’ensemble de l’UE, notamment par des mesures d’harmonisation supplémentaires. L'objectif est de faciliter l'accès au contenu culturel en ligne, favorisant ainsi la diversité culturelle.

"Le Parlement européen va bien au-delà des plans de la Commission. Il ne se focalise pas seulement sur l’élimination des barrières commerciales, mais veut améliorer l'accès à la connaissance et l'information pour tous en Europe", a déclaré Julia Reda après le vote. Elle a dénoncé "le narcissisme" des Etats membres qui, selon elle, campent sur leurs exceptions nationales car ils considèrent qu’ils constituent la meilleure solution pour promouvoir la création. Si un auteur a cédé ses droits exclusifs à un éditeur, il devrait être capable de recouvrir ses droits après un certain temps, a-t-elle jugé, donnant l’exemple d’interprètes ayant conclu des contrats avant l’ère de la diffusion en continu sur Internet ("streaming") – services pour lesquels "ils gagnent peu d’argent ou rien", a-t-elle expliqué. 

Elle a encore estimé que le rapport représente un "tournant". "Après des décennies d'introduction de nouvelles restrictions pour protéger les intérêts matériels des titulaires de droits, il s'agit de la demande la plus forte jamais faite pour restaurer l'équilibre des dispositions en matière de droit d'auteur et pour réduire l'incertitude juridique à laquelle sont confrontés aujourd'hui les Européens quand ils accèdent aux œuvres protégées par le droit d'auteur", a-t-elle ajouté. Sur sa page internet, la députée détaille les points forts du rapport ainsi que les concessions qu’elle a dues faire. Par exemple, elle regrette l'adoption de certains amendements comme celui exigeant que l'utilisation commerciale d'images de bâtiments publics soit toujours soumise à autorisation ou le fait qu’il n’y a pas eu de majorité pour des dispositions en faveur d’une législation souple, permettant une prise en compte de futurs développements technologiques, ainsi que pour celles exigeant de tous les États membres qu'ils respectent les exceptions.

Les députés demandent une meilleure accessibilité transfrontalière, tout en insistant sur l’importance des licences par territoire

Les députés rappellent que les consommateurs se voient trop souvent refuser l'accès à certains services liés à des contenus pour des raisons géographiques et pressent dès lors la Commission européenne de proposer des solutions adéquates afin d'assurer une meilleure accessibilité transfrontalière des services et des contenus protégés par le droit d'auteur. Ils insistent sur le fait que le blocage géographique ne devrait pas empêcher les minorités culturelles vivant dans l'Union européenne d'accéder aux contenus ou services existant dans leur langue.

Cependant, les députés notent l'importance des licences par territoire, en particulier en ce qui concerne la production audiovisuelle et cinématographique. La réforme de la législation sur le droit d'auteur doit maintenir le principe de territorialité, "qui permet à chaque État membre de garantir le principe d'une rémunération équitable", disent-ils. Cependant, même si la territorialité est inhérente à l'existence des droits d'auteur, il n'existe aucune contradiction entre la territorialité et le principe de la portabilité des contenus, ajoute le texte.

Les parlementaires appellent encore la Commission à garantir qu'une initiative sur la modernisation du droit d'auteur soit précédée d'une étude concernant ses effets sur la production, le financement et la distribution de films et de contenus télévisuels ainsi que sur la diversité culturelle.

Quant à l’harmonisation des législations nationales sur le droit d'auteur, les députés appellent la Commission à étudier les conséquences d'un "titre européen unique du droit d'auteur" sur l'emploi et l'innovation, sur les intérêts des auteurs et des titulaires de droits, et sur la promotion de l'accès des consommateurs à la diversité culturelle.

Une rémunération équitable et appropriée pour toutes les catégories de titulaires de droits

Les députés reconnaissent que les œuvres créatives nécessitent une protection juridique ainsi qu'une rémunération équitable et appropriée pour toutes les catégories de détenteurs de droits. Ils demandent, par ailleurs, d'améliorer la position contractuelle des auteurs, interprètes ou exécutants par rapport aux autres titulaires de droits et intermédiaires.

La Commission devrait évaluer la possibilité d'inclure des exceptions permettant aux bibliothèques de prêter des œuvres sous format numérique, comme les livres numériques, et aux scientifiques de procéder à la "fouille de textes et de données", expliquent les députés, suivant la ligne de la Cour de justice de l’UE qui avait, dans un arrêt publié en septembre 2014, jugé qu’un Etat membre peut autoriser les bibliothèques à numériser leurs livres pour les proposer sur des postes de lecture électronique bien que les titulaires de droits ne soient pas d’accord.

Les différences entre États membres concernant le choix des exceptions optionnelles à appliquer pourraient compliquer le fonctionnement du marché intérieur et entraîner une incertitude juridique, font remarquer les parlementaires. Des dispositions communes pourraient, par conséquent, s'avérer nécessaires pour certaines exceptions et limitations. Cependant, des différences pourraient aussi être justifiées pour permettre aux États membres de légiférer en fonction de leurs intérêts culturels et économiques spécifiques, ajoutent-ils.

Le rapport doit encore être approuvé par le Parlement européen en séance plénière. Le vote est prévu le 9 juillet 2015.