Les ministres de l’Economie et des Finances de l’Union européenne (UE) se sont retrouvés à Bruxelles le 15 janvier 2016 pour le premier Conseil des Affaires économiques et financières (ECOFIN) organisé sous Présidence néerlandaise, dont les priorités en la matière ont été présentées au cours de la réunion. La rencontre a également permis de faire le point sur le l’exercice 2016 du Semestre européen et la mise en œuvre de l’Union bancaire ainsi que de débattre de la lutte contre la fraude à la TVA et contre le financement du terrorisme.
Jeroen Dijsselbloem, ministre néerlandais des Finances et président de l’ECOFIN, est revenu sur les priorités du semestre néerlandais en matière d’économie et de finances.
Tout d’abord, il s’agira de renforcer l’Union bancaire tout en garantissant une réduction des risques et davantage de partage de risques, a-t-il fait savoir.
Ensuite, la Présidence s’efforcera de développer l’Union des marchés des capitaux "avec détermination", dans le but de progresser sur certains dossiers législatifs comme les deux règlements sur la titrisation ou de parvenir à une position au Conseil sur la directive prospectus.
Troisièmement, il importera de continuer à renforcer et rationnaliser le Semestre européen, a dit le ministre.
Enfin, la lutte contre l’évasion fiscale et l’évitement fiscal seront au cœur de l’action de la Présidence néerlandaise.
En outre, le Conseil se concentrera au cours de ces six prochains mois sur le renforcement de l’Union économique et monétaire, a encore fait savoir Jeroen Dijsselbloem, qui est aussi président permanent de l’Eurogroupe.
Dans le contexte de l’exercice 2016 du Semestre européen, le cycle de coordination des politiques économiques et budgétaires des Etats membres de l’UE, le Conseil a fait le point sur les perspectives de croissance et les déséquilibres macroéconomiques sur base des premiers documents publiés par la Commission européenne en novembre 2015.
Les ministres de l’Economie et des Finances ont ainsi approuvé le projet de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro et ils ont adopté des conclusions concernant l'examen annuel de la croissance et le rapport sur le mécanisme d'alerte.
Dans son examen annuel de la croissance publié le 26 novembre 2015 et qui marque le début du Semestre européen 2016, la Commission proposait de concentrer les efforts sur trois priorités, à savoir la relance de l’investissement, la poursuite des réformes structurelles pour moderniser les économies des Etats membres et l’application de politiques budgétaires responsables.
Dans leurs conclusions, les ministres "souscrivent dans une large mesure à l'analyse" de la Commission alors que la croissance et l'emploi sont entravés par "la persistance de déséquilibres macroéconomiques". Le Conseil pointe également le chômage de longue durée et le chômage des jeunes, la faible croissance de la productivité et les niveaux élevés d'endettement privé et public. Il souligne également que la politique menée "devrait viser à consolider la reprise et à résorber les déséquilibres macroéconomiques".
Dans le rapport sur le mécanisme d’alerte, qui constitue la base du cycle 2016 de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques, la Commission identifie 18 Etats membres pour lesquels une analyse approfondie – qui sera publiée d’ici à la fin février 2016 – sera nécessaire pour déterminer l’existence de déséquilibres macroéconomiques. Selon la Commission, les déséquilibres observés en Bulgarie, en France, en Croatie, en Italie et au Portugal requièrent des actions décisives et un suivi spécifique. Pour la Belgique, l'Allemagne, l'Espagne, la Finlande, la Hongrie, l'Irlande, les Pays-Bas, le Roumanie, la Slovénie, la Suède et le Royaume-Uni, une action différenciée s'impose. Pour la première fois, l'Estonie et l'Autriche sont visées.
Dans ses conclusions, le Conseil "partage largement" l’analyse horizontale de la Commission, les ministres soulignant les "défis importants" qui demeurent dans l'UE, en particulier "les niveaux élevés d'endettement, le chômage élevé et des trajectoires déclinantes du potentiel de croissance et de la productivité".
Néanmoins, tout en reconnaissant l’importance de s'attaquer aux problèmes sociaux et du marché du travail, le Conseil "se déclare préoccupé" par l’inclusion par la Commission de trois nouveaux indicateurs en matière d'emploi au tableau de bord "compte tenu de la nécessité de préserver l'efficacité du tableau de bord en tant que dispositif d'alerte précoce ainsi que de la nature de la procédure de déséquilibre macroéconomique (PDM) en tant que procédure établie pour se concentrer sur la constatation, la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques". Les ministres jugent en effet que les indicateurs sociaux et ceux relatifs au marché de l'emploi "ne sont pas pertinents pour identifier des risques macrofinanciers et que l'évolution de ces indicateurs ne peut pas déclencher la prise de mesures dans le cadre de la PDM", lit-on dans leurs conclusions.
Pour rappel, l’inclusion de ces indicateurs avait pourtant été saluée à l’issue du dernier Conseil "Emploi, Politique sociale, Santé et Consommateurs" (EPSCO) organisé sous Présidence luxembourgeoise, le 7 décembre 2015. "Nous considérons que l’intégration des trois indicateurs en matière d’emploi [à savoir le taux d’activité, le chômage de longue durée et le chômage des jeunes, NDLR] dans la procédure des déséquilibres macroéconomiques peut être un avantage : cela correspond à la reconnaissance que le chômage est un déséquilibre macroéconomique majeur et qu’il doit être traité comme tel", avait alors indiqué Nicolas Schmit, ministre luxembourgeois du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire.
Enfin, le Conseil a approuvé le projet de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro. Ce projet, qui a été pour la première fois anticipé afin que les Etats membres de la zone euro en tiennent compte en mettant en œuvre leurs politiques macro-économiques, préconise notamment une orientation budgétaire globalement neutre pour 2016 et une réduction de la dette publique en 2017, la poursuite des réformes des marchés du travail et des services, la réduction progressive des prêts bancaires non performants et l'amélioration des procédures d'insolvabilité pour les entreprises et les ménages.
Selon le président du Conseil ECOFIN, cette nouvelle procédure "permettra de mieux refléter les défis communs dans les recommandations spécifiques par pays" dont l’adoption conclura le cycle 2016 en juillet prochain. En conférence de presse, ce dernier a précisé que le projet de recommandation pour la zone euro sera soumis pour approbation au Conseil européen de février 2016, avec une adoption envisagée par le Conseil ECOFIN en mars 2016.
Le Conseil a eu un bref échange de vues sur la mise en œuvre de l’Union bancaire, alors que le mécanisme de résolution unique et l’un de ses instruments clés, le fonds de résolution unique (FRU), sont entrés en vigueur au 1er janvier 2016.
Le ministre néerlandais a appelé les Etats membres à accélérer la transposition de la directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (directive 2014/59/UE dite BRRD), qui est censée être mise en œuvre par le mécanisme de résolution unique.
Pour mémoire, la directive BRRD établit des règles pour la résolution des défaillances des banques et des grandes entreprises d’investissement dans tous les États membres de l’UE. Les banques sont tenues d'élaborer des plans de redressement pour surmonter les difficultés financières. De leur côté, les autorités sont également dotées d'un ensemble de pouvoirs pour intervenir dans les activités des banques afin d'éviter leur faillite.
Le commissaire européen à l’Euro et au Dialogue social, Valdis Dombrovskis, a lui aussi appelé tous les Etats membres à mettre en œuvre "sans plus attendre" la directive BRRD et la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts (directive 2014/49/UE).
La Commission a informé le Conseil sur les prochaines étapes en ce qui concerne le renforcement du cadre européen dans le domaine de la lutte contre le financement du terrorisme.
Pour rappel, le financement du terrorisme avait été examiné par le Conseil ECOFIN le 8 décembre 2015 à la demande de la France, suite aux attentats terroristes de Paris du 13 novembre 2015. Dans ses conclusions du 17 et 18 décembre 2015, le Conseil européen avait souligné la nécessité de prendre "rapidement de nouvelles mesures" contre le financement du terrorisme dans tous les domaines recensés par le Conseil JAI extraordinaire du 20 novembre.
Lors de la conférence de presse à l’issue du Conseil, Valdis Dombrovskis a déclaré que depuis la réunion du 8 décembre, "notre travail au niveau technique a considérablement avancé". Il a annoncé que la Commission entend présenter un plan d'action "définissant une série de mesures, y compris législatives", avant la prochaine réunion de l'ECOFIN en février 2016.
"En attendant, nous demandons aux États membres de mieux utiliser les mesures existantes - telles que l'amélioration du gel des avoirs, la mise en œuvre de la 4e directive anti-blanchiment, la coordination entre les services de renseignement financier et la promotion d’un meilleur partage d’informations entre les États membres", a déclaré le vice-président de la Commission.
Suite à la demande de la délégation tchèque, le Conseil a procédé à un échange de vues sur la possibilité d'utiliser plus largement le mécanisme d'auto-liquidation de la TVA dans le cadre de la lutte contre la fraude à la TVA dans l'UE. Ce mécanisme est actuellement appliqué conformément aux articles 194-199a de la directive relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée de l’UE. Il implique le déplacement de la charge de la TVA du fournisseur au client.
"Chaque année, près de 170 millions d’euros de recettes fiscales sont perdus à cause de la fraude à la TVA", a regretté Valdis Dombrovskis. "En même temps, les entreprises font face à des systèmes de collecte de la TVA complexes et inefficaces, en particulier lorsqu’elles sont transfrontalières", a-t-il encore dit.
Dans ce contexte, le Conseil a demandé à la Commission d'accorder l'attention nécessaire aux mesures anti-fraude dans le cadre de la préparation de sa communication sur l'avenir du régime de TVA de l'UE. Il lui a demandé d’analyser les avantages et les inconvénients, ainsi que les aspects juridiques liés à la conception d'une possibilité pour un Etats membre de lancer un projet-pilote pour tester l'application plus large du mécanisme d'auto-liquidation au niveau national.
Lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion du Conseil, Valdis Dombrovskis a annoncé que la Commission entend aborder ces questions dans un plan d’action qu’elle devrait présenter en mars 2016. "Ce plan exposera les moyens de lutter contre la fraude à la TVA, notamment - mais pas seulement – en ce qui concerne les transactions transfrontalières", a-t-il indiqué. "Nous examinerons également l'option du mécanisme d'auto-liquidation et d'autres options pour lutter contre la fraude fiscale", a-t-il encore dit.
Les ministres reviendront sur la question de la lutte contre la fraude à la TVA lors de leur réunion informelle du Conseil ECOFIN des 22 et 23 avril 2016, a pour sa part annoncé Jeroen Dijsselbloem lors de la conférence de presse à l’issue du Conseil.