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Entreprises et industrie - Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination
Les eurodéputés de la commission JURI donnent leur feu vert à l’accord trouvé en trilogue sur la directive sur les secrets d’affaires
28-01-2016


Les eurodéputés de la commission JURI réunis à Bruxelles le 28 janvier 2016 © European Union 2016 - Source : EP.Le 28 janvier 2016, les eurodéputés de la commission Affaires juridiques (JURI) du Parlement européen ont donné leur feu vert à l’accord trouvé en trilogue en décembre dernier, sous présidence luxembourgeoise, au sujet de la directive sur les secrets d’affaires.

Cette proposition de directive mise sur la table par la Commission européenne en novembre 2013 vise à établir une définition commune du secret d’affaires, basée sur des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués, de façon à protéger la compétitivité des activités européennes et des organismes de recherche.

Le Conseil avait adopté sa position sur le sujet dès le mois de mai 2014, tandis que les parlementaires de la commission JURI avaient adopté la leur en juin 2015, ouvrant ainsi la voie aux négociations avec le Conseil qui ont pu être conclues dès le mois de décembre.

Les eurodéputés ont approuvé l’accord trouvé par 20 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions. Le texte devrait être soumis au vote du Parlement européen réuni en plénière an avril prochain, tandis que le Conseil doit aussi approuver le texte.

Le projet de directive introduit une définition européenne des "secrets d'affaires", à savoir les informations qui ont une valeur commerciale en raison du fait qu'elles sont secrètes, et qui ont été soumises à des mesures raisonnables pour être gardées secrètes.

Il contraindrait les États membres à garantir que les victimes d'une utilisation abusive des secrets d'affaires puissent défendre leurs droits et demander réparation devant les tribunaux. Le texte conclu prévoit également des règles sur la protection des informations confidentielles pendant le procès.

Garantir la liberté d'expression et d'information

Tout au long des négociations, les députés ont insisté sur la nécessité de veiller à ce que la législation ne réduise pas la liberté et le pluralisme des médias, et ne restreigne pas le travail des journalistes, en particulier en ce qui concerne leurs enquêtes et la protection de leurs sources.

Conformément aux règles conclues, les victimes de vol ou d'utilisation abusive de secrets d'affaires ne disposeront pas d'un droit de recours si un secret d'affaires a été obtenu, utilisé ou dévoilé aux fins suivantes :

  • exercer le droit à la liberté d'expression et d'information tel qu'énoncé dans la Charte européenne des droits fondamentaux, notamment le respect de la liberté et du pluralisme des médias;
  • révéler une faute, une malversation ou une activité illégale, à condition que le défendeur ait agi pour protéger l'intérêt public général (par exemple la sécurité publique, la protection des consommateurs, la santé publique ou la protection de l'environnement);
  • protéger un intérêt légitime reconnu par le droit communautaire ou national; et
  • le secret d'affaires a été dévoilé par des travailleurs à leurs représentants dans le cadre de l'exercice légitime des fonctions de leurs représentants, conformément au droit communautaire ou national, à condition qu'une telle révélation s'avère nécessaire pour cet exercice.

Pas d'obstacle injustifié à la mobilité des travailleurs

Par ailleurs, les députés ont veillé à ce que les dispositions ne créent pas d'obstacles injustifiés à la mobilité des travailleurs, expliquant que les règles ne limiteront pas le recours à l'expérience et aux compétences des employés qu'ils ont acquises de manière honnête au cours de leur carrière. Ces dispositions ne devraient pas imposer de restrictions supplémentaires dans les contrats de travail des employés autres que celles conformes au droit communautaire ou national, est-il affirmé dans le texte conclu.

Un accord jugé équilibré par la plupart des groupes, mais rejeté comme dangereux par les Verts

Le projet avait fait l’objet d’un certain nombre de critiques de la part de la société civile dont plusieurs organisations avaient dénoncé qu’il menaçait les droits fondamentaux et faisait primer les profits des multinationales sur les intérêts sociaux, environnementaux et démocratiques.

"Le texte voté aujourd'hui en commission des affaires juridiques permettra de protéger les savoir-faire professionnels et les informations commerciales confidentiels des entreprises, tout en préservant les libertés fondamentales que sont la liberté d'expression et la liberté de la presse", s’est finalement félicité le rapporteure, Constance Le Grip (PPE).

"À première vue, cette proposition de directive nous a causé des fortes inquiétudes en ce qui concerne la capacité des journalistes et des employés à dénoncer des actes fautifs", a rappelé pour sa part Sergio Cofferati, rapporteur fictif pour le groupe S&D qui souligne que "la proposition initiale était axée uniquement sur la protection des entreprises et ne prévoyait pas de dispositions destinées à garantir les droits des travailleurs". "Cependant, après une période de dures négociations, nous avons conclu une entente qui apaise ces craintes ", a-t-il salué par voie de communiqué.

Jean-Marie Cavada, qui suivait le dossier pour le groupe ALDE, a notamment salué la fait que "l’accord trouvé offre au patrimoine immatériel de l’entreprise une protection intégrale, couvrant toute la phase d’élaboration d’un procédé". Mais il s’est aussi félicité du fait que "des gardes fous garantissant la protection de l’investigation journalistique ont été introduits et, pour la première fois, la protection des lanceurs d’alerte est explicitement mentionnée dans un texte législatif européen".

Julia Reda, rapporteure pour le groupe des Verts/ALE, qui est aussi le seul à s’être opposé au texte lors du vote, a dénoncé un "texte dangereux" qui "permettra aux moins vertueuses des entreprises de pratiquer des abus dans l'opacité la plus complète". L’eurodéputée écologiste critique la définition très large du "secret d’affaire" qui a été retenue et qui  aura pour effet de protéger n’importe quelle information qui concerne l'activité de l'entreprise. "Cette protection rendra plus aisée le contournement de la loi", craint-elle. Autre point critiqué, la demande d'exclure de la définition les "savoir-faire" des salariés n'a pas été retenue. "Ils ne seront donc pas protégés contre des interprétations abusives en cas de divulgation d'informations acquises durant leur parcours professionnel", s’inquiète Julia Reda. Quant aux lanceurs d’alerte, "aucune protection efficace ne leur sera garantie sans un statut européen des lanceurs d’alerte, que le Parlement européen réclame et qui est sans cesse retardée par la Commission", dénonce la parlementaire.