A quelques jours d’un Conseil européen qui sera en partie consacré à la question de la renégociation de l’appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne (UE) et où les dirigeants européens tenteront de parvenir à un accord avec le Royaume-Uni, le Premier ministre britannique David Cameron s’est rendu le 16 février 2016 au Parlement européen afin d’obtenir son engagement d’agir vite pour que le volet social de l’accord en gestation soit intégré dans le droit européen.
Le 2 février 2016, le président du Conseil européen, Donald Tusk, avait présenté une proposition en vue d'un nouvel arrangement prenant en compte toutes les préoccupations du Royaume-Uni dans les domaines de la compétitivité, de la gouvernance économique, de la souveraineté, des prestations sociales et de la libre circulation des personnes. Des négociations sont en cours à tous les niveaux pour dégager un accord entre les 28 États membres.
A l'issue de sa rencontre avec David Cameron le 16 février, le Président du Parlement, Martin Schulz, a déclaré qu’en cas d'accord sur une réforme concernant l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne, le Parlement "fera son possible pour soutenir un compromis, même si un résultat n'est pas garanti", comme l’indique un communiqué de presse de l’institution. Martin Schulz a indiqué avoir transmis à David Cameron "l’engagement clair" que le Parlement s’impliquera de manière "intense" et "constructive" dans le processus législatif, ainsi que précise l’agence Europe.
Alors qu’il devait initialement intervenir devant la conférence des présidents des groupes politiques le 16 février 2016, David Cameron a choisi de rencontrer séparément les négociateurs du Parlement sur la question britannique et les présidents des groupes PPE, S&D et ALDE. Une manière, selon un observateur cité par l’agence Europe, d’éviter la confrontation directe avec son compatriote Nigel Farage, qui préside le groupe europhobe ELDD.
Pour le président du PPE, Manfred Weber, "les propositions avancées par Donald Tusk constituent, pour le moment, une très bonne base de travail pour les discussions et les décisions à venir". Le groupe PPE veut "contribuer à trouver une issue positive à cette situation" et est déterminé à ce que le Royaume-Uni reste dans l’UE pour relever les "grands défis qui attendent encore l’Europe", a-t-il indiqué dans un communiqué, ajoutant que "le plus important est que nous discutions d’un accord avec les britanniques au cours des prochains jours".
Le groupe des S&D souhaite se "battre pour garder le Royaume-Uni, mais sans discriminer les citoyens de l’UE". Pour son chef de file Gianni Pittella, "le départ de ce pays aurait des conséquences très négatives, en premier lieu pour les travailleurs et les entreprises britanniques, mais aussi pour l’UE dans son ensemble". Concernant les termes de l’accord, Pittella a indiqué dans un communiqué que "nous ne pouvons accepter aucune forme de discrimination entre travailleurs européens", que "l’accord ne doit pas empêcher les pays qui le souhaitent d’aller vers plus d’intégration" et que "nous ne pouvons pas accepter de dérogation systématique en faveur de la City".
Guy Verhofstadt, président de l'ALDE et négociateur pour le Parlement européen sur l'adhésion du Royaume-Uni à l'UE, s’est dit "convaincu que la Grande-Bretagne est plus forte en Europe et que l’Europe est plus forte en comptant la Grande-Bretagne en son sein". Mais selon lui, il faut respecter la décision de la Grande-Bretagne de ne pas vouloir poursuivre l’intégration politique et le parti ALDE travaille pour que ce fait soit "reconnu dans les traités". Guy Verhofstadt a en effet plaidé pour une modification du traité, "nécessaire afin de renforcer davantage l'Union et lui fournir les outils nécessaires pour faire face aux multiples crises auxquelles elle est confrontée." S’il a indiqué qu’il aurait une attitude ouverte et constructive, il a également dit que "nous ne pouvons pas prédire le résultat des négociations".
Le groupe GUE/NGL a pour sa part critiqué l’attitude du président Schulz, jugée préjudiciable à la crédibilité de la conférence des présidents et du Parlement. "Des discussions ayant lieu derrière des portes closes ne peuvent pas remplacer un débat ouvert et transparent en présence de représentants démocratiquement élus", a estimé sa présidente Gabi Zimmer dans un communiqué de presse. En tant que législateur européen, le Parlement devrait être pleinement impliqué dans les négociations avec le Royaume-Uni dans la mesure où les requêtes britanniques touchent à des principes fondamentaux tels que l’égalité de traitement et la libre circulation, a-t-elle ajouté.
Le même jour, David Cameron avait été reçu à Bruxelles par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui a refusé d'envisager l'éventualité d'un échec des discussions au sein du bloc des 28, indique une dépêche de l’AFP. Jouant un rôle de "facilitateur" dans les négociations, Jean-Claude Juncker a indiqué que "nous n'avons pas de plan B, nous avons un plan A. La Grande-Bretagne restera dans l'Union européenne et sera un membre constructif et actif de l'Union", a-t-il insisté. "Si je disais que nous avons un plan B, cela donnerait l'impression qu'il y a comme une volonté de la Commission d'envisager sérieusement que la Grande-Bretagne puisse quitter l'Union européenne. Donc je n'entre pas dans les détails d'un plan B", a expliqué le président de la Commission.
En visite à Athènes le 16 février, le président Tusk a qualifié de "fragiles" les négociations en cours sur une appartenance renégociée du Royaume-Uni à l’UE. Il a indiqué qu’il restait toujours "beaucoup de questions difficiles" à résoudre d’ici à la réunion du Conseil les 18 et 19 février 2016.
La veille en Roumanie, il avait jugé la période très "critique" en insistant que le sort de l’UE était en jeu. Un accord aura lieu s’il ne compromet pas les valeurs et libertés fondamentales de l’UE, avait-il dit, énumérant les points n’ayant pas encore été réglés : le mécanisme de sauvegarde autorisant le Royaume-Uni à ne pas verser pendant un certain temps (4 ans) les prestations sociales liées aux bas salaires des travailleurs migrants européens, la question des futurs changements de traités, le mécanisme d’urgence pour les pays non membres de la zone euro qui pourraient être inquiétés par des décisions liées à l’intégration de la zone de la monnaie unique. Il reste par ailleurs du travail sur la notion d’Union toujours plus étroite, dont David Cameron veut obtenir la certitude qu’elle ne forcera pas un jour ou l’autre son pays à transférer davantage de pouvoir à l’échelon européen, a encore précisé le président du Conseil.
Selon l’agence Europe, tous les Etats membres ont la volonté d’aboutir à un accord, jugeant préférable d’avoir cet accord plutôt que le contraire. Si les demandes britanniques sur la compétitivité font l’objet d’un large consensus, tout comme l’idée de renforcer les parlements nationaux est bien accueillie, il reste du travail de rédaction sur la formulation du principe d’Union toujours plus étroite.
Sur la zone euro, plusieurs délégations veulent un cadre de négociations très précis : avoir l’assurance que la zone euro pourra mener sans entrave son approfondissement tout en respectant les intérêts légitimes des Etats non membres. Mais aucun droit de veto ne pourra être formulé. Il en va de même avec les règles communes de règlementation financière qui devront s’appliquer à tous les Etats, qu’ils aient adopté l’euro ou non. Cette différence ne devra pas changer la nature des règles qui devront s’appliquer à tous, indique encore l’agence Europe.
Lors du Conseil Affaires générales du 16 février, où les ministres ont finalisé la préparation du Conseil européen, plusieurs délégations ont émis de telles mises en garde, tout en insistant sur la nécessité d’un accord qui soit bénéfique pour l’Europe tout entière.
L'agence Europe indique que la France a insisté sur les conditions posées quant à la gouvernance économique et à l’intégration de la zone euro. La Pologne, soutenue par la Roumanie et la Lettonie, a demandé à ce que ce mécanisme de sauvetage ne crée pas de précédent et ne soit pas reproduit dès qu’une difficulté apparaît avec le marché intérieur. La Belgique et l’Italie ont demandé à ce que le principe d’Union toujours plus étroite soit préservé.
La veille, le 15 février, les pays du groupe de Visegrad (Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie) s’étaient réunis à Prague pour insister à nouveau sur leurs lignes rouges, à savoir la nécessité d’épargner les travailleurs européens déjà présents sur le sol britannique et d’appliquer le futur mécanisme seulement aux nouveaux arrivants. Ils souhaitent aussi que les dispositions visant à ajuster le niveau de prestations familiales envoyées dans leur pays d’origine par les travailleurs migrants au niveau économique de ce pays d’origine ne s’appliquent également qu’aux futurs travailleurs entrants.