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Marché intérieur - Traités et Affaires institutionnelles
Alors que David Cameron et Donald Tusk n’ont pas réussi à trouver un accord visant à aider à maintenir le Royaume-Uni dans l'UE, trois eurodéputés luxembourgeois réagissent aux projets britanniques
01-02-2016


www.wort.luAu lendemain de la rencontre le 31 janvier 2016 entre le président du Conseil européen, Donald Tusk, et le Premier ministre britannique, David Cameron, qui s’est tenue à Londres et a été consacrée à la question de la renégociation de la relation entre Londres et l’Union européenne (UE), trois eurodéputés luxembourgeois, Frank Engel, Charles Goerens et Claude Turmes, ont réagi aux projets de réforme du gouvernement britannique dans un article du quotidien Luxemburger Wort. La rencontre entre David Cameron et Donald Tusk n’a pas permis de dégager un accord et les deux parties se sont entendues pour poursuivre les discussions pendant 24 heures avant de publier un projet de texte de renégociation. Deux jours plus tôt, le 29 janvier, le Premier ministre britannique avait rencontré à Bruxelles le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, pour s’entretenir avec lui de deux sujets en particulier : la libre circulation et des prestations sociales auxquelles les migrants européens peuvent prétendre.

Le contexte

Le 7 mai 2015, le Premier ministre sortant David Cameron a été réélu aux élections législatives britanniques, conférant une majorité absolue (331 sièges) au parti des conservateurs. L’une de ses principales promesses de campagne avait été d’organiser d’ici fin 2017 un référendum dans lequel les citoyens britanniques pourraient se prononcer sur le maintien du Royaume-Uni dans l’UE ou sur sa sortie ("Brexit"), comme l’avait annoncé le Premier ministre dès le 23 janvier 2013 dans un discours sur l’avenir de l’Europe. Ce référendum se ferait, avait-il alors assuré, sur la base de nouvelles conditions qu’il entendait négocier avec ses partenaires européens, David Cameron souhaitant notamment le rapatriement de certaines compétences à Londres et en particulier la réforme du principe de la libre-circulation dans l'UE et le durcissement des conditions d'accès aux aides sociales pour les immigrés de l'UE. Mais David Cameron avait également promis de faire campagne contre un "Brexit", s'il obtenait gain de cause auprès de ses partenaires européens.

Le 28 mai 2015, le chef du gouvernement britannique avait  ainsi entamé sa tournée des capitales européennes pour y défendre sa volonté de réforme de l'Union européenne après avoir participé à un dîner de travail, le 25 mai, avec le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

Le 10 novembre 2015, il avait adressé une lettre au Président du Conseil européen, Donald Tusk, portant sur "les préoccupations des citoyens britanniques en relation avec notre appartenance à l’Union européenne" et exposant les projets de réformes du gouvernement britannique s’articulant autour de quatre piliers :

  • la gouvernance économique : le gouvernement britannique souhaite que l’intégrité du marché unique et que les intérêts légitimes des non-membres de la zone euro soient préservés lorsque des changements sont introduits dans la zone euro ;
  • la compétitivité : il s’agirait de promouvoir encore davantage la compétitivité et la productivité en Europe pour mener à la croissance et à la création d’emplois pour tous ;
  • la souveraineté : le Premier ministre entend mettre un terme "de façon formelle, juridiquement contraignante et irréversible", à l’obligation pour le Royaume-Uni d’œuvrer à une "Union toujours plus étroite", comme inscrit dans les traités, et souhaite renforcer le rôle des parlements nationaux ;
  • l’immigration : les flux intra-européens vers le Royaume-Uni, actuellement trop importants selon le Premier ministre, devraient être davantage contrôlés, il faudrait également agir contre les abus à la liberté de circulation et restreindre l’accès aux prestations sociales pour les citoyens non-britanniques. Pour mémoire, le Royaume-Uni dénonce depuis plusieurs années l’existence supposée d’un "tourisme aux prestations sociales" qui serait pratiqué par les migrants intra-UE, mais dont la réalité a été régulièrement mise en doute par la Commission européenne, et même infirmée par une enquête du quotidien britannique The Guardian.

Lors du Conseil européen des 17 et 18 décembre 2015, les chefs d’Etat et de gouvernement avaient eu un échange de vues sur les projets du Royaume-Uni concernant le référendum et avaient convenu de trouver des solutions dans chacun des quatre domaines évoqués par le David Cameron dans sa lettre lors de leur prochaine réunion, les 18 et 19 février 2016.

Selon Frank Engel, "l’exercice est fondamentalement faux"

Pour l’eurodéputé Frank Engel (PPE), le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a fait une grande erreur lorsqu’il a promis lors de sa campagne électorale de trouver un "fair deal" avec la Grande-Bretagne. "Des cinq priorités de son programme électoral, une était entièrement consacrée à un pays, ce n’est pas concevable", a-t-il dit au quotidien luxembourgeois. En outre, selon lui, le terme de "fair deal" laisserait à penser que la relation entre l’UE et le Royaume-Uni est injuste ("unfair" dans le texte), ce qui n’est absolument pas le cas puisque Londres dispose déjà d’un certain nombre de réglementations spécifiques. L’eurodéputé est d’avis que ce n’est pas aux Européens de s’allonger devant les Britanniques et de faire d’autres concessions. Cela affaiblirait selon lui encore davantage l’UE.

Pour Charles Goerens, "l’Europe a d’autres problèmes"

L’eurodéputé de l’ALDE est d’avis qu’en ce moment, c’est toute l’UE qui est en danger. "Personne ne sait si nous vivrons dans cinq ans encore dans une UE où règne le principe de libre circulation et si nous aurons encore un euro stable", a-t-il dit au Luxemburger Wort. Pour lui, ce sont là des questions fondamentales, et c’est pour cela qu’il est dangereux d’aller dans le sens des Britanniques. "L’Europe risquerait de passer à la trappe", a-t-il dit. Au sujet de David Cameron, Charles Goerens a estimé qu’il était "aventureux" de se lancer dans un référendum de la sorte. A ses yeux, un homme d’Etat digne de ce nom doit pouvoir calmer la situation et non pas courir après les populistes. L’eurodéputé a aussi indiqué qu’il était dans l’intérêt du Royaume-Uni de rester dans l’UE car en cas de sortie, le pays ne pourrait plus influencer les décisions du marché intérieur européen.

Claude Turmes parle de "chantage néo-libéral"

L’eurodéputé du parti des Verts/ALE a parlé de "chantage néo-libéral". Selon lui, si l’on regarde les souhaits de David Cameron de plus près, alors on se rend compte qu’il s’agit d’abolir les acquis européens essentiels et de réduire l’UE à un marché intérieur, a-t-il dit au Luxemburger Wort. L’eurodéputé a cité la réforme de la sécurité sociale voulue par le Premier ministre britannique en se demandant si le gouvernement luxembourgeois était prêt à accepter que des citoyens luxembourgeois qui iraient s’établir au Royaume-Uni soient considérés comme des citoyens de seconde classe. Claude Turmes a aussi évoqué les autres propositions mises sur la table par David Cameron. "Contrairement à ce que pense David Cameron, l’Europe est plus qu’un marché intérieur qui réduirait les citoyens à de simples consommateurs", a-t-il dit, précisant qu’il s’agissait d’un "projet politique" et de la "seule solution pour imposer les droits sociaux et la protection des consommateurs dans un monde globalisé". Claude Turmes a aussi mis en garde contre l’affaiblissement du projet européen au cas où les autres gouvernements donnaient raison à David Cameron. Finalement, l’eurodéputé appelle les Etats membres qui visent une Union plus politique à saisir leur chance, en cas de "non" au référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE, pour faire avancer l’Europe politique de manière conséquente.

Les rencontres avec Jean-Claude Juncker et Donald Tusk

Le rapport du think tank Open Europe sur les conséquences économiques d'une éventuelle sortie du Royaume-Uni de l'UE"Difficile mais constructive", selon une dépêche le Agence Europe, la rencontre avec Jean-Claude Juncker le 29 janvier 2016 s’est concentrée principalement sur la libre circulation et des prestations sociales auxquelles les migrants européens peuvent prétendre.

À l'issue de la réunion, David Cameron a estimé que les propositions sur la table "n'étaient pas suffisantes" mais que  "nous faisons des progrès", comme l’ont rapporté des médias britanniques sur Twitter.

Selon plusieurs médias, notamment Reuters, le président Juncker devait proposer à David Cameron le recours au mécanisme du 'frein d'urgence' pour les mesures de sécurité sociale pour les travailleurs migrants communautaires, révèle l’agence Europe. Si les porte-paroles officiels de la Commission ont refusé, le 29 janvier à la mi-journée, de confirmer que cette piste serait bel et bien mise sur la table, ils ont expliqué que le rôle de l'institution était celui "d'un facilitateur" et que l'objectif était de parvenir à une solution satisfaisante pour toutes les parties.

Cette clause de 'frein d'urgence', déjà évoquée informellement lors du dernier Sommet européen des 17 et 18 décembre pourrait permettre à un État membre sous pression, qui verrait l'équilibre de son système de sécurité sociale ainsi que son financement mis en péril, de freiner l'arrivée de nouveaux migrants sur son sol, ont expliqué plusieurs médias, notamment Reuters. Cela pourrait permettre au Royaume-Uni, selon ces médias, de freiner ce mouvement jusqu'à 4 ans, a encore dit l’Agence Europe.

David Cameron a ensuite rencontré le président du Conseil européen, Donald Tusk, à Londres le 31 janvier 2016. Ce dernier devait mettre en mots les termes de l'accord qui serait proposé au Premier ministre britannique au cours de la première semaine de février. Les deux parties n’ayant pas pu faire de progrès sur les quatre domaines mis en avant par David Cameron, le président du Conseil européen a proposé 24 heures de réflexion et de discussions supplémentaires avant de publier un projet de texte de renégociation de l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE. Sur Twitter, David Cameron s’est montré plutôt satisfait de la réunion du 31 janvier tandis que Donald Tusk a qualifié les 24 heures qui suivraient de "cruciales".