Le Conseil des Affaires étrangères s’est réuni le 13 mai 2016 dans sa formation "Commerce". Le Luxembourg y était représenté par son ministre des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn.
Les ministres ont débattu de la suite à donner à la dixième conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui s'est tenue en décembre 2015 à Nairobi. Ils ont passé en revue les questions en suspens dans le cadre du programme de Doha pour le développement (PDD) de l'OMC, ainsi que de nouvelles questions devant être traitées par l'OMC, à l’instar du commerce numérique.
Les ministres ont fait un état des lieux des négociations avec les États-Unis sur la mise en place d'un partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP), en faisant le point sur les résultats du 13e tour de négociation ainsi que les dernières discussions politiques entre la commissaire Cecilia Malmström et le représentant au commerce du président Obama (US Trade Representative - USTR) Michael Froman. Le Conseil a reconnu que d’importants progrès avaient été faits ces derniers mois, tout en notant que beaucoup de travail reste à faire. Comme l’a rapporté Cecilia Malmström à la presse, "nous voulons tout faire pour tenter de finaliser un accord avant la fin du mandat du président Obama, mais pas aux dépens du contenu". "Nous sommes très conscients des lignes rouges des uns et des autres, des priorités et des limites des intérêts offensifs de l’Union européenne", a insisté la commissaire. Si ce délai devait ne pas être respecté, "nous évaluerons la situation et nous continuerons à travailler avec la prochaine administration", a-t-elle expliqué.
Les ministres ont aussi discuté des prochaines étapes en vue de la signature de l'accord économique et commercial global UE-Canada (CETA). Cecilia Malmström a confié à la presse être venue chercher "un soutien unanime au CETA", un accord dont elle a souligné l’excellence, avec pour perspective de soumettre mi-juin au Conseil et au Parlement européen une proposition en vue de la signature de cet accord. Il pourrait être signé lors de la visite à Bruxelles du Premier ministre canadien, Justin Trudeau, en octobre, a précisé la commissaire. Le Parlement pourrait lancer ses procédures de ratification dès que le Conseil aura trouvé un accord, et ce en vue d’une mise en œuvre provisoire de l’accord début 2017.
Un communiqué de presse diffusé par le Ministère des Affaires étrangères à l’issue du Conseil rapporte que, "tout en mettant en avant l’importance d’un renforcement des relations économiques dans l’intérêt mutuel de l’UE et du Canada, le ministre Asselborn a fait part à ses homologues d’un certain nombre de préoccupations éprouvées par la société civile luxembourgeoise et européenne". "Dans ce contexte Jean Asselborn a plaidé pour l’implication des parlements nationaux, en soulignant le caractère juridique mixte du CETA". Un avis largement partagé au sein du Conseil, ainsi que n’ont pas manqué de le relever devant la presse tant la ministre néerlandaise Lilianne Ploumen, qui présidait la réunion, que Cecilia Malmström. La Commission se prononcera sur la nature de cet accord au mois de juin.
La note d’information diffusée en amont du Conseil précise toutefois que "le texte, tel qu'il a été élaboré par les négociateurs, n'est pas de nature mixte". "Un avis de la Cour de justice sur la nature juridique d'un projet d'accord de libre-échange avec Singapour sera pertinent pour l'accord avec le Canada", est-il encore précisé, en sachant que cet avis demandé par la Commission n’est pas attendu avant 2017.
Jean Asselborn est venu rendre compte de cette réunion devant les députés luxembourgeois de la commission des Affaires étrangères dès le lendemain, ainsi qu’en a rendu compte la radio RTL Lëtzebuerg. S’il a insisté une fois de plus sur la nature mixte de l’accord, Jean Asselborn a aussi souligné la qualité de cet accord, qu’il faut "cesser de confondre avec le TTIP", et il a avoué "ne pas pouvoir imaginer qu’un seul pays puisse assumer de bloquer l’accord".
La crise qui frappe actuellement l'industrie sidérurgique européenne était aussi à l’ordre du jour du Conseil, et ce notamment sur la base de la communication publiée par la Commission le 16 mars dernier. Si les ministres ont souligné la nécessité de moderniser les instruments de défense commerciale de l’Union européenne, les divergences qui sont apparues lors de leurs précédents travaux sur les propositions de la Commission de 2013 persistent. A ce stade, les discussions sont bloquées au Conseil depuis novembre 2014 alors que le Parlement a adopté sa position dès le mois d’avril 2014.
La note d’information publiée par le Conseil en amont de la réunion rappelle que la proposition de mise à jour des instruments de défense commerciale de l’UE est bloquée en raison de divergences portant sur la règle du droit moindre. Souhaitées par certains Etats membres, mais vivement refusées par d’autres, des dérogations à la 'règle du droit moindre' donneraient à la Commission la possibilité d'imposer des droits correctifs jusqu'à la totalité du montant de la marge de dumping, dans certains cas limités.
Au cours de cette discussion, Jean Asselborn a clairement plaidé pour une conclusion du processus de réforme des instruments de défense commerciale au Conseil, afin de permettre à l'UE de se défendre plus efficacement et dans le respect des règles de l'OMC contre des importations bradées en provenance de certains pays tiers. "Nous sommes confrontés aujourd’hui à une crise existentielle de l’industrie sidérurgique en Europe – une industrie de base dont dépendent des centaines de milliers d’emplois directs et indirects. [...] Il ne s’agit pas de protéger un secteur spécifique de la compétition étrangère mais de sauvegarder un maximum d’emplois viables tout en permettant à nos industries de se donner les moyens pour rester compétitives", a expliqué Jean Asselborn.
"Après la convocation, durant notre présidence, d’un Conseil Compétitivité extraordinaire, à la demande du Royaume-Uni, suivi par plusieurs réunions de crise, et notamment un Conseil européen, après les délibérations au Parlement européen, mardi dernier, l’option politique de ne rien faire, n’est plus une option viable: il en va tout simplement de la crédibilité du Conseil!", a-t-il encore lancé à ses collègues avant de faire part de son espoir que "nous arriverons, dans un esprit de solidarité européenne, à combler les clivages idéologiques qui nous séparent sur cette question tellement importante et de conclure un compromis permettant d’entrer en trilogue".
Au cours du déjeuner, les ministres ont examiné les paramètres pour progresser dans les négociations avec le Parlement européen sur les "minerais issus de zones de conflit" à l’issue de trois premières réunions en trilogue. La proposition sur la table vise à minimiser le risque de financement de groupes armés par la vente de minéraux et de métaux dans les zones touchées par un conflit.
Ce projet était une des priorités de la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE, qui avait avancé les travaux au Conseil de façon à se rapprocher d’une "finalisation de la position du Conseil", ce qui a pu être fait décembre 2015.
Selon la note d’information du Conseil, le mécanisme d'auto-certification devait constituer la principale question abordée lors des négociations, car le Parlement a choisi une approche contraignante tandis que le Conseil est favorable à un système basé sur le volontariat.
Lilianne Ploumen a rapporté que, depuis le début des négociations, le 1er février 2016, il y a une forte convergence des positions en trilogue, puisque le Parlement, la Commission et le Conseil sont d’accord sur le principe d’un droit de diligence obligatoire pour les plus grands importateurs d’étain, de tungstène, de tantale et d’or. La question qui reste en suspens est de savoir comment traiter les entreprises qui importent des produits transformés contenant ces minerais et métaux, a-t-elle expliqué.
Au cours de la discussion, Jean Asselborn n’a pas manqué de rappeler que l’objectif est de trouver un compromis permettant de lutter activement contre l’exploitation de populations entières et le financement illégal de conflits à travers les trois minerais et l’or concernés par ce règlement, tout en assurant un accès durable aux opérateurs économiques de l’UE à des matières premières nécessaires à la compétitivité de secteurs entiers de l’économie. Pour autant, il ne perd pas de vue que "nous visons après tout aussi et surtout le développement durable et social des régions en conflit concernées".
Or, a argué le ministre luxembourgeois, "si nos opérateurs quittent ces régions pour cause d’un règlement impossible à mettre en œuvre, nous ne résoudrons pas le problème. Ces régions seront alors en proie à des opérateurs de pays tiers bien moins scrupuleux et l’approvisionnement de l’Europe en ces minerais sera également remis en question". Dans ce contexte, Jean Asselborn a déclaré qu’"il nous faut trouver un règlement efficace et facile à mettre en œuvre, et ce de manière uniforme dans toute l’Union européenne afin d’éviter dès maintenant des failles dans le système. C’est pour cela que ma délégation a défendu tout au long des discussions au Conseil la mise en place d’une autorité compétente européenne".