Les ministres des Affaires étrangères des pays du Benelux ont effectué le 13 juin 2016 une visite de travail conjointe à Prague, en République Tchèque, afin d’y rencontrer les ministres des Affaires étrangères du des pays membres du Groupe de Višegrad, dont la République tchèque assure actuellement la présidence tournante.
La délégation du Benelux était dirigée par le ministre des Affaires étrangères et européennes du Luxembourg, Jean Asselborn, le Luxembourg assumant actuellement la présidence du Comité des ministres de l’Union Benelux, accompagné par le ministre des Affaires étrangères de la Belgique, Didier Reynders, et le vice-ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas, Robert de Groot.
Le format de la réunion de travail conjointe des ministres des Affaires étrangères du Benelux avec leurs homologues des pays membres du Groupe de Višegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie) s’inscrivait dans la volonté de la Présidence luxembourgeoise du Benelux de relancer les concertations Benelux-Visegrád. Dans ce contexte, les discussions étaient l’occasion d’aborder un large éventail de questions d’intérêt commun et d’avoir des échanges de vues sur les grands dossiers de l’actualité politique européenne, y compris ceux où il y a des désaccords, "notamment sur le dossier de migration", explicitement mentionnés par Jean Asselborn lors de la conférence de presse.
Dans un communiqué commun qui illustre bien l’état d’esprit dans lequel s’est tenue la rencontre, les ministres n’ont pas hésité à évoquer de front "les temps difficiles par lesquels l’UE passe actuellement", citant "une crise migratoire sans précédent, les menaces contre la sécurité issues du terrorisme ainsi que les conflits dans les régions voisines et le scepticisme croissant au sein des sociétés". Dans ce contexte, "une discussion ouverte et constructive entre les Etats membres de l’UE" est pour les ministres "la manière la plus efficace d’affronter ces défis, en prenant en considération les préoccupations nationales respectives et les obligations internationales".
Lors de la conférence de presse commune avec le ministre tchèque, Lubomír Zaorálek, le ministre Asselborn a déclaré sans ambages que "sur la migration, nous n’avons pas toujours partagé le même entendement sur la meilleure manière possible de gérer la crise à laquelle l’UE est confrontée". Et d’expliquer sa démarche : "Pour nous, il a été dès le début important que les Etats membres fassent corps et aident les uns les autres à gérer la crise". Faisant allusion à la Grèce et à l’Italie, Jean Asselborn a estimé "[qu]’aucun Etat membre ne devrait être laissé seul dans une telle crise et [que] la solidarité devrait prévaloir". Ajoutant : "Je dois admettre que cela est parfois difficile à mettre en pratique, mais nous devrions travailler durement pour en finir avec cette crise."
En ce qui concerne le dossier de la migration, le communiqué commun des ministres met en en avant "la nécessité de renforcer la dimension externe de la politique migratoire" et "leur engagement à rechercher une approche inclusive et géographiquement équilibrée de la migration, basé sur une responsabilité partagée, la solidarité et la sécurité". Ils ont parlé dans ce contexte d’initiatives nationales pour renforcer l’action de l’UE dans des pays tiers et, en vue du prochain Conseil européen du 28 et 29 juin, de la manière de renforcer une approche commune de l’UE.
Jean Asselborn a cité lors de la conférence de presse ce que le Benelux a retenu comme principaux axes d’action : la protection effective des frontières et préserver Schengen ; des moyens pour entrer légalement dans l’UE, tant pour les immigrés que pour les demandeurs de protection internationale ; un partage des charges dans le cadre du processus de réforme du système de Dublin et soulager les Etats membres sous pression – "cela peut également arriver à des pays d’Europe de l’Est", a souligné le ministre - ; viser les racines de la migration dans l’esprit du sommet de La Valette et son principe "plus pour plus" ; donner des perspectives aux candidats à la migration dans leur pays d’origine.
Un autre sujet qui a été discuté a été la libéralisation du régime de visas pour la Géorgie, le Kosovo, la Turquie et l’Ukraine. Jean Asselborn a estimé que tous ces pays tiers doivent respecter l’intégralité des critères. En ce qui concerne la Géorgie, si elle respecte tous les critères et que personne ne conteste ce jugement déjà émis par la Commission européenne, "nous devons reconnaître ses mérites et l’UE doit prendre une décision positive", a estimé le ministre. Pour lui, l’entrée en vigueur de la levée de l’obligation de visa pour les ressortissants d’un pays tiers doit cependant aller de pair avec celle, simultanée, de la clause de suspension de ce régime. Il a rappelé que lors du Conseil JAI du 10 juin, différents Etats membres avaient émis des doutes quant à un vote positif sur la Géorgie au vu des statistiques criminelles de la Géorgie. D’où la nécessité de construire un consensus pour arriver à une décision lors du Conseil Affaires étrangères du 20 juin.
D’autres dossiers difficiles ont été évoqués : le partenariat oriental et les réformes dans les pays concernés (Ukraine et Moldavie), les futures relations entre l’UE et la Russie, la situation au sein de l’UE sous l’angle du référendum du 23 juin sur le maintien du Royaume Uni au sein de l’UE, le dialogue sur l’état de droit dans les pays de l’UE au cours de la Présidence tournante du Conseil de l’UE du 2e semestre qui sera assurée par la Slovaquie et qui touche particulièrement deux autres pays du Groupe de Višegrad, la Hongrie et la Pologne. Dans leur communiqué commun, les ministres du Benelux et du Groupe de Višegrad "reconfirment leur sincère souhait que le peuple britannique vote en faveur du maintien dans l’UE" et "expriment leur conviction que dans un monde qui change rapidement, l’Europe devrait agir ensemble afin que sa voix soit entendue".