Leurs critiques se concentrent sur trois points. D'abord, ils reprochent à l'accord d'ancrer dans la loi le "controversé" mécanisme de protection des investissements. Ils ne voient pas dans le nouveau système ICS, proposé par la Commission européenne et présenté le 29 février 2016, une "solution satisfaisante" pour résoudre la question de la protection des investissements dans les accords de libre-échange CETA et TTIP. "Ni la procédure envisagée de nomination des juges, ni leur statut ne satisfont les exigences internationales à l'indépendance des tribunaux", jugent-ils.
Les deux formations déplorent que les arbitres ne soient pas des juges indépendants, ni même des juges à proprement parler puisqu'ils devraient seulement disposer "de qualifications 'de type judiciaire'". Ils y voient le risque qu'à l'avenir puissent endosser cette fonction "ceux qui actuellement façonnent la scène internationale des tribunaux d'arbitrage". Ils déplorent également que les juges auraient un intérêt économique à l'augmentation des plaintes, puisqu'ils seraient rétribués à la plainte.
L'ICS n'apparaîtrait ainsi toujours pas comme un tribunal international mais bien plus comme un tribunal d'arbitrage permanent. "Ça ne change donc rien au fait qu'un système judiciaire parallèle est créé, qui permet aux grandes entreprises de porter plainte contre des pays et des communes, qui discrimine les entreprises autochtones et encourage la privatisation des secteurs publics", disent-ils.
Leur deuxième reproche à l'encontre de l'accord CETA est qu'il abolirait le principe de précaution. Ils en veulent pour preuve que le texte ne protège pas explicitement ce principe, et même qu'il lui substituerait le principe d'une "autorisation purement scientifique". Avec la signature de l'accord CETA, "à l'avenir, tous les dangers qui existent pour les citoyens doivent être 'prouvés scientifiquement de [...] manière non équivoque' pour qu'ensuite la Commission puisse interdire l'usage d'une substance", observent les deux mouvements de jeunesse. La bataille actuelle autour de l'herbicide glyphosate montrerait "très clairement, à quel point il est dangereux de se fier uniquement sur la procédure d'admission scientifique".
Enfin, déi jonk gréng et les JSL s'opposent à un accord qui "annonce l'ère de la libéralisation totale". Ils constatent qu'il s'agit là du premier accord du genre, qui règle les obligations de libéralisation des parties prenantes au traité avec des "listes négatives". "Cela signifie, que fondamentalement, tous les services devraient être libéralisés, si une dérogation explicite n'est pas prévue", dénoncent-ils. De la sorte, les gouvernements prendraient d'ores et déjà des engagements pour des domaines "encore totalement inconnus", ajoutent-ils en mentionnant les services qui se développeront dans le futur grâce aux nouvelles technologies.
Ils s'inquiètent également de la clause de gel, qui prévoirait qu'une décision de libéralisation ne puisse être annulée, et de la clause Ratchet, qui dispose qu'un secteur, dès qu'il a été libéralisé une première fois, voit sa libéralisation devenir obligatoire dans le traité. Cela irait contre la tendance croissante à la "recommunalisation" des services d'approvisionnement en eau, de fourniture d'énergie et de transports, craignent-ils.
A l'issue d'un comité directeur qui s'est tenu le 31 mai 2016, le président du syndicat indépendant OGBL, André Roeltgen, a appelé le gouvernement à ne pas signer l'accord CETA. Il est particulièrement opposé aux tribunaux d'arbitrage et considère que l'accord serait mauvais pour la protection des consommateurs, pour les droits des travailleurs. L'OGBL se dit surpris que le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, se soit exprimé en faveur de l'accord, comme il l'a fait le 19 mai 2016. Le président de l'OGBL "ne peut pas comprendre que quelqu'un qui se bat pour le progrès social, soutienne le CETA", a rapporté le Tageblatt dans son édition du 1er juin 2016.