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Migration et asile - Economie, finances et monnaie
La Commission européenne a présenté un plan d'action pour aider les Etats membres à intégrer les ressortissants de pays tiers et une réforme de la carte bleue pour en attirer de nouveaux
07-06-2016


Carte bleue de l'UE. Source: PELe 7 juin 2016, la Commission européenne a présenté un plan d'action destiné à aider les États membres à intégrer les ressortissants de pays tiers et à assimiler la contribution économique et sociale qu'ils apportent à l'Union ainsi qu'une proposition de réforme de la carte bleue européenne afin d'attirer davantage de migrants hautement qualifiés issus de pays tiers.

Un plan d'action de l'UE sur l'intégration

Le plan d'action de l'UE sur l'intégration, destiné à aider les États membres à intégrer les ressortissants de pays tiers et à assimiler la contribution économique et sociale qu'ils apportent à l'Union, fait partie du train de mesures annoncées par la Commission dans l'agenda européen en matière de migration et la communication du 6 avril 2016

Une étude publiée le même jour par les services de la Commission confirme qu'une intégration satisfaisante et rapide des ressortissants de pays tiers peut contribuer à améliorer les performances du marché du travail, à relever les défis démographiques et à renforcer la viabilité des finances publiques. "Le risque est réel que le coût de la non-intégration s'avère plus élevé que le coût de l'investissement dans des politiques d'intégration", dit la Commission. Or, en dépit des efforts déployés par les États membres, les migrants et les réfugiés reconnus de pays tiers qui résident légalement dans l'UE restent exposés à un risque accru de pauvreté ou d'exclusion sociale.

Ce plan d'action prévoit en conséquence un cadre politique commun et des mesures d'accompagnement qui doivent aider les États membres à poursuivre le développement et le renforcement de leurs politiques nationales d'intégration à l'intention des ressortissants de pays tiers. Les États membres en première ligne pourront bénéficier de nouvelles mesures concrètes de soutien à la fois politique, opérationnel et financier. Les actions pour 2016-17 visent des domaines-clés : mesures d'intégration préalables au départ et à l'arrivée, en particulier pour les personnes ayant manifestement besoin d'une protection internationale qui font l'objet d'une réinstallation ; éducation, emploi et formation professionnelle ; accès aux services essentiels ; participation active et inclusion sociale.

Par ailleurs, une approche plus stratégique et mieux coordonnée est en outre proposée pour l'utilisation des fonds de l'UE destinés à financer des mesures nationales d'intégration.

Enfin, dans le cadre de la nouvelle stratégie pour les compétences en Europe, la Commission favorisera également l'intégration sur le marché du travail grâce à différents outils visant à améliorer les compétences des migrants, mais aussi à reconnaître et à exploiter leurs qualifications existantes.

Attirer les migrants dotés de compétences élevées par la réforme de la carte bleue européenne

D'autre part, la Commission européenne a présenté une proposition de directive visant à réformer les règles applicables aux migrants dotés de compétences élevées venus travailler dans l'UE. Cette réforme soutiendra les entreprises européennes dans leur effort pour attirer des travailleurs qualifiés et talentueux venant du monde entier. Ces initiatives donnent suite à l'engagement, pris par le président Juncker dans ses orientations politiques , de faire de l'immigration légale une priorité pour la Commission.

Le régime de la carte bleue européenne, qui, pour le Luxembourg, a été adopté en novembre 2011, s'est avéré "insuffisant et peu intéressant". Les critères d'admission étaient restrictifs et l'existence de règles, de conditions et de procédures parallèles au niveau national ont limité le recours au régime de l'UE, rapporte la Commission. Il n'a donc été que peu utilisé jusqu'à présent. Toutefois, le Luxembourg fait partie de ceux qui y ont le plus recouru. Avec 236 cartes bleues délivrées en 2014, le Luxembourg est le 4e pays de l'UE en chiffres absolus à y avoir le plus recouru derrière l'Allemagne (11 580), l'Espagne (313) et la France (371).

"Les travailleurs étrangers qualifiés se dirigent plutôt vers des pays qui sont en concurrence avec l'Union européenne sur le plan économique", constate par ailleurs la Commission. Ainsi, seuls 31 % des migrants dotés de compétences élevées choisissent l'UE comme destination parmi les pays de l'OCDE. Or, l'Europe est déjà confrontée à de graves pénuries structurelles dans certains secteurs, notamment les soins de santé, les TIC et l'ingénierie (756 000 emplois vacants en 2020 selon le Mémo publié à ce sujet).

Pour changer la donne, la nouvelle proposition instaurerait un régime unique pour toute l'UE remplaçant les régimes nationaux parallèles en ce qui concerne les emplois nécessitant des compétences élevées. Ainsi, les demandeurs et les employeurs y verraient plus clair et le régime gagnerait en visibilité et en compétitivité, selon la Commission.

Il faudrait toujours être muni d'un contrat pour pouvoir demander la carte bleue. Mais la durée minimale du contrat à faire valoir serait abaissée de 12 à 6 mois.

Elle abaisserait le seuil salarial en introduisant une fourchette souple dans laquelle les États membres peuvent adapter ce niveau minimal aux circonstances de leur marché du travail. Le salaire minimal qui devrait figurer sur le contrat devrait se situer désormais entre 1 et 1,4 fois le salaire moyen national, tandis qu'actuellement il doit être 1,5 fois plus élevé. Il serait même possible de rémunérer à 80 % du salaire moyen des jeunes salariés et des salariés devant œuvrer dans les secteurs en pénurie de main-d'œuvre.

La réforme améliorerait la mobilité intra-européenne en facilitant les procédures, mais aussi en permettant les déplacements professionnels courts de 90 jours au maximum dans les États membres qui appliquent le régime de la carte bleue. De même, le détenteur de la carte bleue pourrait aller travailler dans un autre Etat membre après douze et non plus dix-huit mois de résidence dans le premier Etat membre d'arrivée, puis après six mois de résidence depuis le deuxième pays jusqu'au suivant.

Les nouvelles règles donneraient aux bénéficiaires d'une protection internationale la possibilité d'introduire une demande de carte bleue. "Pour faire de l'UE une destination plus attrayante pour les travailleurs dotés de compétences élevées dont notre économie a besoin", le nouveau système renforcerait les droits des titulaires de la carte bleue par un accès plus rapide au statut de résident de longue durée et un accès immédiat et plus flexible au marché du travail. Les droits des membres de la famille seraient aussi renforcés par la possibilité pour ceux-ci de rejoindre simultanément le titulaire de la carte bleue européenne.

La Commission européenne pense que le nouveau système pourrait générer des retombées économiques positives de l'ordre 1,4 à 6,2 milliards d'euros par an. Elle s'empresse aussi de préciser qu'il resterait toujours de la responsabilité des États membres de décider du nombre de ressortissants de pays tiers admis sur leur territoire dans le but de trouver un emploi et "de procéder à un examen du marché du travail en cas de perturbations graves".

Des avis contrastés au Parlement européen

Le jour de leur présentation, les eurodéputés ont eu un premier échange de vues sur les nouveaux projets de la Commission européenne.

Pour le PPE, la Hongroise Kinga Gál, membre du parti FIDESZ de Viktor Orbán, a souligné l'importance de la protection des frontières extérieures dans un intérêt humanitaire puisque des mesures ambigües pourraient être vues comme des invitations aux candidats à la migration. "Si on envoie le message qu'il n'est pas possible de rester, la Méditerranée ne sera plus un cimetière", a-t-elle dit. Elle a par ailleurs souligné que la proposition sur les cartes bleues devra prendre en compte le niveau de chômage élevé des jeunes dans l'UE. Elle a dit que l'éducation doit être au cœur partie du plan d'action pour l'intégration et a souligné que les migrants devaient "respecter nos valeurs et traditions pour réussir leur intégration"

Au nom du groupe S&D, Claude Moraes a parlé de "propositions très importantes et très courageuses à ce moment de la crise migratoire". Il est de l'avis de la Commission que si on ne s'occupe pas d'intégration et d'accueil des migrants, les coûts de l'inaction seront élevés. "Au niveau européen, il y a des mesures-clés qui peuvent faire l'objet de décisions avec la Commission comme celles concernant le marché du travail", a-t-il dit.

Helga Stevens (ECR) a souligné le caractère indéniable du déficit démographique actuel et futur de l'UE. Elle a ainsi jugé très positif que l'UE réfléchisse à sa politique et lance le débat. "L'immigration et l'asile sont deux choses différentes à traiter de façon distincte", a-t-elle néanmoins mis en garde. "Il est essentiel pour notre économie que l'Europe puisse attirer des travailleurs très qualifiés. Mais la carte bleue n'est pas une carte d'asile", a-t-elle dit. L'ouverture du marché du travail doit se faire au bénéfice des détenteurs de cette carte bleue uniquement. Concernant l'intégration qu'elle juge nécessaire, elle a déclaré qu'il était important que ces investissements soient faits dans les Etats membres et que ces derniers les donnent ensuite aux autorités locales.

Nathalie Griesbeck pour l'ADLE, pense qu'il y a urgence à ce que l'Europe se dote "d'une véritable politique efficace de migration légale, d'intégration réussie, en travaillant contre l'immigration irrégulière et le travail clandestin". Elle souhaite la mise en œuvre de quotas d'immigration légale et qu'un seul dispositif européen soit mis en place, flanqué d'un portail européen contenant les informations sur les besoins et les offres d'emploi. La carte bleue doit être "un équivalent réaliste de la green card des Américains pour attirer l'innovation  et booster notre développement économique", a-t-elle conclu.

Marina Albiol Guzmán (GUE/NGL) a jugé que faire des différences entre les droits des demandeurs d'asile et les droits des migrants "légaux" c'est tenir "un discours raciste et xénophobe", ce à quoi elle se refuse. "La situation administrative d'une personne ne devrait pas conditionner ses droits et sa liberté", dit-elle jugeant par ailleurs "discriminatoire" d'accepter en priorité les migrants les plus qualifiés sur son territoire. Les nouvelles propositions prévues encourageraient selon elle "une main-d'œuvre à bon marché, un esclavage moderne".

Jean Lambert (Verts/ALE) a estimé qu'il était important de développer un espace européen de qualification et parallèlement de faire plus pour garder les personnes hautement qualifiées déjà présentes. Elle a souligné l'importance des ingénieurs issus de pays tiers pour le développement d'une économie faible émettrice de carbone chère à son groupe.

Jonathan Arnott (EFDD) s'est dit d'accord pour une immigration fondée sur les compétences. En amont du referendum sur le Brexit, il a souligné qu'il devrait y avoir également un système de migration plus contrôlé d'un Etat membre de l'UE vers l'autre.