Lors d'un débat qui s'est tenu le 8 juin 2016, le Parlement européen a fait le bilan à mi-parcours du plan d'investissements stratégiques, dit plan 'Juncker', qui vise à relancer les investissements publics et privés et à alimenter la reprise économique de l'Union européenne.
Pour rappel, le plan Juncker doit, pour les années 2015 à 2017, permettre la mobilisation de 315 milliards d'euros, à travers le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI), dont la création fut approuvée par le Parlement européen le 24 juin 2015. Cette somme permettrait de fournir un soutien public à des projets économiquement viables mais qui ne pourraient pas se réaliser autrement à cause de la frilosité des investisseurs privés. Le fonds reçoit 16 milliards d'euros de garanties de l'Union européenne et 5 milliards additionnels de la Banque européenne d'investissement. Chaque euro de l'argent public génère un total de quinze euros d'investissements publics et privés, menant ainsi à un investissement général de 315 milliards d'euros.
Le 1er juin 2016, tirant le bilan de la première année d'activité de l'EFSI, la Commission européenne a fait savoir qu'elle proposerait à l'automne 2016 son prolongement pour trois années supplémentaires (2018-20). Elle juge les résultats "encourageants" alors que les projets jusque-là retenus représentaient des investissements à hauteur de 100 milliards d'euros, pouvant concerner plus de 140 000 petites et moyennes entreprises. Les secteurs les plus concernés sont l'énergie, la recherche et le développement, les transports et le numérique. La France, l'Italie, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Espagne, sont les pays qui en ont le plus profité.
"Le plan d'investissement fonctionne et dément les prévisions pessimistes. Le Fonds européen pour les investissements stratégiques crée des emplois et stimule l'investissement dans l'économie réelle chaque jour", avait alors déclaré le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Un autre volet du plan d'investissement, à savoir le portail européen de projets d'investissement (EIPP), une plateforme en ligne qui rassemble les promoteurs de projets et les investisseurs européens, avait été lancé à cette occasion.
"Le plan d'investissement semble fonctionner", a déclaré le commissaire européen en charge de la Croissance et de l'Investissement, Jyrki Katainen, en amont des débats. Il a souligné que "la question principale n'est pas de l'élargir, mais d'agir là où le marché ne fonctionne pas", citant les difficultés observées en matière de prises de participation directe dans le capital des PME. Il a également évoqué l'idée de la Commission de s'inspirer de l'EFSI pour créer un outil innovant de financement de projets dans les pays en voie de développement afin d'affronter "les causes profondes" de la migration.
Le groupe PPE, par la voix de l'eurodéputé Othmar Karas, s'est montré le plus enthousiaste en estimant que le plan 'Juncker' doit être "approfondi et élargi". S'agissant "d'un sprint et non d'un marathon", il serait important de poursuivre ces mesures pour obtenir des résultats, a-t-il poursuivi, saluant par ailleurs l'idée d'une extension de ce modèle à l'Afrique.
Le député S & D Gianni Pittella a jugé que cette mesure pourrait représenter une réponse sérieuse à la crise économique, à condition que le financement accordé au titre du plan 'Juncker' soit "additionnel et non de substitution". La BEI doit, selon lui, prendre plus de risques et financer des projets qui ne l'auraient pas été sans le plan d'investissement. Elle doit, pour ce faire, ne "pas considérer la notation du triple comme un dogme", a-t-il dit.
Sander Loones (ECR) pense qu'il est encore prématuré de tirer des conclusions sur l'avenir de l'EFSI. Il faudrait attendre l'analyse et savoir si les objectifs sont atteints, avant qu'une prorogation ne soit envisageable, a déclaré l'eurodéputé, en rendant attentif à la nécessité de contrôles rigoureux pour éviter la corruption et les mauvais investissements et en insistant sur le fait que le plan aura une influence positive, si les Etats membres bénéficiaires engagent des "réformes structurelles".
Pour l'eurodéputé ADLE Pavel Telička, ce plan ressemble à d'autres programmes qui existent déjà et n'est donc pas nécessairement une valeur ajoutée. "90 % des projets financés semblent très semblables à ceux financés habituellement par les fonds structurels ou la BEI", a-t-il estimé. L'ADLE est d'avis qu'il faudrait renforcer davantage le marché intérieur, réduire les charges pour les PME et éliminer les barrières aux investissements étrangers et à l'accès au financement. "Nous devons garantir que l'EFSI ne finance que des projets vraiment novateurs qui n'auraient de toute façon pas été financés par d'autres instruments financiers tels que le mécanisme pour l'interconnexion en Europe ou Horizon 2020. La Commission doit accélérer et améliorer la qualité des projets pour que le plan Juncker soit un succès", a aussi déclaré Pavel Telička.
Les groupes GUE/NGL et Verts/ALE ont estimé que le plan d'investissement doit être réorienté afin qu'il se focalise sur les territoires en retard de développement, alors que pour l'heure, le plan favoriserait les régions les plus développées. "Il est temps de penser à un véritable plan d'investissement public qui favorise la cohésion économique et sociale", a considéré Miguel Viegas (GUE/NGL). Pour l'heure, avec ce plan, "la gestion privée est apporté à l'intérieur de services publics, au détriment du développement et en se focalisant sur les bénéfices pour les grandes multinationales", a-t-il dénoncé.
"Le plan devrait plutôt se concentrer sur des pays qui manquent d'investissements et de capacités d'investissement. L'Allemagne dispose de toutes les capacités du monde [en la matière]", a estimé pour sa part le député vert belge Philippe Lamberts. Comparant le plan 'Juncker' à un "saupoudrage qui relève plus de l'homéopathie que du remède de cheval nécessaire", il a plaidé pour que les États membres renforcent leur contribution au plan et que celui-ci soit "concentré" sur les pays en difficulté économique et sur les projets à valeur ajoutée européenne dans les secteurs d'avenir, comme "la transition et l'indépendance énergétiques".
Nigel Farage (ELDD) a jugé chimérique que les capitaux privés se mobilisent pour ces grands projets qui à son goût annoncent plutôt la fin du projet politique européen. Il s'est ensuite lancé dans un plaidoyer en faveur du Brexit lors du référendum britannique du 23 juin 2016, quittant son hémicycle à la fin de ce qu'il espérait être son dernier discours au Parlement européen.