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Plan Juncker – Le Parlement européen approuve à une large majorité l'accord politique interinstitutionnel sur le projet de règlement instaurant le Fonds européen pour les investissements stratégiques
24-06-2015


Le commissaire chargé de l'Investissement, Jyrki Katainen, lors d'un débat au Parlement européen le 24 juin 2015. ( @European Union)Le 24 juin 2015, le Parlement européen a approuvé, avec 464 voix pour, 131 voix contre, et 19 abstentions, l'accord politique interinstitutionnel sur le projet de règlement instaurant le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS ou EFSI en anglais), le bras financier du plan 'Juncker' d'investissement de 315 milliards d’euros.

L’EFSI sera établi au sein de la Banque Européenne d'Investissement (BEI) et aura pour but de fournir un soutien public à des projets économiquement viables mais qui ne pourraient pas se réaliser autrement, à cause de la "frilosité" des investisseurs privés du fait de la situation économique incertaine et du plus grand risque impliqué, note le Parlement européen dans un communiqué de presse. Le Fonds assumera une partie de ce risque, encourageant ainsi le secteur privé à oser financer ces projets.

Maintenant que le Parlement a approuvé les règles, le Conseil des ministres doit faire de même. Le règlement du plan Juncker entrera alors en vigueur début juillet, et son fonds devrait être pleinement opérationnel d'ici septembre.

Le contexte

Pour mémoire, le 26 novembre 2014, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait présenté devant le Parlement européen un plan d’investissement de 315 milliards d’euros pour l’emploi et la croissance en Europe visant à répondre à la baisse des niveaux d’investissement observée dans l’UE depuis la crise financière et économique mondiale, conformément au programme qui lui avait permis d’être élu en juillet 2014 à la tête de l’institution.

Le 13 janvier 2015, la Commission avait mis sur la table sa proposition établissant l’EFSI et le 10 mars suivant, les ministres européens des Finances réunis en Conseil Ecofin avaient adopté leur position de négociation relative au projet législatif. Ils avaient été suivis rapidement par le Parlement européen où, dès le 20 avril 2015, les eurodéputés des commissions des budgets (BUDG) et des affaires économiques (ECON) ont adopté leur mandat de négociation, ouvrant ainsi la voie aux discussions en trilogue.

Un accord en trilogue sur les modalités du Fonds européen pour les investissements stratégiques, pièce centrale du "plan Juncker", avait enfin pu être trouvé le 28 mai 2015 entre les négociateurs du Parlement européen, du Conseil de l’UE et de la Commission européenne.

D'où viennent les 315 milliards d'euros ?

Graphique sur l'origine des crédits devant abonder l'EFSI (source: Commission européenne)Il est prévu que le Fonds reçoive 16 milliards d'euros de garanties de l'UE et 5 milliards additionnels de la BEI pour une capacité totale de 21 milliards d'euros. Ceci permettra à la BEI d'émettre des bons d'une valeur globale trois fois supérieure, et d'utiliser l'argent pour cofinancer des projets aux côtés d'investisseurs privés afin que chaque euro de l'argent public génère un total de quinze euros d'investissements publics et privés, menant ainsi à un investissement général de 315 milliards d'euros.

Le plan devrait compléter, et non remplacer, d'autres programmes de l'UE et de la BEI, note le Parlement européen dans son communiqué de presse.

Un impact budgétaire réduit sur les programmes européens existants

Initialement, la Commission avait proposé une réduction budgétaire de 6 milliards d'euros sur le programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 et sur le mécanisme pour l'interconnexion en Europe afin de libérer des fonds pour la garantie européenne. Sous pression du Parlement européen, ce montant avait néanmoins été réduit à 5 milliards d’euros dans l’accord trouvé entre co-législateurs. Le redéploiement de crédits, d’un montant de 5 milliards d’euros touchera le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE - dont le but est de relier les réseaux de l'énergie, des transports et du numérique en Europe) à hauteur de 2,8 milliards (contre 3,3 milliards proposés) et celui d’Horizon 2020 à hauteur de  2,2 milliards d’euros (la Commission prévoyait 2,7 milliards).

Par ailleurs, 3 milliards proviendront des marges non utilisées des budgets 2014 et 2015.

Aux yeux du Parlement européen, d’autres "réussites" de l’accord résident dans le gain du droit pour le Parlement d'approuver la nomination du directeur général et de son adjoint du Fonds d'investissement, dans la précision que la liste des projets approuvés sera publique, mais aussi dans la demande qu'un ensemble de critères de sélection des projets et une liste des objectifs des projets seront élaborés pour garantir que les projets sélectionnés soient cohérents avec les priorités générales de l'Union.

Les réactions

Dans son discours en session plénière, le commissaire chargé de l'Investissement, Jyrki Katainen, s’est réjoui de l’adoption de l’accord par le Parlement européen, estimant que l’EFSI contribuerait à lutter contre "les défaillances du marché". A ses yeux, le fonds "ne révolutionnera néanmoins pas le monde", d'où l'importance pour les États membres de poursuivre les mesures structurelles et pour la Commission de se pencher sur "le 3e pilier du plan Juncker" qui a trait à l'approfondissement du marché intérieur. Et de préciser que les contributions publiques issues des États membres au plan Juncker seraient neutres au regard du Pacte de stabilité et de croissance.

"Le plan Juncker est un instrument innovant qui donnera un coup de pouce majeur à l'investissement en Europe", a souligné l’eurodéputé portugais José Manuel Fernandes (PPE), rapporteur de la commission des budgets. "240 milliards d'euros du plan iront aux investissements et 75 milliards d'euros iront à l'épine dorsale de notre économie : les PME", a-t-il poursuivi. Et de souligner que les hommes politiques "ne créent pas de l'emploi", mais qu’ils pouvaient toutefois "aider ceux qui le font"

L’eurodéputé allemand et rapporteur de la commission des affaires économiques et monétaires Udo Bullmann (S&D) a quant à lui estimé que le Parlement européen a, en validant l’accord, "lancé un renversement de la politique économique et a ouvert la voie aux investissements dont nous avons besoin de toute urgence pour moderniser l'Europe". Et de se féliciter du fait que ces investissements soient "explicitement reconnus" dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance.

L’eurodéputé Richard Ashworth (ECR) s’est dit "déçu" du fait qu’une partie des budgets européens d'investissement pour la recherche et les transports soit utilisée pour alimenter le Fonds. "Cependant, nous avons mis en place des garanties pour de nombreux programmes de recherche cruciaux tels que la recherche sur le cancer, et avec la capacité de mobilisation de ce fonds, nous espérons que le gain net pour la recherche et l'infrastructure sera positif", a-t-il néanmoins précisé.

Le président de l’ALDE, Guy Verhofstadt, a quant à lui souligné que ce fonds permettra de "garantir des investissements structurants pour la compétitivité européenne, en particulier dans le numérique et l'énergie".

Si l’eurodéputée Liadh Ni Riada (GUE/NGL), rapporteur fictive de la commission des budgets, s’est félicitée de l’accord, elle a néanmoins regretté que celui-ci ne tienne pas compte du fait que "le trou" dans l’investissement public est dû "aux politiques d’austérité continues". C’est ce qui fait qu’aux yeux du groupe d’extrême gauche GUE/NGL, cet accord est "imparfait".

"Malgré l'opposition des conservateurs et des socialistes à notre demande de fléchage direct des fonds pour les projets d'efficacité énergétique, c'est principalement grâce à la pression des Verts-Ale qu'une priorité sera donnée dans le plan Juncker aux projets favorisant l'essor des énergies renouvelables et l'efficacité énergétique", s’est pour sa part félicité l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Verts-ALE). "Le financement de projets axés notamment sur le charbon ou le nucléaire sont donc mis de côté", a-t-il précisé. L’eurodéputé regrette néanmoins le fait qu’une grande partie de l’argent pour les garanties de l’UE provienne de programmes européens existants. "A mon avis, c’est contre-productif, car le programme Horizon 2020 favorise la recherche et l’innovation et incite ainsi les investissements", a expliqué Claude Turmes. L’eurodéputé se félicite néanmoins du fait que le Parlement européen soit parvenu à réduire d’un milliard le montant provenant de ces programmes, ce qui a selon lui empêché que le "programme Mare-Curie" pour le soutien des jeunes chercheurs, "très important pour le Luxembourg", soit affecté.