La Commission européenne a décidé le 5 juillet 2016 de proposer au Conseil la signature de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada, le CETA, de préférence lors du prochain sommet UE-Canada en octobre 2016. L’accord pourrait être appliqué provisoirement dès sa signature et après accord du Parlement européen, et avant sa ratification par les parlements nationaux.
Bien que la Commission considère que le CETA soit un accord qui tombe sous la compétence exclusive de l’UE, ce que son président, Jean-Claude Juncker, avait clairement exprimé le 28 juin 2016 à l’issue de la réunion du Conseil européen, elle a tenu compte de la situation politique au Conseil, et elle a décidé de le considérer comme un accord à compétence "partagée" ou "mixte". Sans cette décision, il lui serait difficile d’obtenir une majorité qualifiée au Conseil pour qu’elle puisse signer avec le Canada au nom de l’UE, car pour certains Etats membres, dont l’Allemagne, l’Autriche et le Luxembourg, l’exclusion des parlements nationaux du processus de ratification du CETA constitue une ligne rouge.
L’obstacle que la Commission tente d’esquiver par sa décision au Conseil est double. Le Conseil ne pourrait amender sa proposition de signature qu’à l’unanimité des Etats membres. Cette unanimité n’est pas envisageable, puisqu’il y a des pays qui sont d’accord avec la Commission. Mais de l’autre côté, la proposition de la Commission requiert, elle, pour être approuvée, la majorité qualifiée. Or, seuls dix gouvernements européens - Royaume-Uni, Italie, Finlande, Espagne, Estonie, Suède, Portugal, Lituanie et Chypre - soutiennent l’idée que le CETA est un accord qui relève de la compétence exclusive de l’UE. Sans majorité qualifiée en faveur de la proposition de la Commission, le projet de ratification et de signature du CETA serait compromis et en suspens.
C’est cette évaluation des rapports de force au sein du Conseil qui a conduit la Commission à considérer le CETA comme un "accord mixte", bien que d’un point de vue purement juridique, elle continue de le considérer comme un accord qui relève exclusivement de la compétence de l’UE.
La Commission a fait cette concession "afin de rendre rapidement possible la signature de CETA". Sans préjudice de cette décision qu’elle a prise en fonction de la situation politique au sein du Conseil, mais aussi parce qu’elle a estimé qu’elle doit procéder rapidement et que selon Jean-Claude Juncker, "la crédibilité de la politique commerciale de l’UE est en jeu", elle attendra néanmoins que la CJUE clarifie la question des compétences pour la conclusion, la signature et la ratification de tels accords commerciaux entre l’UE et des parties tierces dans le cadre de la procédure préjudicielle en cours sur l’accord entre l’UE et Singapour.