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Commerce extérieur - Traités et Affaires institutionnelles
CETA – La décision de la Commission européenne de considérer le CETA comme un accord mixte ne convainc pas complètement
06-07-2016


Le CETA. Source : Commission européenneLa décision de la Commission européenne, rendue publique le 5 juillet 2016, de considérer l'accord de libre-échange avec le Canada (CETA), comme un accord mixte, a fait l'objet de nombreuses réactions. Cette décision, fruit de la pression exercée par des Etats membres, dont le Luxembourg, la France et l'Allemagne, et des organisations de la société civile, implique que les parlements nationaux, et certains parlements régionaux également, soit 38 assemblées au total, doivent ratifier le traité pour qu'il puisse entrer pleinement en vigueur. Néanmoins, la Commission a retenu l'idée que le traité puisse être appliqué provisoire, pour ses parties relevant de la seule compétence européenne, avant que les parlements nationaux se soient prononcés, mais après que le Conseil (le 18 octobre 2016) et le Parlement européen l'auront approuvé.

Les réactions au Luxembourg

Le chef de file du LSAP à la Chambre, Alex Bodry, a constaté sur Twitter "l'étonnante volte-face de la Commission"  et considérer comme une "excellente chose que les parlements décident sur le volet national". A l'antenne de la radio 100komma7, le député LSAP, Marc Angel, président de la commission des affaires étrangères et européennes, a mis en avant le fait que ne seraient appliquées provisoirement que les parties relevant de la compétence européenne.

Le DP s'est réjoui que Jean-Claude Juncker ait "enfin lâché" et révisé "sa position intenable". "La confiance des citoyens dans le CETA ne peut s'obtenir que par une discussion dans les parlements nationaux", disent les libéraux.

La décision de la Commission a soulagé Déi Gréng, satisfaits que la Commission ait rencontré une de leurs revendications centrales, de choisir une procédure la plus démocratique possible pour des accords si lourds de conséquences. "C'est un important signal, pour que, précisément maintenant, il n'y ait pas plus de gens qui perdent leur croyance dans le projet commun européen", a déclaré Claude Adam dans un communiqué.

Par contre, les écologistes déplorent le choix de la Commission d'une application provisoire des parties purement européennes de l'accord, avant même leur ratification par les parlements nationaux. Néanmoins, ils constatant que cette décision de la Commission est en accord avec la motion de la Chambre des députés adoptée le 7 juin 2016, qui demandait un vote préalable du Parlement européen, avant que le traité n'entre en vigueur, rappelle Viviane Loschetter, chef de fraction de déi gréng, qui s'est par ailleurs réjouie sur Twitter que "le processus démocratique est respecté".

Le député CSV, Laurent Mosar, qui avait critiqué la position de la Commission lors du débat à la Chambre du 7 juin 2016, s'est réjoui sur Twitter que la Commission "se montre enfin compréhensive", et a émis le souhait qu'il en soit de même pour le TTIP.

Déi Lénk est convaincu que c'est tout l'accord, y compris le tribunal d'arbitrage, qui sera mis en oeuvre de manière provisoire avant le vote des parlements nationaux. "Normalement, les parties qui relèvent de la compétence partagée, ne sont pas mises en œuvre au préalable. Malmström a toutefois souligné que la Commission est toujours du même point de vue juridique, que le CETA est exclusivement de la compétence européenne, et qu’elle a accepté une codécision des parlements nationaux pour des raisons politiques. Donc, la mise en œuvre provisoire concernerait l’ensemble de l’accord, à moins qu’un nouvel avis juridique contredise l’avis de la Commission", dit en effet Déi Lénk dans un communiqué, qui appelle les gouvernements à s'opposer à cette application provisoire.

La plate-forme Stop TAFTA continue de "dénoncer une manière de faire antidémocratique“, qu'elle voit dans l'application provisoire de l'accord, "avec toutes les conséquences profondes dans les domaines démocratiques, sociaux, écologiques et de protection des consommateurs" qui vont avec. La plate-forme demande au gouvernement d'intervenir contre cette transposition provisoire.

Au niveau européen

Le groupe GUE-NGL est le seul groupe politique du Parlement européen à avoir réagi par communiqué de presse. Il se réjouit d'une part de la décision de la Commission, alors que "la négociation entière a été complètement opaque". Mais il reproche aussi que le traité puisse être appliqué provisoirement. “Dans les faits, une fois de plus, l'accord pourrait avancer malgré l'opposition de la société civile jusqu'à ce qu'un parlement national ne le rejette",  

“La Commission veut toujours forcer l'adoption de l'accord, en passant au-dessus des gens. (…) Cela pourrait générer des réactions négatives et controverses ainsi que des conséquences à travers l'Europe", prévient l'eurodéputé GUE-NGL Helmut Scholz . Or, "Les mêmes problèmes demeurent : les entreprises auraient la capacité à contourner les lois nationales et les règlementations pour protéger la santé humaine et l'environnement. Même pour une courte période, cela aura un impact important qui pourrait prendre des années pour être défait."

Le Secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES), Luca Visentini, avait la veille  de la décision, renouvelé ses griefs contre un "accord bancal dont les normes du travail sont inapplicables, un processus juridique destiné uniquement aux investisseurs étrangers, qui ne parvient pas à exclure complètement les services publics".

Greenpeace international s'est manifesté par la voix de sa directrice exécutive, Jennifer Morgan, conseillant aux politiciens d' "écouter les critiques croissantes du public sur les accords commerciaux tels le CETA et le TTIP". Or, "appliquer le CETA avant l'approbation par le parlement national ne fera que mettre de l'huile sur le feu”. “CETA alignerait la protection sociale et la protection de l'environnement comme des dominos. Les grosses entreprises pourraient simplement les faire culbuter en recourant à ces cours spéciales façonnées pour écarter tout ce qui est en travers du chemin vers le profit privé", a ajouté Jorgo Riss.

Du côté des Etats membres

La France et l'Allemagne se sont montrées satisfaites de la décision prise par la Commission. "Il est bien et juste que les Parlements nationaux soient impliqués dans le processus de ratification (...) Je l'ai toujours souligné, et je me réjouis que la Commission ait jeté les bases pour cela", a dit le vice-chancelier allemand, le ministre allemand de l'Economie Sigmar Gabriel.

 "C'est une question de principe essentielle pour assurer l'adhésion des citoyens européens aux politiques commerciales conduites en leur nom", a déclaré de son côté le secrétaire d'Etat français au Commerce extérieur, Matthias Fekl, dans un communiqué. Pour la France, "le CETA est un accord ambitieux, équilibré et mutuellement bénéfique, à la hauteur des liens étroits et historiques qui unissent l'Union européenne, la France et le Canada", y lit-on encore.

A la différence de la France, de l'Allemagne et du Luxembourg notamment, l'Italie faisait partie des Etats membres qui étaient en faveur de la qualification du CETA comme accord purement UE.

Dans un communiqué, le ministre italien de l'Industrie, Carlo Calenda, a estimé que "la décision, sans précédent" de la Commission, constitue "un dommage supplémentaire fait à la construction européenne et un pas décisive vers la stagnation de la politique commerciale de l'UE." La qualification du CETA comme un accord pleinement UE aurait été un "processus pleinement démocratique, prévu par les traités", qui n'aurait pas empêché les assemblées nationales de débattre du contenu du CETA.

Il se demande "comment l'Europe pourra encore être considérée comme un partenaire de négociation crédible". "C'est un signal préoccupant que la Commission cède ainsi aux pressions des Etats membres en renonçant à ses propres prérogatives et en affirmant, en même temps, que la nature juridique de l'accord est "purement UE" mais qu'elle n'a pas la force de le présenter comme tel aux Etats membres", a-t-il encore dit.

Au Canada

De l'autre côté de l'Atlantique, la ministre canadienne du Commerce, Chrystia Freeland, a assuré à l'agence de presse The Canadian Press, que les entreprises canadiennes récolteront les bénéfices de l'accord commercial avant que les parlements nationaux européennes ne le votent. "Il est très probable, presque certain, que l'application provisoire couvrira la part du lion de l'accord", a-t-elle en effet dit. "L'Europe est compliquée. Nous le savons. C'est un demi-milliard d'habitants. Nous sommes confiants que tout sera fait", a-t-elle ajouté.

Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a affiché un même optimisme en estimant que ces décisions n'étaient "pas nécessairement mauvaises". "C'est une étape à laquelle on s'attendait et je suis encore très optimiste par rapport à cet accord-là et (sur) comment on va pouvoir le ratifier bientôt", a-t-il dit lors d'une conférence de presse à Montréal.

Organisation de la société civile, le Conseil des Canadiens doute au contraire des chances d'une adoption du CETA. La Roumanie et la Bulgarie ne voudraient pas ratifier le texte pour protester contre les limitations de visa faites à leurs ressortissants par le Canada. En Belgique, le Parlement wallon a déclaré qu'il le rejetterait. En Allemagne, le Bundesrat est en mesure de le faire échouer. Aux Pays-Bas, les citoyens ont initié un referendum. La Pologne, la Slovénie et l'Autriche ont également émis de sérieuses préoccupations", dit le communiqué de cette organisation. En considérant également que le plus grand partenaire commercial, suite au Brexit, ne sera plus dans le CETA, le Conseil des Canadiens appelle le gouvernement canadien, à  reculer et à faire "une analyse pertinente des coûts et bénéfices" du CETA.

"Comme beaucoup de Canadiens, les Européens sont inquiets des attaques du CETA sur la démocratie, son affaiblissement des standards sociaux, sa contribution à la privatisation, ses attaques sur les services publics", a déclaré Maude Barlow, présidente de l'organisation. "Après le vote du Brexit, les décideurs politiques des deux côtés de l'Atlantique seraient bien conseillés d'écouter leurs électeurs, plutôt que d'imposer aux populations des solutions discréditées.”