Suite à la décision du Conseil ECOFIN du 12 juillet 2016, qui avait suivi la Commission dans son avis du 7 juillet, que l'Espagne et le Portugal n'avaient pas pris les "actions suivies d'effet" pour corriger la déviation de leur trajectoire budgétaire entre 2013 et 2015, comme les y avait conviés le Conseil en juin 2013, la Commission européenne a rendu publiques le 27 juillet 2016 ses recommandations au sujet des deux Etats membres. Elle recommande d'un côté une nouvelle trajectoire d'ajustement budgétaire et de l'autre qu'aucune sanction ne soit imposée aux deux pays.
Concrètement, le Portugal devra mettre fin à son déficit excessif dès 2016, et l'Espagne, qui est dirigée depuis décembre 2015 par un gouvernement expédiant les affaires courantes et qui peine à trouver une majorité parlementaire appuyant un nouveau gouvernement, devra le faire en 2018.
La Commission a renoncé à imposer une sanction pouvant aller jusqu'à 0,2 % du PIB des deux Etats membres, invoquant la possibilité de réduire cette sanction en cas de circonstances économiques exceptionnelles ou suite à une demande motivée des Etats concernés. Elle précise les raisons de sa décision : un environnement économique qui impose de nombreux défis, les efforts de réforme des deux pays et leurs engagements à respecter les clauses du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) aux échéances prévues.
La Commission précise que le Conseil n'est pas lié par ses recommandations et peut imposer des sanctions pouvant aller jusqu'à 0,2 % du PIB aux deux pays contre lesquels a été ouverte une procédure pour déficit excessif.
La Commission, obligée en théorie de suspendre les Fonds structurels (ESI) des deux Etats membres pour 2017, a finalement décidé de ne pas encore statuer sur cette question, mais de faire une proposition seulement après avoir entamé le dialogue à ce sujet que le Parlement européen a demandé. Là aussi, les fonds ESI pourraient ne pas être suspendus, si l'Espagne et le Portugal réussissent à prendre jusqu'au 15 octobre 2016 des actions qui produisent des effets, dont un projet de budget 2017 à présenter en automne en accord avec les exigences du Pacte de stabilité et de croissance.
Le Conseil, qui peut adopter, amender ou rejeter la proposition de la Commission sur les sanctions, devra statuer dans les 10 jours. Pour amender ou rejeter la proposition, il faut une majorité qualifiée - la dite "majorité qualifiée inversée" - des Etats membres de la zone euro, sachant que l'Etat membre concerné ne pourra pas prendre part au vote.
Quant à la décision sur la nouvelle trajectoire d'ajustement budgétaire, elle devra être prise par le Conseil le 12 septembre 2016, c'est-à-dire deux mois après l'ouverture par le Conseil ECOFIN du 12 juillet de la procédure pour déficit excessif après le constat que les deux pays n'avaient pas pris les "actions suivies d'effet" auxquelles ils s'étaient engagés.
La proposition de la Commission a été saluée dans les deux pays. L'Agence Europe, peu encline en général à faire des commentaires, parle d'une "position qui semble marquer un tournant dans la lecture des règles budgétaires européennes en faveur d'une approche plus flexible, qui se retrouve par ailleurs dans les recommandations faites aux deux pays". Elle fait aussi état de résistances au sein de la Commission, certains commissaires penchant en faveur de sanctions, et de réticences dans "des États membres du Nord et de l'Est, en particulier des États baltes".